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Black-out des autorités après l’explosion de la centrale d’El Hamma

mercredi 23 juin 2004, par Hassiba

Il n’y a qu’en Algérie où l’on se montre aussi réservé et prudent et que l’on se réfugie derrière l’éternel alibi de l’enquête même lorsque les éléments de celle-ci et les preuves matériels qui permettent de se faire une idée de l’origine de la catastrophe sont disponibles sur les lieux !

Plusieurs heures se sont écoulées depuis la forte explosion survenue lundi dans la soirée au niveau de la centrale électrique d’El Hamma et aucune information officielle sur l’origine de ce sinistre n’a encore filtré en dehors des déclarations faites à chaud sur les lieux de l’explosion par le ministre de l’Intérieur, M. Yazid Zerhouni, qui laissait entendre que l’explosion pourrait être d’origine accidentelle, n’écartant pas toutefois toutes les autres hypothèses. Le directeur général de l’entreprise Sonelgaz a affirmé hier que l’explosion n’est pas survenue à l’intérieur du site, mais à l’extérieur, excluant par conséquent implicitement toute défaillance technique. Les spéculations n’ont pas cessé depuis aussi bien dans la presse nationale qu’étrangère autour de l’origine de cette explosion. L’importance stratégique de cette centrale pour l’approvisionnement de la capitale et de certaines autres régions du pays, d’une part, et le fait que l’explosion survienne au lendemain de la décapitation par les services de sécurité de la direction du GSPC, d’autre part, suffisaient pour entretenir le doute et accréditer l’hypothèse du pire en privilégiant la piste de l’attentat terroriste. Les témoignages des journalistes qui s’étaient rendus immédiatement sur les lieux de l’explosion relayés par ceux des riverains confirment pourtant clairement l’existence sur les lieux de la catastrophe d’éléments probants - les carcasses des voitures calcinées - de nature à orienter les investigations des enquêteurs pour savoir si l’explosion est d’origine accidentelle ou criminelle.
Il ne faudrait pas sortir d’une grande école de la police scientifique pour reconnaître un attentat d’un sinistre accidentel dû à une défaillance ou à une négligence technique. Si les carcasses des voitures trouvées sur les lieux ne laissent rien transparaître comme informations parlantes pouvant orienter les investigations dans le sens de la piste de l’attentat, pourquoi les autorités entretiennent-elles le suspense et le doute ? Les terroristes qui n’en sont pas à leur premier forfait, si la thèse de l’attentat se confirme, ont leur mode d’emploi pour perpétrer des attentats à la voiture piégée : ils utilisent des méthodes et des ingrédients qui ne sont pas inconnus des services de police. En cette phase du déroulement de l’enquête préliminaire, l’opinion publique attend des autorités au moins d’être informée sur ce qui s’est réellement passé à la centrale d’El Hamma. Le reste de l’enquête interviendra en son temps. S’il s’agit d’un attentat, qu’on le dise clairement et les preuves doivent exister sur place pour le savoir, il n’y a pas de boîte noire à chercher et à faire parler ! S’il s’agit d’un accident, on a du mal à croire également que l’on ne puisse pas le savoir plusieurs heures après le sinistre avec les moyens technologiques sophistiqués dont la centrale est équipée !

Le silence du ministre
Le ministère de l’Energie et des Mines a cru tout dire en annonçant hier en fin d’après-midi, dans un communiqué, que l’explosion qui a secoué la centrale électrique du Hamma a occasionné des dégâts auxiliaires à la centrale et blessé cinq agents tout en assurant que la centrale n’a pas été affectée dans son fonctionnement. Les causes de l’explosion sont volontairement passées sous silence. Le même scénario avait été observé, on s’en souvient, il y a quelques mois, lors de la fameuse panne d’électricité qui avait touché Alger et d’autres régions du pays suite à la panne survenue au niveau de la même centrale électrique. Les autorités avaient observé un silence total sur cet incident pendant de longues heures, alors qu’une partie du pays était plongée dans le noir, donnant lieu à de folles spéculations allant jusqu’à parier sur la thèse d’un coup d’Etat. On savait que le pouvoir ne communique que quand il veut, ce qu’il veut et avec qui il veut, mais il est des situations où il n’a pas moralement, politiquement le droit de taire, de cacher, d’édulcorer des informations qui touchent à la sécurité des personnes. Il serait grave et condamnable si l’on cherchait pour on ne sait quels desseins à cacher la vérité aux citoyens, à faire croire à un accident s’il s’agit réellement d’un attentat. En tout état de cause, le mal est déjà fait et le doute largement entretenu : toutes les déclarations que feront désormais les autorités après ce long silence inexpliqué seront frappées de suspicion et n’auront aucun crédit auprès de la population. La communication, c’est un plat qui se mange chaud. Cette alerte qui a secoué les riverains du Hamma a eu un effet d’onde de choc auprès de tous les habitants de la capitale qui sont déjà hantés par l’idée de la reprise des attentats à la voiture piégée qui ont ébranlé Alger durant les années sombres du terrorisme. La direction de la police avait annoncé lundi la mise en place d’un dispositif encadré par 11 000 policiers pour sécuriser les plages et nos routes. De mémoire d’Algérois, une telle vigilance n’a jamais été observée pour veiller sur la sécurité des citoyens pendant la période des vacances même au plus fort du terrorisme. L’explosion de la centrale électrique du Hamma, que la rumeur et les témoignages des riverains attribuent à un attentat terroriste, jette le doute sur les objectifs officiels attribués à cette campagne des services de sécurité annoncée à grand renfort de publicité. Pour beaucoup, le dispositif mis en place est dicté par d’autres impératifs : il est la conséquence directe du coup mortel que viennent de porter les services de sécurité qui imposent une vigilance accrue pour faire face à la situation. Si c’est le cas, cela signifie qu’il ya une menace potentielle d’attentats terroristes sur la capitale et certaines régions du pays en rapport avec cet événement que les autorités ne veulent pas avouer. Soit pour ne pas se déjuger par rapport surtout à l’opinion internationale à laquelle on a servi un discours visant à accréditer la thèse que le risque terroriste dans sa forme la plus violente est définitivement écarté et que le terrorisme se trouve à l’état résiduel. Les conséquences politiques d’une recrudescence du terrorisme et des attentats à la voiture piégée dans la capitale n’en seraient que plus lourdes sur l’image de l’Algérie à l’étranger dont on présente un visage apaisé, réconcilié et sécurisé. Soit pour ne pas créer un mouvement de panique et de peur auprès des habitants de la capitale. Dans un cas comme dans l’autre, la démarche des pouvoirs publics n’est ni politiquement correcte ni moralement acceptable, car il y va de la vie et de la sécurité des citoyens auxquels on doit dire la vérité pour mieux les sensibiliser à la menace qui les guette.

Par Salima Tlemçani, El Watan