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La Cruelle Vérité De Abderrahmane Farès

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  • La Cruelle Vérité De Abderrahmane Farès

    Si l’histoire n’enseigne rien, c’est simple: elle n’exprime pas toute la vérité.

    Je tiens de nouveau un livre déjà paru chez Plon, en 1982. Il porte un titre qui continue de secouer les mémoires; c’est La cruelle vérité (*) de feu Abderrahmane Farès. Casbah éditions a eu l’excellente idée de rééditer ses «Mémoires politiques (1945-1965)» en ce 45e anniversaire des Accords d’Évian, signés le 19 mars 1962 par le gouvernement français et le G.P.R.A., fixant les modalités d’un cessez-le-feu et créant un Exécutif provisoire de l’État algérien dont Abderrahmane Farès, choisi par les deux parties, sera le président.
    Dans tous les yeux et dans toutes les oreilles des Algériens, allait s’enregistrer indélébilement l’allocution rédigée l’après-midi du 30 mars 1962 par Abderrahmane Farès, président de l’Exécutif provisoire et prononcée le soir même par lui à la télévision: «Algériens, Algériennes, [...] L’heure de la réalisation de l’indépendance tant attendue avec tant de foi, de ferveur et de nos communes espérances, commence enfin à sonner pour chacun de nous au carillon de la liberté. [...] Algériens, Algériennes, l’Exécutif provisoire de l’État algérien, que j’ai l’honneur et la fierté de présider, est décidé à vaincre les derniers soubresauts, afin que l’avenir soit celui de la paix des armes, des coeurs, des esprits et aussi de la réconciliation de tous les Algériens.»
    On sait les tragiques événements qui ont suivi, réactivés par les commandos O.A.S., car «l’O.A.S., qui a des complicités partout, très difficiles à déceler, joue son va-tout; ses militants, qui se sentent de plus en plus traqués, sont acculés à des actions désespérées.»
    Pour l’Exécutif, réagir «c’est tomber dans le piège de l’O.A.S. qui souhaite un affrontement sanglant; laissons faire la police, les gendarmes et l’armée française, la lutte contre l’O.A.S. est leur mission; pour nous, la consigne du G.P.RA. est le calme absolu. L’essentiel est de tenir jusqu’au référendum.» Cependant, de nombreuses décisions seront prises pour contrecarrer les activités meurtrières de l’O.A.S. ainsi que pour prévenir certaines bavures; le président de l’Exécutif confie: «Ma hantise journalière, dès mon arrivée à Rocher Noir, compte tenu de la situation réelle du pays, était qu’il suffisait d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres; ce que je redoutais le plus était un affrontement sanglant entre les populations, lequel aurait eu pour conséquence la fin des Accords d’Évian.» Au reste, Abderrahmane Farès consacre plusieurs pages de son ouvrage à ce qui a été souvent qualifié de négociations avec l’O.A.S.; et il s’en défend: «Toute une littérature fantaisiste a été écrite sur les fameux accords O.A.S.-F.L.N. Il m’appartient, maintenant que le temps a passé, d’écrire la réalité historique.»
    Mais la grande valeur histoire du témoignage contenu dans La Cruelle vérité est que Abderrahmane Farès, l’enfant d’Akbou, né en 1911, se raconte et raconte les événements les plus divers auxquels il a été confronté et surtout ceux dont il a été le témoin direct. Page après page, il retrace dans un style clair, mais vif et passionné, les étapes importantes de sa vie. Il évoque sa jeunesse (orphelin à l’âge de six ans, élève studieux dans le primaire, autodidacte stagiaire inattendu chez son grand-père ‘aoun, puis chez son oncle notaire à Akbou et puis encore des études plus poussées chez un grand notaire à Alger), sa vie professionnelle (huissier à Sétif, greffier notaire à Sebdou, notaire à Collo et à Berrouaghia) et ses tout premiers pas commencés en 1945 dans la politique en Algérie. Son parcours politique va sans cesse évoluer et se préciser par rapport à l’ampleur de l’enthousiasme soulevé dans les milieux populaires algériens par les différents mouvements nationalistes.
    La proclamation du 1er Novembre 1954, le surprendra à Chicago où il séjournait depuis le début du mois d’août 1954, à la suite d’une bourse proposée par le consul général américain à Alger pour visiter les États-Unis...La suite de cette vie politique exceptionnellement tumultueuse et héroïque, il faut la lire dans le détail des longs chapitres qui rapportent les faits, tous historiques et sans réserve.
    Les mémoires (1945-1965) de Abderrahmane Farès (1911-1991), sous le titre très allusif La Cruelle vérité, couvrent de longues périodes toutes cruciales de l’histoire de l’Algérie à la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à l’indépendance et au-delà jusqu’à son renoncement à la vie politique en 1965. Le nom de Abderrahmane Farès restera lié à l’histoire et à la politique de son pays. Les illustrations contenues dans le cahier placé en encart dans le livre et les textes choisis annexés qui complètent ces mémoires militent parfaitement en faveur de cette figure, parmi les plus grandes, qui ont servi la patrie algérienne. «La vérité? se demandait Henri Duvernois, un auteur français du siècle dernier, La vérité? Un coup de couteau qui peut débrider parfois une plaie, crever un abcès.»
    Pour reprendre l’allusion de Abderrahmane Farès, «La cruelle vérité», nous le savons tous; elle est dans le puits. N’est-il pas temps de fouiller le puits?

    (*)LA CRUELLE VÉRITÉ
    (Mémoires politiques 1945-1965) de Abderrahmane Farès
    Casbah Éditions, Alger, 2006, 251 pages.

    http://www.lexpressiondz.com/
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