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Les partisans de Bouteflika et Benflis se « disputent » Alger

Les bureaux de campagne des deux candidats se côtoient en rivaux

vendredi 26 mars 2004, par Hassiba

A Alger, les comités de soutien en cette ère de campagne « poussent » comme des champignons dans presque chaque quartier de la capitale. Surtout pour deux des six candidats à la course présidentielle : Bouteflika et Benflis.Pour ce faire, rien de plus simple : un local, des drapeaux, de grandes affiches et une chaîne stéréo et voilà un comité de soutien qui est mis sur pied.

Pourquoi pas, affirment de nombreux propriétaires de ces lieux de permanence de proximité des candidats, « puisque ça rapporte ». L’enjeu, il ne faut pas se faire d’illusion, est bien sûr l’argent. « Ils [les candidats, NDLR] ont eu droit à 1,5 milliard de centimes pour faire leur campagne. C’est notre manière d’en bénéficier un peu », lâchent des jeunes qui participent à l’opération d’affichage des posters des candidats dans la capitale. Ces derniers perçoivent environ 500 dinars par journée de « travail électoral ». A Hydra, à titre d’exemple, de nombreux citoyens ont loué leurs garages ou encore leurs boutiques qui, le temps d’une campagne, sont transformés en comités de soutien.

L’argent, un enjeu électoral

L’un d’eux, qui a bénéficié d’un nouveau local, a profité de la conjoncture pour commencer son activité avec la création d’un comité de soutien pour le candidat Benflis. « Des représentants du candidat m’ont sollicité et contre 3,5 millions de centimes j’ai accepté de louer mon local », déclare-t-il. « Je ne suis pas partisan de Benflis et ce qui m’intéresse c’est la ‘‘tchipa’’. Le jour du vote, je ferai librement mon choix pour le candidat qui a fait ses preuves avant d’introduire mon bulletin », renchérit-il. Ce dernier passe la journée à faire passer en boucle une cassette audio ; diffusée spécialement pour faire l’éloge du candidat Benflis ; et à distribuer différents prospectus et autres pins de ce candidat.

En plus des citoyens qui viennent pour demander le programme électoral, de nombreux jeunes du quartier ont adopté ce lieu « attrayant » comme lieu de rencontre, même ceux qui soutiennent d’autres candidats. C’est le cas d’un jeune qui dit : « Je suis là pour discuter avec mes amis et pourtant je voterai Bouteflika. » Ce dernier, âgé d’à peine vingt ans, se dit convaincu des réalisations du président-candidat. « Nous avons pu voir ce qu’il a fait ces 5 dernières années pour les sinistrés de Bab El Oued et ceux de Zemmouri. Benflis est certes un voisin mais je ne connais rien sur lui », lâche ce jeune avant d’être interrompu par ces amis qui sont, pour leur part, des « partisans fieffés » de Benflis. Affirmant qu’ils voteront pour l’ex-chef de gouvernement, ces derniers, qui votent également pour la première fois, n’argumentent pas leur choix. L’un d’entre d’eux dira après un moment de silence : « Je voterai pour lui car c’est mon voisin. » Ailleurs, dans une autre permanence de proximité du candidat Benflis, l’accueil est beaucoup plus avisé.

Le bénévolat payant !

Deux partisans du candidat Benflis, membres du FLN, sont présents. Ces derniers, en fins diplomates, présentent le programme de leur candidat et affirment recevoir chaque jour une foule importante qui se renseigne sur les « engagements » de Benflis, raison pour laquelle « il n’y a plus de programme disponible » en cette fin de journée. Ils déclarent également que ce local a été loué par le FLN (version Benflis) afin de faire au mieux le travail de proximité. Et à côté d’un comité de soutien de Benflis, il ne faut pas chercher très loin pour trouver un autre affilié au candidat Bouteflka.

Un peu partout dans les quartiers d’Alger, les partisans des deux prétendants à la chaise d’El Mouradia se « toisent » chaque jour des yeux tellement les locaux de leur comité de soutien sont rapprochés. A en conclure qu’il s’agit là d’une concurrence réelle sur l’occupation du terrain notamment au niveau de la capitale. Au niveau donc des permanences du président-candidat, la présence des membres de la coordination de soutien est de suite relevée. Ce sont ces derniers qui accueillent les visiteurs.

A la presse, ils avancent dans leur majorité le même discours : « Tout ce que vous voyez là, ce sont des dons de citoyens volontaires et de bénévoles. Nous ne payons personne. » Au niveau de la rue Bougara, les « redresseurs » du FLN ont ouvert un comité de soutien au candidat Bouteflika dans un appartement. Ce logement, situé au rez-de-chaussée, selon les animateurs de ce lieu, est toujours occupé par son propriétaire, « un militant qui, contre un prix dérisoire mais surtout pour apporter son soutien », a accepté de céder une pièce de l’appartement pour « la bonne cause » ! Au niveau des permanences du candidat Bouteflika, l’organisation est loin d’être atteinte. Dans ces lieux également, mis à part les cassettes audio (6 cassettes comme l’affirment certains militants) diffusées pour la campagne, les affiches, les casquettes, les calendriers ou encore les stylos, le programme n’est pas encore disponible. « Il y a un petit retard, nous allons les recevoir ce soir », affirment les « redresseurs » du FLN. Ces derniers, qui soutiennent manquer de moyens, remercient fortement « la mobilisation » des citoyens soutenant Bouteflika pour un second mandat.

Et pourtant, au niveau du Val d’Hydra, exactement à la permanence ouverte par le Mouvement national des générations libres (MNGL), il est difficile de croire que les comités de soutien de Bouteflika manquent de moyens.Là, c’est simple, c’est tout un « arsenal » de campagne qui est mis en place. Ce mouvement créé en 2002 par Mourad Sassi, président de la commission nationale pour le soutien du candidat Bouteflika en 1999, a loué une majestueuse villa pour le mois. Cet originaire de Djelfa s’est même permis le luxe d’installer une tente dans le partie jardin ! « De l’argent, nous en avons. Nous avons un journal [El Ousbou El Djazaïri, la Semaine algérienne], des sociétés et beaucoup d’hommes d’affaires [...] Nous avons décidé d’offrir notre argent pour la bonne cause dans notre pays et cela ne regarde personne », lâche le président du mouvement qui, tout en affirmant être « ami du Président », soutient encore : « Nous avons plus d’un millier de docteurs et d’hommes d’affaires au MNGL qui sont prêts à financer la campagne de notre candidat. » Et pour prouver ses dires, M. Sassi dira enfin : « J’ai écrit 6 chansons pour la campagne du président et la cassette va bientôt sortir et je n’aurai rien à payer car le directeur de la maison d’édition est mon ami. » Impressionnant ! Dans une campagne, il faut apparemment juste se rappeler « ses connaissances » et « renvoyer l’ascenseur » le moment venu.

Affichage : une seule règle, « il ne faut pas se faire dépasser »

Pour en revenir donc aux comités de soutien, ceux du candidat Bouteflika sont répertoriés chez la coordination nationale des associations de soutien à ce candidat. La coordination a été créée après 1999 où les nombreux comités de soutien de l’époque se sont transformés ou en associations nationales ou encore à un niveau local ou de quartier. Aujourd’hui, cette coordination a pris à sa charge de répertorier toutes les permanences de proximité (plus de 35 000 sur l’ensemble du territoire national, selon les responsables) pour mieux gérer leur travail de rapprochement avec la population. Mais dans les comités de soutien des deux candidats, Benflis et Bouteflika, il reste encore à faire en matière de respect des lois d’affichage. Il suffit de faire un simple tour dans n’importe quel quartier pour constater que les affiches sont placardées un peu partout. Sur les murs, des immeubles, dans les tunnels ou carrément les unes sur les autres. A ce sujet, les partisans des deux candidats se rejettent la balle. « Il faut voir d’abord qui a commencé. Nous, nous avons au début respecté la réglementation mais nous ne pouvions pas nous permettre d’être dépassés par les autres également », déclarent les partisans de chaque camp.

Ces derniers affirment avoir introduit des réclamations au niveau de la commission de surveillance des élections. Qui a failli à la règle en premier ? La réponse à cette question ne semble pas très importante face à l’impressionnant constat fait lors de cette tournée : la campagne électorale pour cette année ne laisse pas indifférents les Algériens. Mieux, elle suscite l’intérêt de la jeunesse.

H. Y. , la Tribune