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René Naba parle de l'Algérie et de Bouteflika.

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  • René Naba parle de l'Algérie et de Bouteflika.

    A propos de l’Algérie

    Nous sommes en 1983. L’AFP m’envoie, à Alger, pour la couverture journalistique du premier Conseil National palestinien post Beyrouth après le dégagement des Palestiniens de leur sanctuaire libanais. C’était en janvier – février. Tous les dirigeants palestiniens dispersés aux quatre coins du monde arabe, (Alger, Amman, Bagdad, Damas, Ryad, Sana’a, Tripoli) devaient s’y retrouver après la tourmente.
    J’y vais avec beaucoup d’émotion tant pour ce sommet inter palestinien que pour le pays hôte, le partenaire le plus loyal à la cause palestinienne avec Beyrouth.

    Sur place, j’étais logé à l’hôtel Al-Aurassi. Première constatation est bien sûr ma stupéfaction devant l’état d’encombrement de la capitale algérienne. Les embouteillages, les ruptures fréquentes d’eau et de courant. Encore à Al-Aurassi, nous étions mieux lotis que d’autres collègues, présents lors de cet évènement, pour qui c’était tout simplement infernal.
    Un jour j’en avais marre de cette situation de morosité d’Alger. Alger était quand même la plateforme révolutionnaire du tiers-monde au même titre que Beyrouth durant la décennie 1960-1970, la situation dont laquelle était plongée n’était pas l’idée qu’elle devait donner d’elle-même. Parce qu’il arrive parfois qu’on aime les Algériens pas pour leur caractère, mais pour leur histoire, leur combat, la prodigieuse décennie diplomatique qu’ils ont offert aux Arabes sous le tandem Boumediene Bouteflika (1970-1980). Arafat à l’ONU, L’accord irako iranien d’Alger sur la délimitation des frontières entre les deux pays, le nouvel ordre mondial de l‘information, les négociations pour la libération des otages américains à Téhéran, l’exfiltration de Carlos en guise d’épilogue à la prise d’otages de l’OPEP à Vienne en Décembre 1975) et tutti quanti.

    Et donc, j’ai, comme on dit dans le jargon journalistique, torché un papier audacieux, secoueur et provocateur, pour le plaisir de secouer. La chute de ce papier était terrible: «Alger est la ville la plus triste de la Méditerranée au même titre que Tripoli -Libye».

    Je vaque à mes occupations et le lendemain je retourne à la conférence pour suivre les travaux préparatoires. Du coup y a une limousine qui s’arrête au siège de la conférence au club des pins.
    Ce sont deux amis très haut placés qui sont venus me voir. Il s’agissait de Mohammed Yazid, l’ancien porte-parole du GPRA, ambassadeur d’Algérie au Liban et auprès des Palestiniens et le deuxième personnage, ce n’est rien d’autre qu’Abdel Hamid Mehri, un pur arabisant dont le prénom s’identifie à un autre prénom d’un sultan de l’Empire. A l’époque, Mehri était le secrétaire général du FLN, c’est-à-dire un homme très influent du régime algérien.
    Ils me prennent en Limousine et Yazid me dit: «René, personne ne te contestera à Alger. On te respecte beaucoup. Mais moi je voudrais juste savoir une chose: Pourquoi tu as dit qu’Alger était au même titre que Tripoli?». Mon papier était bien sûr dans le sens de les faire réagir. Et dans la nuit, je le jure, mais c’est terrible, dans la nuit on mobilisa engins et camions pour installer des lumières et des guirlandes.

    L’armée est descendue pour badigeonner les murs et refleurir les guirlandes comme par enchantement pour toute la durée de la conférence. Les choses se sont déroulées dans les normes conformément à Alger qui devait être une ville riante et remplie d’histoires.
    Alger, aussi morose et triste soit-elle, avait quand même une importance particulière dans le monde arabe. Avec Beyrouth. Alger et Beyrouth étaient les deux plates-formes continentales révolutionnaires du monde arabe. Beyrouth y avait les Palestiniens et les opposants des pétro monarchies du Golfe, avec en sus, les Erythréens, Somaliens, Kurdes, Turcs, Arméniens. Alger se réservait le tiers-monde africain, en pleine période de décolonisation. Avec cerise sur le gâteau les «Blacks Panthers» américains et leur chef Stockeley Carmaekel.

    J’ai vécu les déchirements de l’Algérie comme les miennes propres et le drame algérien m’était d’autant plus compréhensible que les hasards de la naissance et de la profession m’ont conféré, à Beyrouth, dix ans plus tôt, une sorte d’antériorité dans la tourmente. Nullement une rente de situation, mais une expérience anticipée qui me valait d’avoir été le témoin de semblables tourments et de leurs débordements parfois intempestifs et injustifiés.
    La solidarité de l’Algérie a été sans faille avec les Palestiniens massacrés en Jordanie (1970), ou assiégés avec les Libanais à Beyrouth (1982), pour les suppliciés Soudanais à Khartoum (1972), pour les Vietnamiens brûlés au napalm par les américains (1970-1975), pour les Noirs américains des ghettos déroutés par l’assassinat de leurs chefs charismatiques, Malcolm X ou Martin Luther King, ou encore pour les latino-américains mitraillés à travers Che Guevara en Bolivie (1967) ou pulvérisé avec la destruction du palais présidentiel de Salvador Allende au Chili (1973).
    Le seul cadeau que je recevais, d’ailleurs, durant les 10 ans de mon mandat au service diplomatique de l’AFP à Paris, était un cadeau algérien, qui me parvenait via les services diplomatiques de l’Algérie, de la Présidence algérienne. Un cadeau royal pour une République. Chaque année à Noël, je recevais un coffret de «La cuvée du Président». La Présidence de l’Algérie m’offrait ce cadeau depuis Boumediene. Je n’ai pas eu beaucoup de contact avec Boumediene, mais beaucoup de souvenir avec Mohamad Al Yazid, ambassadeur algérien au Liban.
    En pleine guerre civile au Liban, il traversait les balles pour me rejoindre à l’AFP pour discuter avec moi, mettre les points. A l’époque, il y avait beaucoup de pénurie, de temps en temps, il envoyait sa voiture avec ses gardes de corps pour un simple couscous. J’avais très fréquemment un bon couscous.
    Bouteflika

    On peut lui reprocher une mauvaise accommodation de la langue arabe par rapport au contexte historique de l’Algérie, jeune pays indépendant, mais il était moralement un très grand chevalier. J’ai beaucoup discuté avec lui. J’ai eu beaucoup de souvenir avec Bouteflika aussi. Il y en a un particulièrement alors qu’il était ministre des Affaires étrangères: lors de la conférence islamique de Kuala Lumpur, 1973-1974, j’étais dans un pays anglophone et Reuters notre concurrent principal avait un important bureau à Singapour et l’AFP m’a envoyé moi spécialement, un francophone dans un pays entouré de très grands trusts anglophones.
    Un jour j’étais dans la cafétéria de l’hôtel où se déroulait la conférence. Je connaissais Bouteflika, je l’avais déjà vu à Benghazi, en Libye, et ailleurs, très courtisé tant par les journalistes que par les secrétaires; Très apprécié, brillant et à l’aise; Il comprenait les besoins. La manière avec laquelle il a débarqué avec Arafat aux Nations Unies en 1974, durant la présidence de l’Algérie, était formidable.

    Un jour en reportage en Malaisie, à Kuala Lumpur, où l’ordre du jour portait sur la sécession musulmane de l’Ile de Mindanao aux Philippines, je me sentais défavorisé par rapport à la concurrence, en surnombre.
    Revenant à l’hôtel pantois, ne pouvant faire valoir mon point de vue face aux médias anglophones, tout se passait en anglais. J’avais accès aux documents en arabe, le temps de les traduire, les traiter, faire la synthèse et les envoyer à Paris dans les autres langues… j’étais mort par la concurrence sur cette affaire et j’avais un minimum de 8 heures de boulot. J’ai croisé M. Bouteflika dans les couloirs de la conférence et lui exposait le handicap structurel que représentait une conférence tenue dans un pays anglophone. Il n’a rien dit. Un quart d’heure plus tard, je vois un membre de son entourage venir avec un dossier dans un porte-document, qu’il pose visiblement sur le bar. Il commande un Perrier, et, s’adressant au Barman, pas à moi, lui annonce qu’il allait revenir dans une heure.

    J’avais compris que j’avais une heure pour prendre connaissance des résolutions du communiqué final. Tout se passait dans l’implicite, l’autre revient une heure après et reprend, sans me regarder sans rien, le dossier en s’excusant d’avoir oublié ses affaires sur le bar. C’est cela l’élégance et le sens de l’intelligence. Enfin, j’ai commencé à rédiger.
    La séance finale se prolonge, finalement. Entre-temps, j’avais tout lu, tout transmis à l’AFP, les résolutions et les éclairages nécessaires. Au fur et à mesure que le porte-parole de la conférence lisait le communiqué final, les dépêches AFP tombaient. Les gens étaient abasourdis. J’ai beaucoup apprécié cette sympathie de Boutef. Il était un homme bien et on rigolait parfois dans les coulisses.
    La dernière rencontre avec Boutef c’était à Paris. C’est la première fois que je raconte cette histoire: Un jour, j’étais de service à l’AFP Paris. A la réception, on me dit que quelqu’un voulait me voir: c’était Abdelaziz Bouteflika en voiture. Il me dit voilà, je suis accusé injustement de détournement et je voudrais passer mon communiqué à l’AFP. Un personnage public attaqué a droit de réponse. Et pour Boutef, il avait droit à plus que le strict droit… «Pour Arafat à l’ONU, et pour tout ce que avez fait pour la cause arabe» lui ai-je répondu.

    Il suivait un traitement médical ou il avait froid, il n’est pas sorti de la voiture. J’étais gestionnaire du dossier du Monde arabe au service diplomatique de l’AFP, j’assumais toutes les conséquences. Il était accusé et il répondait. J’ai sorti le communiqué, trois feuillets. Quelques jours après, Alger réplique sans qu’aucune personnalité algérienne ne m’ait fait de reproche. Ils avaient compris que ce que je faisais était professionnel et non de la complaisance. Il est ensuite revenu avec son frère, Saïd, qui faisait des études de médecine à l’hôpital Saint Antoine.
    Si je devais être pénalisé pour une personnalité pareille, une histoire pareille, mon histoire personnelle n’est rien à côté de la sienne. Le sens du devoir, pas de la complaisance, c’est quand même valorisant. Par respect pour son parcours, c’était le minimum que l’on pouvait faire pour le commandant Si Abdelkader. Je n’avais besoin d’aucune autre raison pour le faire, ni d’une caisse de Whisky ni d’une boîte de cigares.
    Tous ces grands démocrates, porteurs de civilisation, donneurs de leçon, devraient pourtant se souvenir, dans l’intérêt de la crédibilité de leur message universel, de cette règle d’hygiène morale, qu’ils devraient ériger en ligne cardinale inaltérable: Nos amis sont nos amis, nos ennemis sont nos ennemis, mais les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis.

    sources: oumma.com

  • #2
    oui mais malheureusement il a tellement changé.

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