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L’APS : Agence du Président

dimanche 14 mars 2004, par Hassiba

La neutralité obligatoire des institutions et organismes publics vient d’être de nouveau superbement ignorée par le clan présidentiel. L’APS, agence de presse nationale, est mise au sevice du candidat Bouteflika à travers la personne de son directeur de l’information Tewfik Khelladi.

Même si par un formalisme qui ne trompe personne ce responsable a été mis en congé spécial pour se consacrer à ses missions de représentant du candidat Bouteflika au sein de la commission politique nationale des élections. Ni la déontologie, ni le règlement intérieur de l’APS, ni son cahier des charges ne prévoient le détachement du
directeur du poste le plus stratégique d’un tel organe de presse.

Khelladi, jusqu’à sa désignation au sein de la commission, veillait au choix des informations et à la teneur des articles publiés par son organe. On peut, sans remettre en cause son professionnalisme, supposer qu’il est difficile d’être objectif et impartial lorsqu’il est aussi engagé dans le soutien d’un candidat.

Il est légitime de penser que cette proximité avec Bouteflika, au point d’être son représentant, n’est pas née à la création de la commission politique de surveillance. Sauf dans l’hypothèse peu probable où ce journaliste, tout de même de l’agence, a accepté cette charge sur instruction de sa hiérarchie. Dans les deux cas de figure, l’APS confirme tous les reproches qui lui ont été adressés à propos de son parti pris pour Bouteflika, de sa propension à tronquer les informations et sa censure d’événements nationaux ou partisans ne correspondant pas à la démarche du clan présidentiel.

Pourtant, dans cette même agence de presse, un directeur général avait été écarté parce qu’il faisait circuler une motion de soutien à Mohamed Betchine. En affichant aujourd’hui aussi ouvertement son militantisme, si l’on peut l’appeler ainsi, pour un candidat, l’APS s’est disqualifiée en tant que source d’informations fiables sur la campagne électorale, le scrutin en particulier et l’information en général. Elle rejoint malheureusement pour le champ médiatique national la télévision qui confond allègrement entre couverture et propagande pour le candidat Bouteflika.

Dans les deux institutions, les journalistes intègres sont marginalisés et leur voix étouffée par l’opportunisme et la soumission au clan présidentiel qui a poussé le cynisme jusqu’à lancer le concept de la presse exemplaire. La remise des prix, un simple parchemin, a eu lieu, jeudi à Alger, en présence des membres du Club des amis du Président Bouteflika. C’est tout dire.

Les journaux primés n’ont pas tous apprécié de servir ainsi les ambitions des hommes d’affaires et patrons qui se sont regroupés dans ce club.

Mettre Le Quotidien d’Oran, An Nasr, premier titre du groupe de presse public avec près de 47 milliards de capital, Chaâb et El Moudjahid dans le même panier a fait grincer les dents.

Certains des responsables de ces titres « exemplaires » n’ont pas caché leur déception de repartir les mains vides, alors qu’ils attendaient des chèques.

L’un d’eux, lors de son intervention, s’est d’ailleurs vengé en rappelant que toute la presse nationale est « exemplaire » par les sacrifices qu’elle a consentis.

Qu’il s’agisse de l’APS, de la télévision ou de la presse écrite du secteur public, Bouteflika opère par la corruption et l’intimidation, ignorant qu’un journaliste aux ordres est incapable de convaincre ou d’orienter les citoyens.

Ghania Khelifi, Le Matin