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Barack Obama face au Bittergate

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  • Barack Obama face au Bittergate

    Dans toute campagne politique américaine, ce que les candidats craignent plus qu’autre chose, c’est de se voir accusés d’« élitisme. » Si John Kerry refusa de parler de sa maîtrise (parfaite, dit-on) de la langue française pendant la course de 2004, ce n’est pas seulement par crainte d’attirer sur lui la francophobie ambiante, mais surtout pour ne pas se voir reproché le snobisme intellectuel, auquel son image de « bon élève » et ses liens à Boston (ville élitiste par excellence, dans l’imaginaire américain) l’exposaient déjà. Certes, cet impératif ne va pas sans une certaine dose d’hypocrisie.

    Ainsi, le locataire actuel de la Maison Blanche a le don de se poser en homme du peuple, mettant en valeur ses goûts résolument communs de manière à rendre suspect les grands airs de ses adversaires (tel Al Gore, qui eut la mauvaise idée de citer Stendhal comme sa lecture de prédilection) — en dépit du fait que son cursus scolaire (par exemple) est des plus huppés (il accrocha des diplômes à Yale et ensuite Harvard). De sorte que pour les Américains, l’« élitisme » correspond souvent moins à une situation sociale objective qu’à une manière de se comporter, un habitus par lequel est affirmé un sentiment de supériorité qui irrite la passion démocratique pour l’égalité.

    Le « Bittergate »

    C’est dans ce contexte que doit être situé ce que l’on baptise désormais le « Bittergate ». Le 11 avril, le blog The Huffington Post révèle que Barack Obama, devant des sympathisants à San Francisco, improvisa une sorte de profil sociologique de certains électeurs de la Pennsylvanie (où se tiendra le 22 avril un primaire décisif dans son affrontement avec Hillary Clinton). Si ces électeurs – blancs, ouvriers, ruraux, et dépourvus d’éducation universitaire – tendent depuis des années à favoriser les Républicains, notamment sur les questions dites « culturelles », c’est, soutient-il, par ce qu’ils sont « amers » [bitter, d’où le mot Bittergate].

    Rappelons ses mots précis :


    « La vérité, c’est que c’est notre défi de persuader les gens que le progrès est possible, alors qu’ils n’en voient pas beaucoup de preuves dans leur vie quotidienne. Dans beaucoup de petites villes de la Pennsylvanie, comme dans beaucoup de petites villes du Midwest, cela fait 25 ans que les emplois sont partis et que rien ne les a remplacé. Elles ont été oubliées par l’administration Clinton et par l’administration Bush, et chaque administration successive promettait que, d’une façon ou d’une autre, ces villes allaient retrouver leur vitalité, alors qu’elles ne l’ont pas fait. Il n’est donc pas étonnant que les gens deviennent amers, qu’ils s’accrochent aux armes à feu et à la religion, à l’antipathie envers ceux qui ne leur ressemblent pas, aux discours anti-immigration ou au protectionnisme commercial, comme moyen de s’expliquer leur frustrations ».

    Ses critiques, ainsi que beaucoup d’éditorialistes de la presse, s’empressent aussitôt à dénoncer ces propos, dont ils laissant entendre qu’ils mettent en lumière l’élitisme dissimulé du sénateur de l’Illinois. Si Obama s’en excuse aussitôt, Clinton – qui doit impérativement gagner la Pennsylvanie pour pouvoir encore croire à l’investiture – déclenche l’assaut : « Les propos du Sénateur Obama sont élitistes et déconnectés de la réalité [out of touch]. Ils ne reflètent pas les valeurs et les croyances des Américains, surtout pas des Américains que je connais, ou des Américains avec lesquels j’ai grandi… » A l’accusation d’élitisme se mêle une mise en cause de la sensibilité religieuse de son rival (puisque naturellement seul un élitiste athée se trouverait exaspéré par la religiosité du peuple) : « Les gens de foi[1] que je connais ne s’accroche pas à la religion parce qu’ils sont amers. Les gens épouse la religion non parce qu’ils sont matériellement pauvres, mais parce qu’ils sont spirituellement riches. » Compliment qui vaut aussi bien, apparemment, par les amateurs d’armes à feu : selon Clinton, si la chasse est appréciée par ceux qui la pratiquent c’est qu’elle est « une partie importante de leurs vies », et non parce qu’ils sont pleins d’agressivité et de ressentiments (Lire ce discours ici)

    La candidate ne manque pas, ces derniers jours, de mettre en scène ses goûts populaires : elle termina récemment une longue journée de campagne dans l’Indiana dans un bar fréquenté par des ouvriers, où elle savoura, sous le regard de tous, un « boilermaker » – une bière accompagné d’un petit whiskey –, comme pour prouver qu’en dépit de ses diplômes de Wellesley et de Yale, elle est bien une femme du peuple…

    « Philosophie élitiste et libérale »

    Dans une lettre où il appelle à ses sympathisants de le soutenir financièrement, John McCain profite de l’occasion pour comparer « la philosophie élitiste et libérale » (« libéral » au sens américain du terme) d’Obama avec sa propre « foi dans les valeurs des petites villes, qui continueront à contribuer à la grandeur de l’Amérique ». Mais le soupçon d’élitisme ne vient pas seulement des adversaires politiques d’Obama ; il s’exprime aussi chez certains journalistes qui, d’habitude, lui sont très favorables. En essayant d’« expliquer » l’électorat populaire de la Pennsylvanie, Obama s’est comporté, analyse par exemple Maureen Dowd, éditorialiste du New York Times, comme « un anthropologue à Bornéo. » Rappelant que la mère du candidat fut docteur d’anthropologie, Dowd poursuit, Obama : « En courtisant l’électorat ouvrier blanc au pays de Voyage au bout de l’enfer et de Rocky, il donne souvent l’impression de quelqu’un qui observe les étranges habitudes des riverains exotiques … acceptant maladroitement le don de chaussures de bowling de Bob Casey [sénateur du Pennsylvanie], examinant le fromage et le salami du marché italien comme autant d’artéfacts ethniques intrigants… ».

    Bien qu’amusants, de tels commentaires font écho à un thème récurrent dans le débat actuel sur la vie politique américaine, à savoir la thèse que le Parti démocrate, tout en étant plus à gauche que les Républicains sur les questions économiques, adhère à un élitisme culturel qui le coupe des classes populaires. Ainsi, pour David Brooks, autre éditorialiste du Times[2], avec « Bittergate » le sens de la campagne d’Obama bascule : au début, Obama « semblait une figure transcendante capable de comprendre une grande variété de modes de vies. Mais dans les derniers mois, il s’est passé des choses qui font qu’il ressemble à mes anciens voisins de Hyde Park » (le quartier autour du prestigieux University of Chicago). En analysant de cette façon son propre électorat, le sénateur aurait avoué de ne pas se considérer comme un de ses membres… Naturellement, « les électeurs vont se demander s’il est des leurs. Obama doit dissiper ces doutes, mail il l’a fait mal jusqu’à maintenant. » Jay Cost renchérit : « Ce n’est pas le boulot du candidat d’analyser ses électeurs. Son boulot est de les courtiser, de former un lien avec eux. Il doit leur faire croire qu’il les comprend dans leurs propres termes, non sur la base de principes abstraits … » Un autre commentateur note : « Les démocrates ont perdus quand John Kerry, Al Gore, Michael Dukakis, Walter Mondale or George McGovern paraissaient trop hautains, ennuyeux, figés, déconnectés ou éloignés de la vie des gens ordinaires. Et, il faut le rappeler, les Démocrates ont gagnés lorsque les Clinton ont contribué à faire apparaître Bush le père sous des auspices aussi distantes ».

    Le populisme culturel des Républicains

    Certains défenseurs d’Obama contestent ce lieu commun qui ne voit d’élitisme que du coté démocrate, en assénant que cette manière de voir les choses ne contribue qu’à faire le jeu des Républicains. Obama avait raison, disent-ils, de faire le lien entre, d’un côté, le ressentiment social des classes populaires blanches ; de l’autre, leur attachement à la religion et au droit au port d’armes. Si Obama ne le cite pas nommément, ses remarques résumeraient d’une façon concise la thèse popularisée il y a quatre ans par le journaliste Thomas Frank, dans son essai What’s the Matter with Kansas ? Comment se fait-il, se demandait Frank, que les électeurs à revenus modestes dans les Etats du Midwest et du Sud votent désormais pour les Républicains, le parti des riches et des intérêts financiers ? Réponse : parce qu’ils sont attirés par le populisme culturel et les valeurs religieuses vantés par les Républicains, au point qu’ils votent contre leurs propres intérêts économiques. Pour ceux qui partagent cette analyse, Obama n’a pas commis une erreur embarrassante mais levé le tabou verrouille le discours politique courant. La journaliste Barbara Ehrenreich, qui a beaucoup écrit sur la précarité économique dans l’Amérique contemporaine, observe ainsi que «…beaucoup de gens, et pas seulement la classe ouvrière blanche, sont amers … Les salaires réels stagnent ou déclinent depuis des années, les prix du pétrole et maintenant de l’alimentation montent au ciel, les ordres de saisi de biens immobiliers abondent ». Pourquoi, en somme, un candidat devrait-il s’excuser pour avoir dit la vérité ?

  • #2

    La religion et les classes moyennes

    A moins qu’il ne se trompe dans son analyse – non à cause de ses prétendus préjugés élitistes, mais par les défauts de son diagnostic. C’est l’argument de Larry Bartels, professeur de science politique à l’Université de Princeton (auteur d’un livre récent réfutant la thèse de Frank). Dans une tribune récente, Bartels soutient que, comparé à il y a quelques décennies, la religion pèse effectivement de plus en plus sur les choix politiques des Américains ; or ce sont moins les classes populaires, ajoute-t-il, que les électeurs aisés, urbains, et diplômés qui s’en préoccupent davantage. Selon Bartels, « Dans la politique américaine contemporaine, les questions sociétales [ comme celles de la religion et du droit au port d’armes] sont l’opium des élites. » Les propos d’Obama reprennent la thèse que si les Démocrates continuent de perdre les élections, c’est parce que les électeurs blancs, ruraux, et ouvriers ont abandonné le parti à cause de ses prises de positions « culturelles » (avortement, mariage gai…). Pourtant, note Bartels, John Kerry a gagné (certes de justesse) dans ces catégories en 2004, alors que John F. Kennedy en 1960 et Hubert Humphrey en 1968 avaient perdus. La leçon qu’il faut en tirer ? S’il obtient l’investiture, Obama devra en principe remporter les voix de ces électeurs, éventuellement par une marge significative, en novembre. « Mais s’il n’y parvient pas, ce n’est pas parce les Américains des petites villes sont susceptibles, mais parce qu’il a adopté un stéréotype trompeur quant à ce qu’ils sont et ce qui les préoccupent. »

    Malgré les attaques de Hillary Clinton, le « Bittergate » ne semble pas avoir, pour le moment, entamé le score d’Obama : selon un sondage national du Washington Post (réalisé après la polémique), il est soutenu par 51% des électeurs démocrates, tandis que 41% lui préférant Clinton. Selon le même sondage, 62% pensent qu’il est le mieux placé pour gagner en novembre, une nette augmentation par rapport à 47% recensées en début février. Une fois encore, l’opinion semble donc sanctionner la campagne négative de Clinton, d’autant plus qu’en assumant la bannière de l’antiélitisme, elle n’est pas plus crédible qu’Obama… Certains observent, sans doute à juste titre, que cette controverse autour des Blancs, ruraux et ouvriers préoccupent davantage les faiseurs d’opinion que les catégories sociales concernées. En somme, que c’est le débat lui-même qui est plutôt élitiste…

    Si il y a une tendance qui se dégage de cette polémique, c’est peut-être celle-ci : le charisme qui au cœur de l’« effet Obama » devient problématique. Tout son discours politique s’articule autour du lien qu’il souhaite établir entre la diversité de la population américaine et la diversité qu’il incarne lui-même. Par conséquent, ne lie-t-il pas un discours populiste à un discours qui est, ne serait-ce qu’un brin, élitiste, dans la mesure où Obama s’offre comme l’image d’une « réconciliation » que le pays frôle sans y parvenir tout à fait ? Comme le remarque finement le journaliste Michael Gerson : « L’obamisme semble consister dans la croyance que le candidat transcende la colère, compréhensible mais confuse, des Américains blancs et noirs. … Aussi l’« obamisme » demande-t-il au peuple américain de se comparer à son désavantage à Obama lui-même ».

    [1] « People of faith » - expression attrape-tout pour parler des croyants, toute religion confondue, modelé sur « people of color », vocable politiquement correct pour parler de tous les non-blancs.
    [2] L’ironie du sort, c’est dans les pages du journal américain le plus associé à une certaine arrogance intellectuelle que l’on dénonce ce prétendu dérapage élitiste…

    Par Michael C. Behrent , Alternatives Internationales

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    • #3
      rien que pour cette franchise dans ses propos, il merite d etre elu president de ce grand pays. L Americain prospere est d une generosite' exemplaire et se rappelle toujours qu il est descendant de "emigrants". Il donnera donc autant qu il pourra et aidera le "needy" sans rechigner.. c est cette amerique la que j ai connu et que Obama souhaite presider.
      Envoyé par obama
      Il n’est donc pas étonnant que les gens deviennent amers, qu’ils s’accrochent aux armes à feu et à la religion, à l’antipathie envers ceux qui ne leur ressemblent pas, aux discours anti-immigration ou au protectionnisme commercial, comme moyen de s’expliquer leur frustrations
      seul l americain, non prospere, agirait de la maniere que decrit Obama... en effet, il s agirait d une autre Amerique que Obama ne voudrait pas presider de toute facon. JFK voulait aller sur la lune. Il l a fait. Obama veut que son Amerique devienne color-free, demeure prospere et surtout citoyenne!

      Je souhaite qu il gagne la nomination pour representer les democrates.

      Mmis
      Lu-legh-d d'aq-vayli, d-ragh d'aq-vayli, a-d'em-tegh d'aq-vayli.

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      • #4
        Ce n'est sans doute pas avec la franchise qu'Obama va gagner les élections. Une grande partie des électeurs américains sont "attardés" politiquement, ils aiment les discours simples du genre "Tout va bien en Amérique, la nation préférée de Dieu". La preuve, malgré sa médiocrité, le zombie John McCain arrive à séduire plus de la moitié des américains.

        Pour espérer gagner, Obama doit éviter les propos susceptibles de blesser les "attardés" de l'électorat américain.

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        • #5
          si les USA veulent ameliorer leur image dans le monde, ils doivent elire un noir, qui ne croit pas dans la guerre en irak et qui est est ouvert sur le monde exterieur etant donne que son pere est kenyan

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