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Au royaume de la contrefaçon

lundi 2 août 2004, par Hassiba

En Algérie, en dépit des mesures réglementaires et institutionnelles arrêtées par les pouvoirs publics, la contrefaçon sur un large éventail de produits de consommation continue à prendre des proportions alarmantes.

C’est un fléau qui ronge plusieurs créneaux d’activités devant le regard soucieux mais impuissant de l’État. La gangrène a conquis diverses parties du corps... au point où la guérison devient de plus en plus difficile, voire impossible à court et à moyen terme. Il ne se passe pas un jour sans que des cas de trafic de ce genre soient dénoncés çà et là.

Ces derniers jours, des campagnes de publicité sont lancées dans la presse nationale par des opérateurs qui tiennent à défendre leurs produits contre cette dangereuse fraude. Après la pièce de rechange, les parfums, les ustensiles de cuisine... pour ne citer que ces exemples, c’est au tour des autres secteurs de subir le diktat des fraudeurs, des trafiquants. Au moment où l’Algérie a besoin d’une certaine stabilité du marché des agrégats en perspective de la construction de un million de logements, décidée par le président de la République, ne voilà-t-il pas qu’un ciment contrefait voit le jour. L’Entreprise des ciments et dérivés d’El-Chelifff (ECDE) prévient sa clientèle, quant à l’apparition actuellement sur le marché, d’un ciment conditionné dans des sacs contrefaits. “Ces sacs, facilement identifiables, sont de dimensions moins larges et loin de contenir le poids normalisé de 50 kilogrammes”, lit-on dans le communiqué publié dans la presse par la direction générale de l’ECDE. L’entreprise décline, de ce fait, toute responsabilité concernant le respect des normes tant sur la qualité que sur le poids des sacs de ciment. Un autre créneau et non des moindres constitue également un véritable nid où grandit et se nourrit la contrefaçon. Il s’agit de l’électroménager dont le nombre de consommateurs va crescendo de par les crédits accordés par les banques et autres établissements financiers. L’Entreprise nationale de l’industrie électroménager (Eniem) qui est enregistrée à l’ISO 9001/2000, informe, pour sa part, ses clients que des revendeurs de climatiseurs assimilent la marque ENIEM à d’autres (marques) n’ayant aucune relation avec sa production. “Cette pratique déloyale tend à tromper le client et lui porter préjudice”, déplore la direction générale de cette société. Celle-ci, n’a, elle-aussi, pas hésité à entreprendre une campagne de publicité dans les quotidiens afin d’alerter ses clients sur ce type de trafic.

Un fléau qui cible tous les secteurs
L’Eniem dégage, pour cela, toute sa responsabilité quant à la fiabilité, la qualité et les performances de ces marques. “La pièce de rechange des produits Eniem n’est pas adaptable à ceux des autres marques”, rassure toutefois la DG dans un avis destiné à ses consommateurs paru ces jours-ci dans les journaux. Seuls les produits portant le label Eniem, précise la DG, sont exclusivement à même de bénéficier de cette pièce pour toute réparation. La réaction de cette entreprise se justifie par son souci de rester fidèle à sa renommée, de maintenir la qualité et la durabilité de ses produits et de rendre souvent sa garantie et son service après-vente efficaces.

La relative stabilité retrouvée par la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA) a été aussitôt perturbée par la persistante menace imposée par le secteur informel animé par les nombreuses contrebandes dont les barons activent en toute quiétude, notamment à travers les filières sahariennes telles que le Niger et le Mali. Dans ces pays, d’importants lots de cigarettes Rym sont, semble-t-il, contrefaits. La SNTA, victime elle aussi de cette maladie qui cible de plein fouet le marché, dénonce la concurrence déloyale que subissent ses cigarettes Rym et Rym souple, au profit d’un produit de “mauvaise qualité”. Ses cigarettes Rym sont, selon la DG, fabriquées suivant des normes et composées de 14 sortes de tabac blond. Le paquet de Rym contrefait a le même aspect extérieur que celui de l’original de la SNTA. Cette entreprise est allée jusqu’à publier dans la presse les divers signes qui différencient les deux paquets. Ainsi, l’aluminium avec lequel est enveloppé le paquet de Rym cartonné ne contient qu’un seul pliage latéral tandis que celui contrefait dispose de deux pliages latéraux. Pour le Rym Souple original de la SNTA, le pliage latéral contient un code-barres alors que le contrefait possède un pliage de face sur lequel est écrit Rym.

Ce que prévoit la loi
Récemment encore, les douaniers du port d’Alger ont mis au jour un important réseau spécialisé dans la contrefaçon. La société nationale BCR a été ciblée par ces trafiquants dont la manœuvre consistait à importer, à partir de Chine, des produits d’imitation frappés de la marque BCR, avant d’être frauduleusement introduits sur le marché domestique et dilués dans les circuits commerciaux. Devant cette situation préoccupante, l’État a procédé à une révision de la réglementation en la matière.

L’ordonnance N° 03-06 du 29 juillet relative aux marques vient pour... tenter de mettre de l’ordre dans ce domaine. Cette ordonnance a pour objet de définir les modalités de protection des marques. Le titulaire d’une marque doit procéder à un enregistrement qui lui conférera le droit de propriété sur les produits et services qu’il a désignés. Cela étant, cet enregistrement ne donne pas au titulaire de la marque le droit d’interdire à un tiers l’usage commercial de bonne foi. Il s’agit en fait de l’utilisation du nom du propriétaire, de son adresse, de son pseudonyme, des indications exactes relatives à l’espèce, à la qualité, à la destination, à la valeur, au lieu d’origine... Le-non-respect de ces dispositions constitue, selon l’ordonnance, un délit de contrefaçon de la marque enregistrée. Ainsi, tout acte portant atteinte aux droits exclusifs sur la marque accompli par des tiers en violation des droits du titulaire (de la marque) est qualifié de délit de contrefaçon.

Dans ce cas, le titulaire de l’enregistrement de la marque a le droit d’intenter une action judiciaire contre toute personne qui a commis ou qui commet une contrefaçon sur cette marque. Il jouit en outre, du même droit à l’encontre de toute personne qui a accompli ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu’une contrefaçon sera commise. Le texte stipule aussi que lorsque le titulaire de l’enregistrement de la marque prouve qu’une contrefaçon a été ou est commise, la juridiction compétente accorde des réparations civiles, ordonne l’arrêt des actes de contrefaçon ou subordonne cette poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. Reste son application pour que soit préservée une règle fondamentale du commerce : la loyauté dans les pratiques marchandes.

Par Badreddine Khris, Liberté