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Les enfants diabétiques oubliés du système de santé en Algérie

lundi 18 avril 2005, par Hassiba

En Algérie, abandonnés par les pouvoirs publics, les enfants qui représentent 7% des diabétiques, encourent un réel danger de développer des complications à l’âge adulte.

Les parents espèrent la création d’une allocation pour enfant malade

Les enfants diabétiques oubliés du système de santé en Algérie

au profit des parents chômeurs, et un abattement fiscal aux travailleurs ayant de jeunes diabétiques à charge. Exclusivement insulinodépendant et souvent “labile”, le diabète de l’enfant est un véritable casse-tête pour les médecins, qui arrivent difficilement à équilibrer les jeunes patients. Excepté quelques médecins qui prennent ce problème à bras-le-corps, les parents sont livrés à eux-mêmes. Tout doit être surveillé lorsqu’il s’agit de veiller au bien-être d’un diabétique, et, en plus d’un régime adapté, il est impératif de contrôler la qualité des effets vestimentaires qui doivent être en fibres naturelles (coton ou laine) et assez amples pour ne pas serrer le patient. Les chaussures aussi doivent être en cuir souple, légères et bien entendu sans aucun clou. Eu égard à son âge, l’enfant est appelé à jouer, et l’activité physique brûle les sucres du corps, d’où la difficulté d’équilibrer son taux de glycémie.

Par ailleurs, il n’est pas aisé d’interdire à un jeune patient de consommer des friandises. Certains services hospitaliers assurent une formation au profit des parents et des enfants ; mais une fois dehors, tout l’environnement est hostile aux jeunes patients. L’hygiène de vie d’un enfant diabétique nécessite au minimum deux cocktails (mélange d’insuline lente et rapide), deux fois par jour. À cela s’ajoute 4 prises de sang quotidiennes pour mesurer le taux de glycémie, sans compter le cas échéant la recherche de sucre dans les urines. Par nature l’enfant vit avec la phobie des injections et le convaincre à en faire 6 par jour n’est pas une chose facile. À l’école, il court le danger de faire un coma diabétique, sans que personne ne puisse lui venir en aide. Lors d’un épisode comateux, dû à une hypoglycémie, et devant l’impossibilité de donner un sucre ou une boisson sucrée, seule une injection de Glucagon peut sauver la vie du malade. Or, ce produit doit être gardé dans un réfrigérateur : rares sont les écoles qui en disposent.

Indispensable pour le jeune diabétique, le Glucagon vendu en Algérie à 1 200 DA sous le nom de “Glucagène hypokit”, connaît souvent des ruptures de stock car les pharmaciens préfèrent ne pas le commercialiser. Quant aux parents, ils l’achètent rarement : même si le jeune malade a ce produit, qui pourra le lui injecter en cas de crise en milieu scolaire.

“Pourquoi ne pas former les enseignants aux premiers secours et à reconnaître les signes de l’hypoglycémie et de l’hyperglycémie, d’autant que les gestes sont simples et les injections salvatrices sont élémentaires à réaliser”, s’interroge le Pr Laraba, chef du service pédiatrie au CHU de Bab El-Oued. Le pédiatre, qui assure la prise en charge et l’éducation sanitaire d’enfants diabétiques, insiste sur le fait que les malades jeunes font des comas fréquemment et encourent à la fois la mort ou de graves séquelles irréversibles. C’est durant les premières années de scolarité que les malades courent le plus de risques, car, loin des parents, sans encadrement médical et encore jeunes pour connaître les symptômes des crises (hypo ou hyperglycémie). “Pour éviter des complications à mon fils diabétique âgé de 8 ans aujourd’hui, j’ai dû quitter mon emploi”, soutient une femme, ingénieur de formation.

Par ailleurs, l’attitude de certains enseignants qui interdisent aux élèves malades de se rendre aux toilettes, est une autre source d’inquiétude, car à la longue cela peut provoquer des complications graves pouvant conduire à une insuffisance rénale. “Ne pas permettre à un malade d’aller aux toilettes est un crime”, déclare le Pr Lacette, diabétologue-pédiatre. Ce médecin soulève, par ailleurs, un grave problème relatif à l’indisponibilité de seringues à insuline pour enfants. “Ces seringues existent et elles sont les seules indiquées pour les jeunes diabétiques qui augmentent ou baissent leurs doses par demi-unité”. “Le passage à l’insuline 100 unités s’est fait sans encombre pour les adultes, qui ont trouvé les seringues adéquates mais pas les enfants”, explique le Pr Lacette, chef de service pédiatrie à l’hôpital Nefissa-Hamoud d’Hussein-Dey et délégué par la Fédération des associations des diabétiques. Un patient adulte, dont ses propres enfants sont malades, apporte une aide non négligeable au profit des 800 enfants suivis par la structure

“Il est inadmissible de diagnostiquer le diabète quand un adolescent présente une cataracte”. Il faudrait penser à un dépistage systématique pour éviter toutes les complications. Il m’est arrivé de prendre en charge une jeune fille de 17 ans avec des complications de cataracte qu’elle traînait depuis des années. Personne n’a détecté son diabète. “Cette malade a malheureusement perdu la vue et si elle avait été bien suivie, elle n’aurait jamais développé une telle complication”, soutient le Dr Taoutaou, spécialiste au service d’ophtalmologie infantile à l’hôpital Mustapha-Pacha. Ce service, dédié à l’enfance, est une autre exception en Algérie où les services de pédiatrie ou de chirurgie pédiatrique sont chargés de tous les soins des pathologies touchant les enfants. Les jeunes malades sont souvent hospitalisés car ils présentent des déséquilibres fréquents. Or, durant toute la durée du séjour en milieu médicalisé, ils sont totalement déconnectés de la vie scolaire. Malgré l’existence d’une convention entérinée en 1998 entre les départements de la Santé et de l’Éducation, les services de pédiatrie attendent toujours l’arrivée effective des enseignants. “Il n’est pas rare que des enfants diabétiques ratent leur année scolaire car ils ont été hospitalisés. Nous réclamons l’envoi d’enseignants à l’hôpital depuis des années en vain”, affirme Mourad Ouhada, président de la Fédération des associations de diabétiques.

Pour éviter à ces jeunes malades de graves complications, il est impératif de mettre tous les moyens à leur disposition et leur permettre ainsi, le moment venu, d’être des adultes instruits et productifs. La création de services spécialisés dotés de tous les moyens de diagnostic performants est d’une importance capitale. Il est inadmissible de demander à des parents souvent pauvres de débourser des sommes astronomiques pour des angiographies et autres examens médicaux.

M. Ouhada se déclare outré de constater que l’hôpital ne met que l’appareil d’angiographie (quand il marche) à la disposition des malades dont les parents doivent acheter la pellicule 400 ASA noir et blanc. Quant au développement des pellicules, aucun hôpital n’assure ce service, ce sont encore les parents qui sont invités à se débrouiller avec les laboratoires de photographie, qui facturent 30 DA le cliché. Que dire alors des familles pauvres ayant plusieurs enfants diabétiques ? Respecter un régime alimentaire n’est pas à la portée de toutes les bourses, les légumes, les fruits, la viande et surtout le poisson sont, en effet, hors de prix. Beaucoup reste à faire pour les enfants malades dont la majorité ne dispose même pas d’un glucomètre car il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale qui ne prend en charge que les bandelettes.

Par Saïd Ibrahim, liberte-algerie.com