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L’Algérie sous le choc

samedi 23 juillet 2005, par Bilal

Fallait-il que l’Algérie envoie des diplomates à Bagdad ? Considéré depuis des années comme un pays ami et non hostile aux Algériens, l’Irak a changé.

L’Algérie déplore l’enlèvement de ses deux diplomates à Bagdad.

Si la position ambiguë à l’égard du gouvernement irakien d’Iyad Allaoui n’affecte pas les relations d’Alger avec les Américains, l’enlèvement des deux diplomates révèlent la piste des connexions entre Zarqaoui et le GSPC. Abdelaziz Belkhadem n’a pas perdu son flegme quand il s’est agi d’évoquer le rapt des deux diplomates algériens à Baghdad : « je déplore qu’on enlève nos diplomates en Irak d’autant plus que l’Algérie entretient de très bonnes relations avec l’ensemble du peuple irakien tous rites confondus et toutes tendances confondues ».

L’Algérie qui s’appuyait sur l’image d’un pays allié aux Irakiens, surtout au temps de Saddam Hussein, n’a pas vu sa réputation écornée par l’invasion américaine du moment qu’Alger refuse toute implication étrangère dans les affaires irakiennes et appelle au respect de la souveraineté de l’unité et de l’intégrité territoriales de l’Irak. Une position qui s’appuie également sur un passé lointain, marqué par la médiation algérienne dans les accords d’Alger en 1975 entre l’Irak et l’Iran, et dans un passé récent, la violation délibérée de l’embargo imposé à l’Irak ou par l’activité incessante d’un diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, qui avait réussi le tour de force de convaincre l’ayatollah Al-Sistani de faire participer les forces chiites dans les élections législatives irakiennes.

Tout cela ne semble pas avoir pesé lourd ce jeudi matin à Al-Mansour. Les ravisseurs qui ne se sont pas encore manifestés pourraient, selon des sources sécuritaires à Alger, avoir agi en ciblant en priorité « l’ambassadeur » algérien. L’allégeance du GSPC algérien de l’émir Abdelouadoud alias Abdelmalek Droukdel au groupe de Abou Mossab Al-Zarqaoui, étayée par une correspondance du 18 mai dernier, dans laquelle le GSPC rend hommage à l’action des éléments de Zarkaoui. « Depuis l’invasion américaine, le GSPC a exploité l’envoi de volontaires algériens en Irak, via la Syrie, pour infiltrer des éléments salafistes partis soutenir les réseaux d’Al-Qaïda ou parfaire leur entraînement avant de revenir en Algérie », explique une source sécuritaire qui évoque le nombre de 200 « djihadistes » algériens ayant transité par Damas, selon des estimations consulaires.

Si la piste de nationalistes sunnites, anciens sadamistes faisant partie des moukhabarates irakiennes, est également évoquée, c’est la piste islamiste qui est fortement privilégiée à Baghdad où l’on n’attend que le communiqué confirmant cette tendance. L’arrestation d’un islamiste égyptien à Alger, gérant d’une agence de voyages, qui servait de couverture à l’envoi de salafistes en Irak, via la Syrie, évoque pour les spécialistes des connexions GSPC - Zarkaoui qui auraient pu être activées lors de cet enlèvement. Le ciblage des diplomates algériens a également fait jaser dans les milieux diplomatiques. Au MAE, la question de l’envoi de diplomates sur place n’était pas une priorité du moment que la mission diplomatique algérienne en Jordanie assurait le suivi des faibles intérêts algériens en Irak. Certains observateurs expliquent cette présence diplomatique par les fortes pressions américaines sur Alger et d’autres capitales arabes pour maintenir des représentations diplomatiques à même de crédibiliser les nouvelles instances irakiennes inféodées à Washington.

D’autres parlent des conditions de sécurité « dérisoires » dont bénéficiaient les agents diplomatiques algériens en Irak qui mettaient leur sécurité entre les mains d’anciens policiers irakiens, reconvertis dans la protection rapprochée de diplomates, dont la fiabilité n’est toujours pas garantie à 500 dollars mois. Même si Alger garde sa marge de manoeuvre et ses positions de principe vis-à-vis de la question irakienne, d’autant que la visite de Allaoui à Alger n’était pas considérée comme un franc succès, elle st confrontée, à travers cette affaire d’otages, la première du genre ciblant des ressortissants algériens en Irak, à une épineuse équation qui risque de l’impliquer, plus frontalement, dans un dossier qu’elle évite soigneusement.

Par Le Quotidien d’Oran