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Bernard Stasi:Traité d'amitié, priorité diplomatique

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    (FRANCE-ALGERIE)

    Stasi remet la relation bilaterale au niveau de la campagne Traité d'amitié, priorité diplomatique





    par L'un De Nos Correspondants A Paris: S.Raouf
    Juguler le refroidissement et agir avant que le thermomètre ne fasse encore des siennes. Un fidèle de Jacques Chirac se livre à un vigoureux plaidoyer en faveur d'une normalisation franco-algérienne.

    En dépit de récents ennuis de santé, Bernard Stasi s'est saisi de sa plume pour voler au secours d'une relation en crise et plus que jamais otage du passé.

    L'ancien ministre et ancien médiateur de la République propose aux candidats à l'Elysée d'inscrire le Traité d'amitié au rang de «priorité diplomatique». L'oreille tendue vers les bruits de précampagne, il les appelle à «expliquer cet enjeu aux Français en précisant les moyens et les concessions nécessaires pour atteindre cet objectif rapidement». Véritable cri du cœur, le plaidoyer de Stasi figure dans un texte imprimé en janvier et sorti récemment en librairie (1). A contre-courant de Nicolas Sarkozy, l'auteur «persiste et signe». Comme il l'avait déjà exprimé en 1984, il qualifie l'immigration de «chance pour la France».

    A moins de cinq semaines du 1er tour, Stasi ne résiste pas, lui aussi, à l'attrait de la campagne. A défaut de pouvoir descendre dans l'arène, il débat au moyen d'un livre. Avec le concours rédactionnel d'Olivier Picard, éditorialiste politique aux «Dernières nouvelles d'Alsace», l'ex-médiateur s'élève contre les «idées toutes faites», les «réflexes nationalistes» et «sentiments de peur» qui rythment le discours sur l'immigration. «Sans aucun angélisme», il professe à qui veut bien l'entendre que «nos populations d'immigrés et leurs enfants élargissent l'éventail français et l'ouvrent à d'autres continents, d'autres religions, d'autres façons de vivre. Elles dynamisent notre société et lui donnent un surcroît d'énergie». Chance inespérée aux yeux de l'auteur, «peu de pays peuvent se prévaloir d'un tel atout».

    Alors qu'Alger s'est résolue, depuis des mois, à attendre le changement de témoin à l'Elysée pour définir sa politique française, le livre vient replacer la relation bilatérale au centre du débat. L'auteur s'emploie, comme il peut, à remettre en chantier un projet dont il a été - derrière Chirac - l'un des soutiens les plus chaleureux. Pour l'heure, aucun des prétendants potentiels à l'Elysée n'en a évoqué le sort de manière explicite. Dans un message remis, le 4 février, par Jack Lang à Bouteflika, Ségolène Royal a fait part de faire passer «résolument» la relation bilatérale à une «dimension supérieure». Elle a assuré le chef de l'Etat algérien qu'élue, elle jettera les bases d'une «relation renforcée». Son conseiller spécial s'est dit convaincu que la candidate, une fois à l'Elysée, «fera tout» pour que le Traité d'amitié «puisse voir le jour».

    Depuis son entrée en campagne, Nicolas Sarkozy a proposé, à deux reprises, deux projets lourds entre Paris et Alger. Le 22 février, il a revendiqué une coopération étroite dans le domaine du nucléaire civil, avant de souhaiter - par la voix d'un de ses conseillers - un partenariat industriel entre Gaz de France et Sonatrach. Du traité, il n'en a pas dit un mot dans ses sorties ès candidat. Début novembre, à la veille d'une visite à Alger, le ministre de l'Intérieur a alimenté le débat franco-algérien par une réponse imagée. «J'ai toujours pensé que l'amitié n'avait pas besoin d'être gravée dans le marbre d'un traité. L'amitié, cela se vit, cela se prouve chaque jour et cela ne se décrète pas», a-t-il déclaré à l'hebdomadaire «Jeune Afrique».

    Autre challenger à l'Elysée, François Bayrou a été peu prolixe sur l'Algérie. Il s'est irrité contre le plaidoyer de Jack Lang pour une reconnaissance par la France des crimes coloniaux. «C'est une grave imprudence» de nature à creuser «les blessures du pays», a estimé le candidat de l'UDF.

    En en appelant à ces candidats, Bernard Stasi définit les contours du traité le plus approprié. «J'ai la conviction que nous devons aller bien au-delà d'un banal +partenariat stratégique+ qui nous engagerait trop frileusement. D'autres riverains méditerranéens, comme l'Italie, proposent déjà ce type d'accord limité, et avec plus d'efficacité d'ailleurs, car ils ne sont pas encombrés dans les négociations par un passé passionnel».

    Le passé passionnel ? Tel est, vu par ce fidèle de Chirac, la cause chronique du malentendu franco-algérien. Même si la polémique se fait de moins en moins bruyante, Stasi peste jusqu'à aujourd'hui contre la loi du 23 février 2005, une «provocation stupide», et son «absurde» article 4. L'ex-président de la Commission sur la laïcité y voit le symptôme d'une «vision condescendante, dépassée et passéiste de notre relation avec les Algériens, contradictoire avec les rapports adultes, d'égal à égal, que se proposaient d'entretenir nos deux pays». Alors que le chantier cheminait sur fond d'une certaine lune de miel, l'irruption du législateur dans une histoire franco-algérienne encore saignante a provoqué un «beau gâchis». De part et d'autre de la Méditerranée, une «triste escalade à l'échelle de l'insulte et des reproches a envenimé» la relation bilatérale depuis deux ans.

    Dommage collatéral parmi tant d'autres, l'épisode de l'article 4 a enfermé les deux pays dans un dialogue de sourds. «Au dédain de la France répond désormais un rejet opportuniste venu d'une Algérie officielle qui prend clairement ses distances pour ménager à la fois les radicaux islamistes et une frange importante du FLN». Quels que soient les facteurs qui, de part et d'autre, ont attisé la querelle, Bernard Stasi ne lésine pas sur les reproches à la charge de Paris. «Nous avons tout simplement négligé la main que nous tendaient les Algériens. Nous n'avons pas pris en compte les exigences de l'amitié (...) nous avons oublié que l'amitié dont nous nous prévalions dans nos discours doit être nourrie».

    Or, au moment où «il fallait parler d'avenir et de complicité à cette nation jeune dont la majorité de la population n'était pas née pendant la guerre d'Algérie, nous avons ressorti du placard les encombrants fantômes du passé». Face à une situation de gel qui n'ose pas dire son nom, il revient à la France, suggère Bernard Stasi, de «débloquer la situation». Comment faire pour y parvenir ? Sans aller jusqu'à la solution de «repentance» exigée par les officiels Algériens, l'auteur ouvre une piste: «Il ne s'agit pas de se complaire dans une stérile autoflagellation, ni de remâcher notre culpabilité en d'interminables actes de contrition. Mais ce ne serait quand même pas faire injure à la douleur des pieds-noirs, qui ont aimé leur terre natale et l'ont sincèrement mise en valeur, que de reconnaître une bonne fois pour toutes que le système colonial a nié l'identité du peuple algérien pendant des décennies, qu'il lui a confisqué sa souveraineté, sa citoyenneté, ses terres, sa dignité (...)»

    Estimant qu'il «faut faire vite pour réparer les dégâts» de l'article 4, Stasi précise davantage la parade idoine: «Si nous voulons devenir de vrais amis avec les Algériens, il nous faut reconnaître les souffrances que nous leur avons imposées, sans vouloir établir simultanément un parallèle avec la douleur, d'une autre nature, ressentie par les Français d'Algérie. Il nous faut laisser le temps au temps. C'est la condition indispensable pour solder le passé et construire une complicité délivrée des états d'âme». En attendant qu'un tel climat dégèle la relation bilatérale, Bernard Stasi «rêve d'un pont imaginaire entre nos deux pays. Un pont entre deux nations amies, égales et solidaires», à même d'»abolir l'invisible muraille qui nous sépare».
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