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Bouteflika promet de combattre la presse indépendante en cas de réelection

samedi 20 mars 2004, par Hassiba

"Je combattrai les journalistes". La phrase est d’une clarté remarquable. Elle n’est pas de Hassan Hattab mais bel et bien de Abdelaziz Bouteflika qui a décidé de commencer ainsi sa campagne électorale : par une menace contre la presse indépendante dont l’œuvre, selon lui, n’a rien à envier à celle du terrorisme dès lors qu’“elle pervertit l’image du pays” autant que le font les groupes islamistes armés.

Remarquable de logique, avouons-le. Sauf que le sieur Bouteflika n’a pas combattu les terroristes et n’a pas l’intention de le faire. À Médéa, jeudi, il a félicité le sanguinaire local, Ali Benhadjar, de la Ligue islamique pour la daâwa et le djihad (Lidd) d’avoir, par sa “repentance”, donné du crédit à la concorde civile. Il faut dire que Benhadjar avouait, déjà en 1999, avoir planifié le rapt d’un correspondant de presse. Impunément : la concorde civile était déjà là pour le soustraire à toute poursuite judiciaire.

Abdelaziz Bouteflika nous inviterait-il donc, nous autres journalistes de la presse libre, à nous repentir de nos convictions, de notre métier pour mériter demain sa miséricorde et son indulgence et échapper aux “foudres du second mandat” ? Nous vous attendons volontiers, M. Bouteflika, et de “plume ferme” pour l’après-8 avril.
Renoncez donc à votre rêve de nous voir courber l’échine devant ce doigt menaçant que vous levez à tout bout de champ. Entendons-nous bien : nous n’allons pas résister à vos velléités liberticides par simple coquetterie, nous y mettrons la foi que nous procure notre conviction bien établie que nous avons contribué à la défaite du projet totalitariste des islamistes qui se voulait l’alternative au système du parti unique.

La presse algérienne a fait ainsi exactement le contraire de ce dont l’accuse M. Bouteflika. Les amis étrangers de l’Algérie l’ont dit et redit dans tous les forums internationaux : la liberté de ton de la presse algérienne, inégalée dans le monde arabe est un signe que la société algérienne est “perméable”, voire acquise au projet démocratique et aux idéaux de la République. Est-ce donner une image pervertie de l’Algérie que de la montrer sous son vrai jour. Un pays qui aspire à s’inscrire dans l’universalité à l’heure où, de toutes façons, aucune nation ne peut se concevoir un avenir en dehors de la logique mondialisante ?

C’est là tout le problème de Abdelaziz Bouteflika, à vrai dire.
il est en dehors du monde d’aujourd’hui, d’où le spectacle affligeant qu’il donne du Président-candidat qu’il est et qui, suprême déphasage, rêve d’une Algérie sans partis, sans presse, sans pouvoir législatif, sans société civile et sans aucune forme de contre-pouvoir.

Faut-il donc que les journalistes se repentissent ? Faisons confiance à la volonté du peuple. Elle nous réserve peut-être une belle surprise au soir du 8 avril.

Saïd Chekri, Liberté