Interview. Fouad abdelmoumni “Le Maghreb n’est pas une urgence pour l’Algérie”
Militant associatif et économiste, Fouad Abdelmoumni décrypte les enjeux de la construction maghrébine des deux côtés de la frontière.
Echange de visites, coopération économique… on assiste depuis quelques mois à un semblant de réchauffement entre le Maroc et l’Algérie. Faut-il y croire ?
Oui, il faut y croire par optimisme de cœur. Mais ces signes n’ont pas de consistance. D’abord, parce que le Maroc et l’Algérie ont toujours maintenu un minimum de relations entre eux. Ensuite, parce que la tendance des derniers mois n’est pas bonne. Le programme des visites que vous avez évoqué a été interrompu à cause des tiraillements au sujet du Sahara. Et pourtant, à part l’Union du Maghreb, il n’y a pas d’autre choix pour la viabilité de nos pays. Le problème, c’est qu’il y a une absence de volonté de construire cet espace commun de part et d’autre de la frontière.
Le Maroc et l’Algérie assument donc le même degré de responsabilité selon vous ?
Totalement. L’Algérie continue de reprocher beaucoup de choses au Maroc, et principalement ce qu’elle considère comme “une trahison de la révolution algérienne”
à l’occasion de la Guerre des sables en 1963. En face, le Maroc considère que l’Algérie est le principal facteur de blocage dans l’affaire du Sahara. Mais l’essentiel n’est pas de dire où se situent les problèmes, mais de se demander qui a le plus de motivation pour les dépasser. Et à mon avis, la responsabilité marocaine dans ce sens est plus grande.
Pourquoi ?
Grâce à la manne pétrolière et gazière cumulée ces dernières années, le Maghreb n’est pas une urgence pour l’Algérie. Ce n’est pas le cas du Maroc. S’il ne sort pas de ses contraintes géo-stratégiques, s’il ne fructifie pas la coopération économique régionale en cette période de crise mondiale, je ne vois pas comment le pays pourrait s’en sortir. La situation de statu quo nous fait perdre chaque année des points de PIB et nous laisse otages d’un marché de 30 millions de consommateurs.
Le “conflit” maroco-algérien est-il une affaire de générations ? Survivra-t-il à la génération des leaders historiques du FLN algérien ?
Nos élites n’ont pas le courage de réfléchir en se projetant dans l’avenir. Elles n’arrivent pas à s’émanciper des théories des pères fondateurs. Quand Mohammed VI a accédé au trône, il avait un boulevard devant lui pour se dédouaner de son lourd héritage concernant la relation avec l’Algérie. Il est malheureusement resté sur le même discours que son père.
Que faites-vous du plan d’autonomie ou de son déplacement à Alger en 2005, dans ce cas ?
L’effort a été fait mais sans résultats, et le non-Maghreb nous coûte encore très cher. Tous les Etats du monde ont des voisins belliqueux. Aux hommes d’Etat de contourner cette donne et de la dépasser. Quant au plan d’autonomie, le Maroc a fait des pas significatifs. Les officiels ont même insinué qu’ils étaient prêts à étudier un modèle fédéral. Je dis qu’il faut des avancées qui amènent de vraies ruptures. Aujourd’hui, les Sahraouis n’arrivent pas à faire confiance au Maroc parce que le système politique est encore fragile et assez imprévisible.
En attendant que les politiques aient le courage de la réconciliation, quel rôle peut jouer la société civile pour rapprocher les visions des deux pays ?
Au Maghreb, la société civile doit d’abord lutter pour exister. Les jeunes d’aujourd’hui ne se connaissent pas. Ils ont grandi en autarcie. Les Marocains sont toujours étonnés de voir l’Algérie obtenir un meilleur classement que le Maroc au niveau de la liberté d’expression. Les Algériens croient que tous les Marocains sont des béni-oui-oui adeptes du baisemain. La société civile a au moins l’obligation de favoriser une meilleure connaissance de l’autre.
TelQuel
Militant associatif et économiste, Fouad Abdelmoumni décrypte les enjeux de la construction maghrébine des deux côtés de la frontière.
Echange de visites, coopération économique… on assiste depuis quelques mois à un semblant de réchauffement entre le Maroc et l’Algérie. Faut-il y croire ?
Oui, il faut y croire par optimisme de cœur. Mais ces signes n’ont pas de consistance. D’abord, parce que le Maroc et l’Algérie ont toujours maintenu un minimum de relations entre eux. Ensuite, parce que la tendance des derniers mois n’est pas bonne. Le programme des visites que vous avez évoqué a été interrompu à cause des tiraillements au sujet du Sahara. Et pourtant, à part l’Union du Maghreb, il n’y a pas d’autre choix pour la viabilité de nos pays. Le problème, c’est qu’il y a une absence de volonté de construire cet espace commun de part et d’autre de la frontière.
Le Maroc et l’Algérie assument donc le même degré de responsabilité selon vous ?
Totalement. L’Algérie continue de reprocher beaucoup de choses au Maroc, et principalement ce qu’elle considère comme “une trahison de la révolution algérienne”
à l’occasion de la Guerre des sables en 1963. En face, le Maroc considère que l’Algérie est le principal facteur de blocage dans l’affaire du Sahara. Mais l’essentiel n’est pas de dire où se situent les problèmes, mais de se demander qui a le plus de motivation pour les dépasser. Et à mon avis, la responsabilité marocaine dans ce sens est plus grande.
Pourquoi ?
Grâce à la manne pétrolière et gazière cumulée ces dernières années, le Maghreb n’est pas une urgence pour l’Algérie. Ce n’est pas le cas du Maroc. S’il ne sort pas de ses contraintes géo-stratégiques, s’il ne fructifie pas la coopération économique régionale en cette période de crise mondiale, je ne vois pas comment le pays pourrait s’en sortir. La situation de statu quo nous fait perdre chaque année des points de PIB et nous laisse otages d’un marché de 30 millions de consommateurs.
Le “conflit” maroco-algérien est-il une affaire de générations ? Survivra-t-il à la génération des leaders historiques du FLN algérien ?
Nos élites n’ont pas le courage de réfléchir en se projetant dans l’avenir. Elles n’arrivent pas à s’émanciper des théories des pères fondateurs. Quand Mohammed VI a accédé au trône, il avait un boulevard devant lui pour se dédouaner de son lourd héritage concernant la relation avec l’Algérie. Il est malheureusement resté sur le même discours que son père.
Que faites-vous du plan d’autonomie ou de son déplacement à Alger en 2005, dans ce cas ?
L’effort a été fait mais sans résultats, et le non-Maghreb nous coûte encore très cher. Tous les Etats du monde ont des voisins belliqueux. Aux hommes d’Etat de contourner cette donne et de la dépasser. Quant au plan d’autonomie, le Maroc a fait des pas significatifs. Les officiels ont même insinué qu’ils étaient prêts à étudier un modèle fédéral. Je dis qu’il faut des avancées qui amènent de vraies ruptures. Aujourd’hui, les Sahraouis n’arrivent pas à faire confiance au Maroc parce que le système politique est encore fragile et assez imprévisible.
En attendant que les politiques aient le courage de la réconciliation, quel rôle peut jouer la société civile pour rapprocher les visions des deux pays ?
Au Maghreb, la société civile doit d’abord lutter pour exister. Les jeunes d’aujourd’hui ne se connaissent pas. Ils ont grandi en autarcie. Les Marocains sont toujours étonnés de voir l’Algérie obtenir un meilleur classement que le Maroc au niveau de la liberté d’expression. Les Algériens croient que tous les Marocains sont des béni-oui-oui adeptes du baisemain. La société civile a au moins l’obligation de favoriser une meilleure connaissance de l’autre.
TelQuel
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