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Mort du libre-penseur syrien Sadik Jalal Al-Azm

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  • Mort du libre-penseur syrien Sadik Jalal Al-Azm

    Sadik Jalal al-Azm n'est plus. Avec lui s'en va, dans l'exil et la misère, un pan de notre décence libanaise, syrienne, arabe, universelle. Philosophe ayant rédigé sa thèse à Yale sur Kant, il avait tenu à faire profiter la Syrie de son savoir universel. Il a dirigé pendant des années, contre vents et marées, le département de philosophie à l'université de Damas. Philosophie, dans le Damas de la dictature, il faut imaginer le courage.

    Il aimait la Syrie, la Syrie officielle ne l'aimait pas. Ses collègues en Allemagne, ses amis de Yale, Princeton et de Harvard lui ont toujours gardé une place de choix. Homme de gauche, comme tous les êtres doués de sens critique que l'expérience planétaire avec le socialisme a laissés désillusionnés, il était devenu un grand défenseur des droits de la personne. Ce ne lui était pas difficile, il en avait souffert directement. En 1969, paraissait à Beyrouth une lecture de l'effondrement arabe dans la défaite de la guerre des Six-Jours intitulée Critique de la pensée religieuse. Ouvrage retentissant, car la critique contenue dans l'ouvrage portait sur l'obscurantisme contre la rationalité. Il lui avait valu l'exil et d'être poursuivi jusqu'au Liban pour atteinte à la moralité publique. Il gardait à la maison une photo de Kamal Joumblatt, à l'époque ministre de l'Intérieur, qui l'avait défendu contre l'infâme, c'est-à-dire les poursuites judiciaires contre une personne pour ses idées. Dans ce que Stefan Wild, un grand chercheur allemand, avait décrit minutieusement comme « Die Affäre Sadik Jalal al-Azm' », s'ancraient en Orient deux mondes en vis-à-vis : celui du philosophe des Lumières à l'aise dans son arabisme éclairé et celui de l'obscurantisme religieux et sectaire.

    Jamais Sadik al-Azm ne s'est fait d'illusion sur la religion utilisée comme arme politique. D'autant plus qu'il savait combien elle était puissante. Il la voyait dans son expression délétère : sectaire, identitaire, au ras des pâquerettes. Il en connaissait intimement les leviers, lui qui appartenait à une grande famille sunnite de l'histoire damascène. Qui ne connaît le palais Azm et la mystique d'une famille de notables qui a dominé l'histoire de la Syrie pendant trois siècles ? Le penseur Sadik Jalal avait tourné le dos à tout ce monde qui ne lui disait rien intellectuellement. Il était complètement détaché de la vie matérielle.

    Plus tard, bien plus tard, lorsque la révolution syrienne a enfin éclaté, magnifique dans ses premiers mois de non-violence, nous l'avions soutenue au quotidien. Sadik, dont le nom rassemblait dans le respect l'ensemble de l'opposition syrienne, ne voulait cependant pas entendre parler de la diriger. Nous avons ensuite milité ensemble pour sa non-violence et écrit article après article, étude après étude, en avançant des idées pour que cette révolution échappe au sectarisme, et avancé une stratégie que l'Occident avait l'obligation morale de soutenir. L'une de ces études avait été publiée dans la revue de droit international de la faculté de droit de Harvard. Tous ces efforts avec Sadik se sont heurtés à la dérive violente de la révolution et au refus d'une administration américaine au sein de laquelle la révolution avait quand même beaucoup de sympathisants. Mais Barack Obama lui a résolument tourné le dos.

    Notre résistance s'est étiolée, depuis, avec l'obscurantisme qui a pris le pas en Syrie dans un gouvernement sectaire jusqu'à l'os et brutal comme seule l'opposition pouvait lui rendre l'image dans son miroir. Affaibli par la maladie, Sadik s'est recroquevillé les dernières années dans un effort herculéen de mise en ordre de ses écrits. Un grand éditeur berlinois a rassemblé son œuvre en sept volumes.

    Son œuvre est un témoignage qui restera dans les siècles à venir une lumière brûlante avec celle d'Edward Saïd, deux phares de l'Aufklärung arabe qui ne se reconnaissaient que dans l'universel. Ils avaient un dialogue soutenu sur l'orientalisme, avec des vues opposées, surtout sur le poids des responsabilités. Pour Saïd, le cœur en était l'expression d'un colonialisme qui ne meurt pas. Pour Azm, c'était nous, au cœur du monde arabe, incapables de faire notre autocritique, toujours rejetant nos frustrations sur l'étranger occidental.
    Sadik est mort à Berlin dimanche ; sa femme Eman, autre grande militante, à ses côtés et ses enfants chacun dans son exil. Ce jour-là, signe des temps, Alep retombait sous les coups de la dictature sectaire de son gouvernement « laïque ». Palmyre retombait sous la coupe de l'obscurantisme religieux en « califat ». Ce soir d'Alep et de Palmyre, Sadik s'en est allé, au creux d'une époque cruelle où l'humanité a tourné le dos à sa propre humanité.


    l'orient le jour

  • #2
    Syrie. Mort du libre-penseur Sadik Jalal Al-Azm : une lumière s’est éteinte

    Sadik Jalal Al-Azm, né en 1934 à Damas, est mort le 11 décembre, à l’âge de 82 ans, dans un hôpital de Berlin. Ce spécialiste de Kant, titulaire d’un doctorat de l’université de Yale aux Etats-Unis, fut le principal chef de file du courant rationaliste, matérialiste et laïc dans le monde arabe.

    Sadik Jalal Al-Azm appartenait à une grande famille de notables musulmans de Damas qui contrôla le pouvoir politique de la ville durant une longue période. Un de ses grands-pères paternels, Sadik Pacha Al-Mu’ayyad Al-Azm, était ambassadeur plénipotentiaire et l’aide de camp du Sultan Abdülhamid II (qui régna de 1876 à 1909). Son père, admirateur d’Atatürk, prit part à la bataille de Gallipoli (Dardanelles, avril 1915 à janvier 1916) avant de devenir chef du corps des sapeurs-pompiers à Damas après un intermède de quelques années passées à Paris.

    Le nom de Sadik Jalal Al-Azm a périodiquement défrayé la chronique de la censure dès ses deux premiers ouvrages qui l’ont rendu célèbre dans tout le monde arabe. Le premier, Autocritique de la défaite (1968), traite de la défaite de 1967 lors de la guerre des Six Jours opposant Israël à l’Egypte, la Jordanie et la Syrie dont il situe les causes dans l’état de sous-développement social, culturel, politique et économique des sociétés arabes.

    Source: Le Monde

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    • #3
      Je n'ai pas lu ses ouvrages mais je crois qu'en dénigrant la religion il faisait le jeu de ses amis néocons et sionistes. Car il ne faut pas oublier que les religions sont dénigrées, falsifiées et à défaut domestiquées par le colonialisme occidental et utilisé contre les luttes de libération des peuples comme le wahhabisme et la religion juive falsifiée en sionisme religieux. Même Karl Marx que j'admire n'a pas osé nier la spiritualité des religions alors que le défunt que tu cites se croyait plus intelligent que Karl Marx et Engels ? Sans le savoir peut être, il est passé dans le camp de la contre-révolution et du colonialisme ?
      A cette seconde, je viens de lire des extraits trouvés sur Internet de ce philosophe, il écrit des choses vraies et constate les carences et donne des solutions.Il est positif, je relève une description sur sa pensée :
      " Observateur engagé de sa propre société, Sadik Jalal Al‑Azm retire de sa connaissance intime du patrimoine arabe et musulman et de l’usage militant d’une rationalité scientifique dont il prône l’universalité, une compréhension originale des
      questionnements identitaires et sociétaux de son environnement culturel. Il était donc temps de réparer une injustice et d’offrir au public francophone un accès à l’œuvre protéiforme de cet intellectuel syrien, à la plume acérée et au regard singulier, pourfendeur des illusions de l’"authenticité"

      Paix à son âme.
      Dernière modification par Elghifari, 22 décembre 2016, 02h37.

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