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Ahmed, Samir, Karim, mineurs à la recherche d’un salaire

samedi 20 mars 2004, par Hassiba

Un café situé à Kouba est devenu, avec le temps, un lieu de rendez-vous pour ces travailleurs mineurs et ces utilisateurs de main-d’œuvre à bon marché. Le choix de ce quartier n’est pas fortuit. Un quartier où les villas et les projets de constructions poussent comme des champignons.

On y trouve également des grossistes de différents produits. Leurs propriétaires ont certainement besoin de ces enfants pour charger ou décharger des camions. Ces enfants savent à la minute près quand tel ou tel chantier aura besoin d’un « coup de main », ou quand le propriétaire de cette nouvelle carcasse aura besoin d’un gardien.

Ils sont prêts à tout. De toute façon, ils n’ont aucun choix. Soit ils acceptent le travail proposé avec des salaires de misère, soit ils rentrent chez eux bredouilles. La plupart d’entre eux sont de l’intérieur du pays. Lorsqu’un travail est proposé à l’un d’eux et que le prix est définitivement arrêté - même s’il n’est guère négociable -, le mineur fait appel à ses autres camarades, probablement dans un autre quartier de la capitale.

A Gué-de-Constantine, des enfants travaillent comme tôliers, mécaniciens, dans des stations d’essence, dans des chantiers de constructions et autres ateliers. Là, ils sont nombreux. Dans cette localité industrielle, ils ont plus de chance de trouver « une source d’argent ».

Les employeurs ne semblent pas s’embarrasser des lois sur les droits de l’enfant. Ils nous expliquent que ce travail ne représente un danger ni pour la santé ni pour le moral des enfants. « Ils ont besoin d’argent et moi j’ai besoin occasionnellement d’une main-d’œuvre.

Je ne vois aucun mal à cela », nous a dit un mécanicien de Gué-de-Constantine. Au square Port-Saïd d’Alger, la main-d’œuvre infantile se dispute même le terrain. Agés à peine de 14 à 16 ans, ces mineurs ne lâchent pas la moindre occasion qui se présente.

Ils sont manutentionnaires au port d’Alger, conduisent des bulldozers et d’autres engins dans les grands chantiers... Venu d’une ville de l’intérieur, Ahmed, que nous avons rencontré en plein travail, est guidé par un professionnel et un chef de chantier ; il conduit un engin pour faire dégager des pierres en vue du réaménagement d’une route communale.

Pour ce genre de travail, il est rémunéré à raison de 400 dinars par jour. De plus, ce mineur doit quotidiennement s’assurer s’il doit revenir le lendemain ou non. Rien n’est sûr. Karim ne dépasse pas 14 ans. Il est receveur dans un bus de transport en commun faisant la navette entre la place du 1er Mai et Kouba.

Intelligent, ce gamin qui a quitté l’école tôt ne se trompe jamais en rendant la monnaie. A l’arrêt des bus, avec sa petite voix, il invite les gens à s’installer à l’intérieur du véhicule. Dès le départ, il « ordonne » aux clients de payer.

Très méfiant, il refuse de nous expliquer les raisons qui l’ont conduit à être dans ce bus et non pas dans une salle de classe. A la rue de Tanger, ils sont plongeurs dans des restaurants ou des pizzerias. Selon eux, ils sont plus chanceux que d’autres, vendeurs ambulants ou faisant du porte-à-porte.

Dans les villes intérieures, on les retrouve travailleurs de la terre. Ils sont plus nombreux durant la saison des olives. Ils proposent leurs services à des familles et bénéficient en contrepartie soit d’argent, soit de quelques litres d’huile qu’ils revendent par la suite sur la route nationale.

Autre phénomène à relever, ces parents qui exploitent leurs propres enfants. Des familles mozabites poussent, en effet, leurs enfants à travailler à un âge précoce, notamment dans leurs propres magasins, Samir, par exemple, travaille chez un ami de son père.

Ce dernier a pourtant son propre magasin. « Un ami m’envoie son fils et je fais la même chose. C’est notre stratégie. C’est pour le bien de nos enfants », nous a expliqué un Mozabite.

N. O., Le jeune indépendant