«Ne craignez pas d’être lent, craignez d’être à l’arrêt»
(Proverbe chinois)
La plus grande des inégalités qui puisse exister sur Terre est la maladie. Les citoyens ne sont jamais égaux en matière de santé. On ne choisit pas son patrimoine génétique, on l’hérite. Par contre, on peut faire le choix de son hygiène de vie pour éviter de «croiser» les facteurs de risque. Et on ne peut choisir le moment de sa mort. La diversité des individus constitue la loi fondamentale de l’espèce humaine. En Algérie, comme ailleurs, l’hôpital est un lieu mythique. Prenons-en soin. On naît à l’hôpital. On fréquente l’hôpital la vie durant. On meurt à l’hôpital. Et la boucle est bouclée !
L’hôpital public algérien est en «souffrance» depuis des décennies en n’arrivant pas à assurer correctement ses missions de service public.
Il n’est plus adapté à l’offre de soins revendiquée par une forte et croissante demande de la population. Il est urgentissime qu’une loi puisse organiser ce secteur public. A côté de ce grand chantier, un autre est mis en branle. Celui de la mise en place d’hôpital privé. Peuvent-ils cohabiter ? Quelles seraient les interactions de l’un sur l’autre ? Le sujet sera abordé par un questionnement légitime sur les objectifs de ce double projet, le bien-fondé d’une réforme d’abord de l’hôpital public, le rappel de ses misions, la rupture avec les pratiques éculées, les interférences entre l’hôpital public et l’hôpital privé et un état des lieux (audit) préalable pour un important et ambitieux chantier.
Questionnement
En matière de santé, l’égalité des droits, c’est la possibilité d’accéder, quels que soient son origine, sa maladie, son lieu de vie sur le territoire national, à des réponses adaptées à ses problèmes de santé : des soins attentifs, consciencieux, conformes aux données actuelles de la science. Il s’agit d’un droit individuel qui bute maintenant sur des limites collectives, celles du «meilleur circuit». Disons du «meilleur coût» possible. La mise en place, nouvelle, «d’hôpital privé» en Algérie est là. A côté de l’hôpital public.
Dans l’esprit des usagers, jusqu’à récemment, l’hôpital a toujours été synonyme de service du secteur public et la clinique pour le secteur privé. Mais prochainement en Algérie, la clinique s’appellerait alors hôpital. La sémantique a glissé. Peut-être une façon de préparer ces mêmes esprits à une privatisation massive des soins ? A terme, une disparition de l’hôpital public ? Sa disparition est un crève-cœur. Peut-être un service public «sous-traité» par un secteur privé ? Pourrait-on transférer facilement les missions de service public au privé ? Des interrogations légitimes qu’il faudrait mettre au débat. Débattre avec les véritables experts, les professionnels de la santé. Débattre avec les élus. Débattre surtout avec les usagers, le véritable élément au centre du dispositif.
Refonte hospitalière et régulation
Dans le domaine de réforme hospitalière, entre la logique de la concurrence et celle de la solidarité, l’évolution de l’hôpital renseignera de la stratégie du gouvernement. Ce dernier ne devrait pas laisser de place au doute. Le service public hospitalier, disons-le tout de suite, est basé sur un système solidaire. Celui de l’assurance-maladie. Assurance dont l’existence survit grâce aux cotisations de tous les salariés. Bon exemple de solidarité versée pour soigner qui en a besoin. Et tous les patients, du plus «léger» au plus «lourd». Du panaris au doigt à l’Alzheimer. Un secteur qui accepte tous les malades, sans les choisir, et un autre secteur qui peut «choisir» ses malades. Dans un système de financement basé sur la solidarité des salariés, un déficit budgétaire ne choque pas. La santé a un coût mais pas de prix, dit l’adage. Néanmoins, la solidarité nécessiterait des outils de régulation pour limiter ces déficits sans toujours perdre de vue le retour à l’équilibre financier et, même, essayer de dégager une capacité d’autofinancement (CAF).
C’est la «discrimination» dans l’accès aux soins qui choque. Même affublée du qualificatif de «positive», elle reste de la discrimination. Elle est à la fois arbitraire et superficielle. Il serait inconvenant que la seule régulation acceptée soit celle de la main aveugle du marché, où le laisser-faire conduirait à éliminer les plus faibles jusqu’au moment où une crise met tout le monde en position de faiblesse, quoique certains beaucoup plus que d’autres. Et on sera bien loin des principes de la démocratie sanitaire. L’évolution de l’hôpital, grâce à une véritable loi de refonte, ne doit pas privilégier la concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Même si la tarification à l’activité est nécessaire et juste, elle doit demeurer progressive et non totale. Elle est basée sur la prévision des recettes des actes médicaux en vue de programmer les dépenses. Le suivi est élaboré, régulièrement, par un Etat prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD).
Le budget de l’hôpital sera, en quelque sorte, ses recettes. Ce ne sera plus une dotation budgétaire allouée par le ministère de la Santé (sauf pour les missions d’intérêt général et de recherche), dotation laissée à la guise du chef de l’établissement hospitalier qui en fera une ventilation plus ou moins rationnelle. Une tarification à l’activité obligera l’hôpital à devenir «attrayant» pour capter la patientèle et élargir son bassin territorial de santé. Elle visera l’amélioration de la qualité du service rendu aux patients. Cependant, elle ne doit pas justifier une politique de convergence tarifaire alignant les tarifs du service public et de l’hospitalisation privée. En effet, si la tarification à l’activité tient compte de la réalité des actes médicaux (consultations, actes de biologie, de radiologie imagerie, de radiologie interventionnelle, de chirurgie, de médicaments, de consommables...), effectués dans toutes les spécialités de l’hôpital public y compris les spécialités lourdes et coûteuses non effectuées par le secteur d’hospitalisation privé, elle inclut, aussi, la masse salariale des personnels. La cotation de tous les soins confondus subit ces coûts. Il n’en sera pas de même dans le secteur d’hospitalisation privée, même si la cotation intrinsèque des actes médicaux est comparable. La différence des coûts, plus bas dans le secteur privé, résulte dans le choix des pathologies («pathologies juteuses», à l’exclusion des pathologies lourdes et forcément déficitaires) et dans la masse salariale qui est généralement à base d’honoraires directement réglés aux praticiens et qui ne viendront pas alourdir le coût des soins dans ce secteur. Il ne peut donc pas y avoir de convergence tarifaire entre les deux secteurs. Les patients et les missions, donc les coûts sont très différents. Les deux systèmes d’hospitalisation, public et privé, ne seront pas sur un pied d’égalité. Les missions sont différentes entre les deux secteurs. En un mot, «l’hôpital public peut accueillir tout le monde». La notion d’hospice (au sens noble du mot) existe.
Les missions de l’hôpital public
Prioritairement, le Code de santé publique fait obligation au service public hospitalier d'assurer et de concourir à la prise en charge de l’urgence et la permanence des soins aux patients. En effet, les établissements de santé assurant le service public hospitalier doivent être en mesure d’accueillir les patients de jour et de nuit, en urgence ou d'assurer leur admission dans un autre établissement assurant le service public hospitalier. L’hôpital public possède ses propres valeurs et qui lui sont spécifiques d’où découlent ses missions spécifiques, celles de la permanence des soins. Il a obligation d’assurer : (a) la prévention et la détection des problèmes de santé et d’en assurer les urgences en réseau avec les autres acteurs sanitaires de son bassin de santé ; (b) l’enseignement universitaire et post-universitaire, ainsi que la formation continue des praticiens (médecins, pharmaciens, sages-femmes et personnel paramédical) ; (c) la recherche en particulier la recherche clinique et les innovations médicales, biologiques et pharmaceutiques ; (d) la qualité des soins en veillant à un système réglementaire sécurisant les procédures et les actes médicaux et (e) la sécurité et la vigilance dans le processus des soins.
(Proverbe chinois)
La plus grande des inégalités qui puisse exister sur Terre est la maladie. Les citoyens ne sont jamais égaux en matière de santé. On ne choisit pas son patrimoine génétique, on l’hérite. Par contre, on peut faire le choix de son hygiène de vie pour éviter de «croiser» les facteurs de risque. Et on ne peut choisir le moment de sa mort. La diversité des individus constitue la loi fondamentale de l’espèce humaine. En Algérie, comme ailleurs, l’hôpital est un lieu mythique. Prenons-en soin. On naît à l’hôpital. On fréquente l’hôpital la vie durant. On meurt à l’hôpital. Et la boucle est bouclée !
L’hôpital public algérien est en «souffrance» depuis des décennies en n’arrivant pas à assurer correctement ses missions de service public.
Il n’est plus adapté à l’offre de soins revendiquée par une forte et croissante demande de la population. Il est urgentissime qu’une loi puisse organiser ce secteur public. A côté de ce grand chantier, un autre est mis en branle. Celui de la mise en place d’hôpital privé. Peuvent-ils cohabiter ? Quelles seraient les interactions de l’un sur l’autre ? Le sujet sera abordé par un questionnement légitime sur les objectifs de ce double projet, le bien-fondé d’une réforme d’abord de l’hôpital public, le rappel de ses misions, la rupture avec les pratiques éculées, les interférences entre l’hôpital public et l’hôpital privé et un état des lieux (audit) préalable pour un important et ambitieux chantier.
Questionnement
En matière de santé, l’égalité des droits, c’est la possibilité d’accéder, quels que soient son origine, sa maladie, son lieu de vie sur le territoire national, à des réponses adaptées à ses problèmes de santé : des soins attentifs, consciencieux, conformes aux données actuelles de la science. Il s’agit d’un droit individuel qui bute maintenant sur des limites collectives, celles du «meilleur circuit». Disons du «meilleur coût» possible. La mise en place, nouvelle, «d’hôpital privé» en Algérie est là. A côté de l’hôpital public.
Dans l’esprit des usagers, jusqu’à récemment, l’hôpital a toujours été synonyme de service du secteur public et la clinique pour le secteur privé. Mais prochainement en Algérie, la clinique s’appellerait alors hôpital. La sémantique a glissé. Peut-être une façon de préparer ces mêmes esprits à une privatisation massive des soins ? A terme, une disparition de l’hôpital public ? Sa disparition est un crève-cœur. Peut-être un service public «sous-traité» par un secteur privé ? Pourrait-on transférer facilement les missions de service public au privé ? Des interrogations légitimes qu’il faudrait mettre au débat. Débattre avec les véritables experts, les professionnels de la santé. Débattre avec les élus. Débattre surtout avec les usagers, le véritable élément au centre du dispositif.
Refonte hospitalière et régulation
Dans le domaine de réforme hospitalière, entre la logique de la concurrence et celle de la solidarité, l’évolution de l’hôpital renseignera de la stratégie du gouvernement. Ce dernier ne devrait pas laisser de place au doute. Le service public hospitalier, disons-le tout de suite, est basé sur un système solidaire. Celui de l’assurance-maladie. Assurance dont l’existence survit grâce aux cotisations de tous les salariés. Bon exemple de solidarité versée pour soigner qui en a besoin. Et tous les patients, du plus «léger» au plus «lourd». Du panaris au doigt à l’Alzheimer. Un secteur qui accepte tous les malades, sans les choisir, et un autre secteur qui peut «choisir» ses malades. Dans un système de financement basé sur la solidarité des salariés, un déficit budgétaire ne choque pas. La santé a un coût mais pas de prix, dit l’adage. Néanmoins, la solidarité nécessiterait des outils de régulation pour limiter ces déficits sans toujours perdre de vue le retour à l’équilibre financier et, même, essayer de dégager une capacité d’autofinancement (CAF).
C’est la «discrimination» dans l’accès aux soins qui choque. Même affublée du qualificatif de «positive», elle reste de la discrimination. Elle est à la fois arbitraire et superficielle. Il serait inconvenant que la seule régulation acceptée soit celle de la main aveugle du marché, où le laisser-faire conduirait à éliminer les plus faibles jusqu’au moment où une crise met tout le monde en position de faiblesse, quoique certains beaucoup plus que d’autres. Et on sera bien loin des principes de la démocratie sanitaire. L’évolution de l’hôpital, grâce à une véritable loi de refonte, ne doit pas privilégier la concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Même si la tarification à l’activité est nécessaire et juste, elle doit demeurer progressive et non totale. Elle est basée sur la prévision des recettes des actes médicaux en vue de programmer les dépenses. Le suivi est élaboré, régulièrement, par un Etat prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD).
Le budget de l’hôpital sera, en quelque sorte, ses recettes. Ce ne sera plus une dotation budgétaire allouée par le ministère de la Santé (sauf pour les missions d’intérêt général et de recherche), dotation laissée à la guise du chef de l’établissement hospitalier qui en fera une ventilation plus ou moins rationnelle. Une tarification à l’activité obligera l’hôpital à devenir «attrayant» pour capter la patientèle et élargir son bassin territorial de santé. Elle visera l’amélioration de la qualité du service rendu aux patients. Cependant, elle ne doit pas justifier une politique de convergence tarifaire alignant les tarifs du service public et de l’hospitalisation privée. En effet, si la tarification à l’activité tient compte de la réalité des actes médicaux (consultations, actes de biologie, de radiologie imagerie, de radiologie interventionnelle, de chirurgie, de médicaments, de consommables...), effectués dans toutes les spécialités de l’hôpital public y compris les spécialités lourdes et coûteuses non effectuées par le secteur d’hospitalisation privé, elle inclut, aussi, la masse salariale des personnels. La cotation de tous les soins confondus subit ces coûts. Il n’en sera pas de même dans le secteur d’hospitalisation privée, même si la cotation intrinsèque des actes médicaux est comparable. La différence des coûts, plus bas dans le secteur privé, résulte dans le choix des pathologies («pathologies juteuses», à l’exclusion des pathologies lourdes et forcément déficitaires) et dans la masse salariale qui est généralement à base d’honoraires directement réglés aux praticiens et qui ne viendront pas alourdir le coût des soins dans ce secteur. Il ne peut donc pas y avoir de convergence tarifaire entre les deux secteurs. Les patients et les missions, donc les coûts sont très différents. Les deux systèmes d’hospitalisation, public et privé, ne seront pas sur un pied d’égalité. Les missions sont différentes entre les deux secteurs. En un mot, «l’hôpital public peut accueillir tout le monde». La notion d’hospice (au sens noble du mot) existe.
Les missions de l’hôpital public
Prioritairement, le Code de santé publique fait obligation au service public hospitalier d'assurer et de concourir à la prise en charge de l’urgence et la permanence des soins aux patients. En effet, les établissements de santé assurant le service public hospitalier doivent être en mesure d’accueillir les patients de jour et de nuit, en urgence ou d'assurer leur admission dans un autre établissement assurant le service public hospitalier. L’hôpital public possède ses propres valeurs et qui lui sont spécifiques d’où découlent ses missions spécifiques, celles de la permanence des soins. Il a obligation d’assurer : (a) la prévention et la détection des problèmes de santé et d’en assurer les urgences en réseau avec les autres acteurs sanitaires de son bassin de santé ; (b) l’enseignement universitaire et post-universitaire, ainsi que la formation continue des praticiens (médecins, pharmaciens, sages-femmes et personnel paramédical) ; (c) la recherche en particulier la recherche clinique et les innovations médicales, biologiques et pharmaceutiques ; (d) la qualité des soins en veillant à un système réglementaire sécurisant les procédures et les actes médicaux et (e) la sécurité et la vigilance dans le processus des soins.
Commentaire