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L’accès direct à internet, un luxe en Algérie

mardi 19 avril 2005, par nassim

Des centaines de milliers de jeunes se rendent fréquemment aux cybercafés pour principalement chatter, pour des rencontres, une ouverture vers l’étranger, soit la recherche d’une bouffée d’oxygène en ces temps si difficiles dans leur propre pays, l’Algérie.

L’internet est parmi l’une des activités qui a connu un succès considérable ces dernières années en Algérie, notamment auprès des jeunes.

Internet, fenêtre sur le monde pour les jeunes en Algérie.

Ces derniers affluent massivement aux cybercafés pour s’évader un moment ou chercher de nouveaux horizons via une connaissance sur les sites “chat”. Selon les estimations de gérants de cybercafés, la plupart des jeunes, soit plus 60%, c’est-à-dire des centaines de milliers qui s’intéressent au “chat” sur les sites Yahoo Messenger, MSN, amitie.fr et autres sites de rencontres. Ces sites constituent, selon ces gérants, une bouffée d’oxygène pour les jeunes Algériens qui établissent de nouvelles relations avec des jeunes de différentes nationalités. Il y a même certains internautes qui réussirent, selon nos sources, à se marier grâce aux sites “chat”. Une catégorie d’internautes est beaucoup plus attirée, selon les mêmes sources, par les jeux électroniques.

Les autres internautes, notamment les étudiants et cadres se rendent aux cybercafés pour consulter leur e-mail ou chercher des informations et données économiques, culturelles, financières, politiques, sportives et sociales. Ceci étant dit, cette catégorie constitue une minorité comparativement aux adeptes du “chat” et autres sites de rencontres ou de conversation. Les étudiants utilisent généralement certains sites d’universités étrangères et téléchargent des documents ou travaux de recherches susceptibles de les aider dans la réalisation de leur thèse de fin d’études. Lors de notre tournée dans certains quartiers d’Alger, on a remarqué que la majorité des gérants de cybercafés sont jeunes, maîtrisant assez bien l’outil informatique et s’intéressant de très près aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

5 000 cybercafés à l’échelle du territoire national

Actuellement, on dénombre près de 5 000 cybercafés opérationnels sur le territoire national. Ces cybercafés, soit près de 50% sont créés en grande partie, selon M. Younès Grar, P-DG de Gécos, dans le cadre du dispositif d’aide à l’emploi de jeunes Ansej. En effet, il est à la portée de n’importe qui de pouvoir ouvrir un cybercafé et ce, sur une simple déclaration au centre national du registre du commerce. Autrement dit, il n’y a aucun texte réglementaire ou législatif qui régule les cybercafés en Algérie.

Ces derniers travaillent en étroite collaboration avec les fournisseurs d’accès à internet (ISP) ou providers dont le nombre est estimé, selon l’Autorité de régulation de la poste et télécommunications (ARPT), à 36 sur un total de 108 autorisations délivrées. Le nombre d’abonnés est évalué, selon les statistiques de l’ARPT, à 100 000 alors que celui des internautes oscille entre 700 et 800 000 en 2004. Pour M. Younès Grar “il y a, aujourd’hui, près de 1,5 million d’internautes et 55 000 abonnés ADSL”. Le marché de l’internet est estimé, soutiendra-t-il, à 5 milliards de DA en 2004. Le nombre d’abonnés pourra atteindre, selon M. Amar Tou, ministre des Télécommunications, 6 millions dans les trois prochaines années.

L’accès à internet reste faible

Ce chiffre reste encore faible comparativement à la Tunisie et au Maroc où le nombre d’internautes dépasse 3 millions.
Cette faiblesse de la pénétration de l’internet est liée, selon les spécialistes, à l’absence d’une stratégie globale de développement des nouvelles technologies, l’indisponibilité de lignes téléphoniques fixes et le coût élevé du matériel informatique. Plus explicites, ils ont souligné que “le nombre de lignes téléphoniques fixes est de 3,2 millions et le prix moyen d’un micro-ordinateur varie de 40 à 50000 DA, soit 5 fois le salaire national minimum garanti (SNMG) dont plus de 15 000 DA de taxes contre 500 euros en Europe”.

Continuant sur la même lancée, un gérant d’un cybercafé a déclaré : “aujourd’hui, on ne peut pas baisser davantage les prix de la connection, car nous avons beaucoup de charges à payer comme les factures téléphoniques qui sont très élevées”, tout en affirmant dans la foulée : “la connection reste lourde puisque nous utilisons un débit très faible, soit 4 mégaoctets et nous sommes obligés d’acheter des cartes d’accès à internet par satellite chez des fournisseurs étrangers à 50 euros pour augmenter notre connectivité de 6 mégaoctets et avoir une connection plus rapide.” De même, il a soutenu : “nous devons avoir une connection à haut débit ADSL pour améliorer la qualité de nos services.” Or, l’accès à l’ADSL demeure très difficile, selon toujours notre interlocuteur, à cause des entraves bureaucratiques. Pis, il y a les problèmes techniques tels que les coupures de liaisons téléphoniques chez Algérie Télécom qui influent, selon certains providers, sur la qualité de service offert au client. Actuellement, il y a le provider algérien l’Eepad et le chinois Huwaie qui ont signé des conventions de partenariat avec Algérie Télécom pour le développement de l’ADSL avec un volume de 500 000 lignes chacun.

Un gérant de cybercafé à Ben Aknoun a fait une demande de ligne ADSL et payé rubis sur l’ongle, mais attend toujours le raccordement depuis trois mois. Et pour cause, la mise en service de l’ADSL nécessite un emplacement d’environ 2 m devant les centraux téléphoniques d’Algérie Télécom. D’où, l’obligation d’avoir une autorisation délivrée par l’opérateur public pour la mise en place de l’ADSL. Le prix de la connection internet oscille entre 50 et 70 DA/heure dans la wilaya d’Alger et dépasse 80 DA dans les autres wilayas telles que Tizi Ouzou, Béjaïa et Sétif. La connection ADSL est facturée à 80 DA/heure au niveau d’Alger. Les taxes fiscales sont jugées très élevées puisque la TVA est de 17% et le droit de douane est de 5% pour le matériel informatique, soit 22% de taxes.

Des charges fiscales exorbitantes

Abondant dans le même sens, M. Younès Grar a déploré “le coût élevé des lignes spécialisées et l’insuffisance de l’offre en terme de micro-ordinateur qui est un outil indispensable pour le développement de l’internet”, en relevant qu’“il y a peu de ménages algériens équipés d’un micro-ordinateur”. A titre d’exemple, il dira : “le prix d’une ligne spécialisée Alger/Tizi Ouzou est de 100 000 DA/mois/1 mégabit contre 250 000 DA/mois/1 méga pour la ligne Alger/Oran.” Ces prix sont nettement excessifs, selon lui, comparativement au tarif de la ligne Alger/Palma fixé à 120 000 DA/mois/1 méga. Le démarrage de l’activité ISP ou provider nécessite, ajoutera-t-il, 10 millions de DA, soit 1 milliard de centimes.

Pour M. Mohammed Saïdi, manager general de Big Informatique et secrétaire général de l’Association algérienne des nouvelles technologies de l’information “le développement de l’internet reste essentiellement lié à la croissance de l’offre du marché informatique et l’état doit s’impliquer activement dans la promotion de services via l’octroi de crédits à la consommation pour les ménages et la baisse des charges fiscales pour les entreprises”. Il a proposé une baisse de la TVA à 10% et ramené les droits de douanes à 0% pour les produits informatiques, tel est le cas en Tunisie et au Maroc. Idem pour M. Grar qui plaide en faveur de l’implication de l’État dans le développement de l’internet à travers, notamment, une baisse des charges fiscales.
D’autres spécialistes ont relevé la faiblesse du contenu algérien des sites web dont le nombre est de 3 000 et proposé la multiplication de sites web et la baisse de taxes fiscales pour les produits informatiques destinés aux institutions éducatives et universitaires.

Les cybercafés comptent, selon des sources concordantes, s’organiser en association pour défendre leurs intérêts et étudier les moyens d’améliorer leur situation. Les gérants de ces cybercafés tiendront probablement une réunion de travail au courant de la semaine prochaine à Alger pour débattre de leurs problèmes. En somme, le développement de l’internet passe, notamment, par la baisse des tarifs de micro-ordinateurs, l’augmentation du nombre de lignes téléphoniques fixes et la promotion de nouvelles technologies telles que le WIFI ou la téléphonie sans fil et le WI-MAX qui offrent un accès rapide à haut débit à internet avec un coût moins élevé.

Par Faïçal Medjahed, liberte-algerie.com