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M. Hafnaoui :« On nous a menacés de mort ! »

mardi 18 mai 2004, par Hassiba

M. Hafnaoui est coordonnateur régional de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme(LADDH) ainsi que porte-parole du mouvement citoyen du Sud. Or Le mouvement citoyen du Sud avait alerté sur la mort suspecte de 13 bébés à l’hôpital de Djelfa. Depuis, Ce sont les représailles.

Le Matin : Vous avez fait part dans un communiqué de dépassements graves orchestrés par les responsables de la wilaya de Djelfa. Continuez-vous à subir des exactions après votre cri de détresse ?

M. Hafnaoui : Les responsables des structures de l’Etat cités dans ce document continuent d’exercer la pression sur nous en piétinant la moindre disposition légale. Les journalistes ou tout citoyen de la région impliqué dans le combat pour le respect des droits élémentaires de l’homme subissent quotidiennement les pires humiliations. Les représentants de l’autorité de l’Etat veulent imposer la loi de l’omerta après que des citoyens ont pris l’initiative depuis cinq ans d’ouvrir publiquement des dossiers jugés tabous. Les correspondants locaux ont eu l’honneur, avant d’intégrer la structure de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), de dénoncer la gabegie, les détournements de deniers publics, la marginalisation de pans entiers des populations locales, le taux effarant de chômeurs et la déficience du système de santé avec le retour des maladies de la misère. Ce travail effectué au fil des années n’a jamais été du goût des personnes en charge des affaires des citoyens. Le mécontentement des autorités s’est exacerbé lors de la précédente campagne électorale lorsque nous avons relevé que c’est l’Administration qui est l’auteur des perturbations des meetings de Ali Benflis, Saïd Sadi et Louisa Hanoune. Mais la goutte qui a fait déborder le vase est le scandale de la mort suspecte des 13 bébés à l’hôpital de Djelfa que nous avons révélée. Une révélation qui a alerté le ministre de la Santé, mais qui n’a pas plu aux autorités puisque le wali vient de m’assigner en justice en date du 12 mai dernier pour incitation à la désobéissance civile. Pire encore, les militants du mouvement citoyen du Sud et de la LADDH sont systématiquement filés, contrôlés et harcelés. Une liste de noms est établie par les services de la police. Les représentants des wilayas d’Adrar, d’Ouargla, de Djelfa et de Ghardaïa, qui ont rédigé un communiqué de dénonciation de la politique de développement menée dans le sud du pays au terme d’une réunion tenue récemment à Alger, sont interdits d’entrée à Djelfa pour assister à un conclave d’évaluation des activités du mouvement. Je passe sur la surveillance systématique de nos déplacements, de nos domiciles et des pressions exercées sur nos familles.

Ne redoutez-vous pas des dérapages qui pourraient attenter à votre vie ?

Les responsables qui comptent sur les procédés de chantage pour nous amener à abandonner notre travail de sensibilisation et de dénonciation des pratiques maffieuses des administrateurs se trompent lourdement. Notre message est passé. Conscient des intentions criminelles de quelques responsables locaux, un impressionnant mouvement de solidarité populaire a vu le jour. Nous sommes, pour vous résumer la situation, en train de calmer les citoyens qui sont déterminés à en découdre avec des représentants de l’Etat qui n’ont d’objectif que de continuer à renflouer les poches. C’est pour vous dire qu’une simple étincelle pourrait provoquer l’irréparable. Vendredi dernier des jeunes ont pris possession de la rue respectivement dans les quartiers El Fasha et Z’riaâ. Les manifestants ont détruit la gare routière et ont par la suite bloqué les accès en brûlant des pneus. Samedi d’après, ce sont les communes de Medjbara et El M’lihia qui ont connu l’explosion de colère des populations en mal de vie. Les responsables des deux localités ont été contraints de fermer les mairies face à la colère de la rue.

Que comptez-vous faire après que des policiers vous ont menacé de mort ?

Les hautes autorités du pays sont informées de la gravité de la situation. Cela dit, même si cet événement constituait en soit un grave dérapage, il n’en demeure pas moins que la colère grossissante des populations pourrait être dévastatrice pour la région si les dirigeants politiques n’interviennent pas. Il ne faut pas perdre de vue que sur les 36 communes de la wilaya de Djelfa uniquement 15 ont connu des troubles suite aux manifestations des populations. La demande de ces dernières de voir le wali n’est à ce jour pas prise en considération. Pourtant, cette demande a été exprimée au lendemain de la visite du Président dans la région.

Comment avez-vous réagi à la décision du ministre de la Santé de relever de ses fonctions le directeur de l’hôpital de Djelfa ?

C’est une mesure insuffisante. L’ex-ministre de la Santé M. Aberkane a eu déjà à prendre la même décision, mais sans que la situation ne s’améliore. Et pour cause, le problème ne réside pas au niveau des responsables directs de l’hôpital. Il s’agit de faire le nettoyage plutôt à la Direction de la santé de la wilaya. Le mal de la santé à Djelfa se situe à ce niveau et non pas ailleurs. Depuis quatre ans, on assiste à un véritable massacre de ce secteur. On vient de m’informer à ce propos qu’une quantité de vaccins, dont le prix est estimé à 3,300 millions de centimes, vient d’être endommagée. La raison ? Personne n’osera dire un mot sur les circonstances réelles de cet acte sauf cette thèse qui fait état d’une fausse manuvre d’un préposé à la sécurité ou peut-être d’un infirmier qui aurait éteint la lumière par inadvertance.

Par Nadir Benseba, Le Matin