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La mouvance islamiste et l’élection présidentielle en Algérie

mercredi 7 avril 2004, par nassim

Alors que le chef d’El-Islah, Abdallah Djaballah, fait campagne en candidat d’opposition pour l’élection présidentielle en Algérie, les anciens dirigeants du FIS se partagent entre boycottage du scrutin et soutien au président Bouteflika.

Des six candidats en lice pour l’élection présidentielle du 8 avril en Algérie, Abdallah Djaballah est celui qui apporte la "touche islamiste". A l’Assemblée nationale, son parti, El-Islah, est le troisième par le nombre de députés. L’autre parti islamiste reconnu par le pouvoir, le Mouvement de société pour la paix (MSP), s’est, quant à lui, rangé aux côtés du président Bouteflika.

Abdallah Djaballah est légaliste et n’appelle jamais à l’insurrection. Dans ses discours, il s’en prend violemment au président sortant mais se garde d’épingler l’armée. Il sait très bien jusqu’où il peut aller.

En ce 3 avril, à l’avant-veille de la clôture de la campagne électorale, M. Djaballah sillonne les wilayas (préfectures) de Tipaza et de Médéa, à l’ouest et au sud d’Alger. La région compte parmi celles qui ont été les plus meurtries par le terrorisme, et la population n’a qu’un mot à la bouche : la paix.

Les événements de la "décennie noire" n’ont cependant pas affaibli sa foi, bien au contraire. La religion reste une valeur-refuge. M. Djaballah, à l’inverse du MSP, n’a jamais accepté de cautionner ouvertement le pouvoir en intégrant la coalition gouvernementale.

Pour l’opinion publique non avertie, le leader d’El-Islah est un opposant pur et dur, tout comme la candidate du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune. Cet atout maître leur vaut, à l’un et à l’autre, une popularité certaine, mais aussi les sarcasmes de ceux qui les accusent de faire le jeu du système.

DIALOGUE CHALEUREUX

Dans ses tournées, M. Djaballah utilise toujours la même technique. Il commence par interroger son auditoire : "Dites-moi : êtes-vous satisfaits de votre situation ?" "Non !", s’exclament ses interlocuteurs. S’engage alors un dialogue dont la radio et la télévision publique ont du mal à rendre le caractère chaleureux. L’homme est souriant, amical, capable de redonner confiance à ceux qui l’écoutent : des hommes des classes populaires.

Usant d’un discours dont la démagogie n’est pas absente, le candidat islamiste met systématiquement en pièces le travail accompli par le président Bouteflika au cours de son mandat. Le chômage, la corruption, le "bradage" des valeurs nationales que sont l’islam et la langue arabe, tout y passe. Ce n’est pas un discours alternatif mais un réquisitoire qu’il prononce.

RAPPORTS DIFFICILES

Si M. Djaballah n’a aucune chance de devenir le prochain président, son poids est suffisant - ajouté à celui des autres candidats - pour empêcher le président sortant de l’emporter dès le premier tour, jeudi. Cela dit, El-Islah ne peut espérer récupérer la majorité des voix de la mouvance islamiste, en particulier celles de l’ex-FIS (Front islamique du salut) mouvement rival avec lequel il a eu des rapports difficiles dès sa création, au début des années 1990.

Le courant islamiste algérien est très éclaté aujourd’hui. Les anciens activistes de l’AIS (Armée islamique du salut, ex-bras armé du FIS), bénéficiaires de la "concorde civile", devraient suivre les consignes de leur chef, Madani Mezrag, et apporter leurs voix au président sortant. De Bonn, en Allemagne, Rabah Kébir, l’un des dirigeants du FIS en exil, a, de son côté, appelé à soutenir Abdelaziz Bouteflika.

Mais la majorité des anciens "fissistes" s’abstiendront de voter, jeudi, soit qu’ils ne croient pas à l’utilité du scrutin, soit parce qu’ils suivent les consignes de boycottage d’Abassi Madani, le numéro un du mouvement, absent d’Algérie depuis plusieurs mois, ou respectent le silence de son adjoint, Ali Benhadj.

Interdit de toute activité politique, Ali Benhadj, cependant, pourrait faire connaître son choix de manière détournée. Jusqu’à présent, il ne l’a pas fait, dans l’attente, dit-on, de réponses claires aux conditions qu’il a posées aux candidats : ouverture du champ politique et associatif, réinsertion des anciens du FIS, place de l’islam et de la langue arabe en Algérie, règlement du dossier des disparus...

Il y a peu de chances pour qu’Ali Benhadj obtienne satisfaction et sorte de sa réserve d’ici à jeudi.

Source : Florence Beaugé, Le Monde