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NEPAD : L’Afrique en marge de la mondialisation

lundi 20 septembre 2004, par Hassiba

La 59ème session de l’Assemblée générale des Nations unies s’ouvre cette année sur le thème de « la dimension sociale de la mondialisation ».

Un thème qui devrait mettre l’Afrique et les pays en voie de développement au centre des préoccupations de la communauté internationale. Pour cela, diverses initiatives seront lancées lors de cette session.

Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a demandé à ses services de lui préparer un second rapport consacré à la mise en œuvre du NEPAD. Ce rapport qui note que des progrès ont été faits, déplore cependant que le soutien international à cette initiative panafricaine est en deçà des attentes et des objectifs dits du Millénaire. L’Afrique reste encore l’un des continents où une majorité vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins d’un dollar par jour.

Des infrastructures à développer
Le rapport « met en lumière les mesures et décisions entreprises par les pays et organisations d’Afrique pour mettre en œuvre le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ainsi que l’appui apporté par la communauté internationale et le système des Nations unies au cours de l’année écoulée. Les pays d’Afrique ont fait beaucoup de progrès en ce qui concerne l’élaboration de cadres sectoriels, la mise en œuvre de programmes et de projets précis, et l’affectation de crédits à certains secteurs prioritaires du NEPAD.

Parallèlement, la communauté internationale a pris ou proposé une série de dispositions qui devraient favoriser la mise en œuvre du Nouveau partenariat, tandis que le système des Nations unies continue d’apporter un appui concernant toute une série de questions », affirment les rédacteurs. Ainsi, le rapport note que le Comité des chefs d’État et de gouvernement chargé de la mise en œuvre du NEPAD a approuvé une liste de 20 projets prioritaires visant à développer les infrastructures qui seront exécutés dans le cadre du programme d’action à court terme du Partenariat. Ces projets, de portée essentiellement sous-régionale, ont été élaborés par les collectivités économiques régionales qui en assureront la mise en œuvre. Le programme d’action prévoit notamment des études de faisabilité, des projets d’investissement dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et de l’assainissement, et des technologies de l’information et des communications, ainsi que des projets visant à renforcer les capacités.

Le coût total des projets visés dans le programme a été estimé à 8 milliards 120 millions de dollars, la moitié des coûts afférents aux projets d’investissement devant être pris en charge par le secteur privé. Ces chiffres n’englobent pas le coût des activités mises en œuvre pour développer les infrastructures à moyen et à long terme. Le seul fait notable est que les financements obtenus sont des financements de la Banque africaine de développement. Le secteur de l’énergie a bénéficié d’importantes contributions, destinées à la mise en œuvre de projets, de la part d’institutions financières régionales et sous-régionales comme la BAD, la Development Bank of Southern Africa (DBSA), et l’Industrial Development Corporation of South Africa. La Banque africaine de développement a financé plusieurs projets, concernant notamment l’interconnexion des réseaux de transport d’électricité entre le Bénin, le Nigeria et le Togo, ainsi qu’entre l’Algérie, l’Espagne et le Maroc ; une étude sur l’interconnexion des réseaux d’électricité entre les pays nilotiques ; et une étude sur l’interconnexion des réseaux électriques dans les pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

La DBSA, pour sa part, a approuvé le financement de plusieurs projets énergétiques dans divers pays d’Afrique australe, ou envisage de le faire, en vue notamment de mettre en place une ligne d’interconnexion électrique entre le Kenya, la République unie de Tanzanie et la Zambie. Dans cette même région, deux grands projets ayant trait au réseau d’interconnexions, d’une part, et au gaz naturel, d’autre part, ont bénéficié d’un appui financier extérieur, provenant essentiellement de la Banque mondiale.

Eau et agriculture
Le secteur de l’eau et de l’assainissement a lui aussi connu des améliorations. Plusieurs initiatives ont été lancées à l’occasion de la Conférence panafricaine sur la mise en œuvre des initiatives et le partenariat dans le domaine des ressources en eau (Addis-Abeba, décembre 2003), organisée sous les auspices de la Conférence ministérielle africaine sur l’eau. Il s’agit principalement de l’Initiative d’approvisionnement en eau et de mise en place de structures d’assainissement au niveau des zones rurales, lancée par la Banque africaine de développement, du Fonds africain pour l’eau, qui sera établi auprès de la Banque africaine de développement mais relèvera du Conseil des ministres africains responsables de l’eau, et de l’Initiative européenne sur l’eau en Afrique, qui comporte deux volets (eau et assainissement), et la gestion intégrée des ressources en eau. Pour le secteur de l’agriculture, les travaux réalisés pour mettre en œuvre le Programme intégré pour le développement de l’agriculture en Afrique, pièce maîtresse du plan d’action du NEPAD, se sont multipliés sur plusieurs fronts politique et institutionnel.

Les gouvernements africains ont commencé à aligner leurs programmes alimentaires et agricoles sur le Programme intégré, quelques-uns ont aussi indiqué être parvenus, en cinq ans, à consacrer au moins 10% des ressources budgétaires nationales à l’agriculture, ou être en passe de le faire, conformément à la Déclaration sur l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique (Maputo, juillet 2003). Avec l’appui de plusieurs organismes multilatéraux, le secrétariat du NEPAD est en train de mettre au point un mécanisme de suivi, pour aider les pays à contrôler de près et à évaluer les dépenses et crédits budgétaires qu’ils consacrent au secteur agricole. Mais tout cela ne pourra se faire qu’avec une prise de conscience de la part des pays partenaires de l’Afrique qui sont souvent les anciens colonisateurs et qui ont orienté l’économie africaine vers un seul objectif : satisfaire les besoins économiques de la métropole. Or, les graves difficultés budgétaires auxquelles nombre d’entre eux doivent faire face à court et à moyen terme donnent à penser qu’un appui extérieur est nécessaire pour atteindre les objectifs de dépense fixés pour les priorités du Nouveau partenariat et beaucoup de pays n’atteindront pas l’objectif qui consiste à affecter dix pour cent des ressources budgétaires à l’agriculture au cours des cinq prochaines années, du fait, en particulier des restrictions imposées par le cadre de dépenses à moyen terme.

A cela il convient d’ajouter le déclin de la part de l’aide consacrée à l’agriculture dans le monde entier et en Afrique et qui ne fait qu’aggraver ces difficultés. De plus, la Commission de l’Union africaine et les organisations sous-régionales, qui sont appelées à jouer un rôle important dans la mise en œuvre du NEPAD, disposent de ressources financières limitées et ont besoin d’une assistance pour renforcer leurs capacités.Cette situation est aggravée par la situation d’endettement des pays africains et de la manière dont est gérée cette question au niveau des institutions financières internationales. Pour y remédier un nouveau cadre d’analyse de la viabilité de la dette des pays à faible revenu est actuellement à l’étude à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI).

Aide publique au développement
L’aide publique au développement (APD) en faveur de l’Afrique a atteint 22 milliards 230 millions de dollars en 2002. Des données préliminaires font apparaître que les pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur APD de 3,9 pour cent en termes réels entre 2002 et 2003. Si l’on appliquait ce taux de croissance au calcul de l’APD à destination de l’Afrique, l’on obtiendrait environ 23 milliards 90 millions de dollars pour 2003. Il ressort de plusieurs études sur le financement du développement que l’Afrique aura besoin de la moitié environ des 50 milliards de dollars prévus comme montant additionnel de l’APD, par rapport au montant de 2001, pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015. Pourtant, ces études n’ont pas explicitement tenu compte des besoins de financement engendrés par le développement des structures économiques dans la région, ce qui laisse présager que des ressources supplémentaires seraient nécessaires. Il apparaît cependant qu’il faudra encore augmenter le volume de l’APD à destination de l’Afrique.

Peu d’investissements directs étrangers
D’un autre côté, le flux de l’investissement étranger direct à destination des pays d’Afrique continue d’augmenter, même si sa valeur absolue et son pourcentage du flux mondial demeurent modestes. Le montant de l’investissement consacré à l’Afrique est passé de 11 milliards de dollars en 2002 à 14 milliards de dollars en 2003, soit à peine 2% du montant des flux mondiaux. L’investissement étranger direct en Afrique est extrêmement concentré au niveau de quelques pays et de quelques industries extractives (pétrole, or et aluminium principalement). Il est de plus en plus largement admis que la coopération Sud-Sud, en tant que complément important à la coopération internationale pour le développement, a un rôle à jouer dans la mise en œuvre du Nouveau partenariat. Le lancement du troisième cycle de négociations relatives au Système mondial de préférences commerciales entre pays en développement, lors de la onzième session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, a constitué un progrès notable dans cette direction, l’objectif étant d’inviter un plus grand nombre de pays en développement à participer aux négociations qui, à l’heure actuelle, concernent 43 pays. Mais la cohérence des mesures prises par les pouvoirs publics dans le cadre de l’appui international au Nouveau partenariat reste un objectif et un enjeu de taille. Or, cette cohérence des politiques n’est pas pour l’instant un principe essentiel de l’assistance à l’Afrique.

La nécessité d’assurer la cohésion de l’aide internationale à cette région est mise en évidence par l’absence de complémentarité entre les politiques relatives à la dette, à l’aide et au commerce. Ainsi, depuis plus de 20 ans, l’aide publique au développement en faveur de l’Afrique a été pratiquement annulée par le service de la dette.Le secteur du commerce et de l’APD, ou encore du commerce et de l’allégement de la dette, offre d’autres exemples de cette incohérence. A partir de 1970 et pendant près d’un quart de siècle, la part de marché de l’Afrique a considérablement diminué pour s’établir, selon les estimations, à environ 70 milliards de perte de recettes annuelles, soit près de cinq fois le montant moyen annuel de l’APD apporté à la région. La chute brutale des cours à l’exportation de principaux produits de base explique également la dégradation du ratio valeur actualisée nette de la dette/exportations par rapport aux ratios envisagés au point de décision (en 2001, sur 15 pays pauvres très endettés, 13 étaient des pays d’Afrique). « Une plus grande cohérence de l’action des gouvernements ne pourra que s’avérer bénéfique dans le cycle mis en place par les pays développés à l’intention de l’Afrique et caractérisé par une augmentation du volume de l’aide et de l’efficacité de celle-ci, la réforme des politiques commerciales et l’allégement de la dette », affirment les rédacteurs du rapport.

Dans ce cadre, l’Union africaine a tenu un sommet extraordinaire qui a adopté trois documents importants en matière de lutte contre la pauvreté, en l’occurrence la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement, le plan d’action sur l’emploi et la réduction de la pauvreté et, enfin, le mécanisme de suivi de mise en œuvre et d’évaluation. La déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement sur la promotion de l’emploi et la lutte contre la pauvreté met en exergue la volonté politique de s’impliquer dans la réalisation de l’objectif stratégique lié à la promotion de l’emploi et la réduction de la pauvreté en Afrique.

Le second document adopté, le plan d’action sur la promotion de l’emploi et la lutte contre la pauvreté, traduit les axes stratégiques de la déclaration en actions concrètes. Ainsi, pour chaque domaine prioritaire, il fixe un objectif, présente une stratégie et propose des recommandations et actions susceptibles d’aider à lutter contre la pauvreté et d’encourager la promotion de l’emploi.

Le troisième document, le mécanisme de suivi, de mise en œuvre et d’évaluation a pour objectif de suivre et d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des décisions du 3ème sommet extraordinaire de l’Union africaine. D’autre part, dans les trois documents que les chefs d’Etat et de gouvernement ont adoptés, la place centrale du secteur de l’agriculture dans toute stratégie de lutte contre la pauvreté et la promotion de l’emploi est reconnue et mise en exergue.

En outre, et en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le président Jacques Chirac tentera de convaincre une communauté internationale encore hostile ou sceptique de la nécessité d’une taxe mondiale pour combattre la pauvreté dans le monde. Mais le principal objectif de ce déplacement est, pour Jacques Chirac, d’essayer de mobiliser la communauté internationale pour qu’elle respecte l’engagement du sommet du millénaire de l’ONU en 2000 de réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici à 2015. M. Chirac va plaider à New York pour que de nouvelles sources de financement soient examinées, en premier lieu celle d’une taxation internationale, en dépit de l’opposition farouche des Etats-Unis et du scepticisme de nombreux autres pays, y compris européens. Le président français argumentera qu’il s’agit seulement d’un « devoir de solidarité ». Il s’appuiera sur un volumineux rapport d’experts réalisé à sa demande qui propose un éventail de solutions. Certaines sont connues (taxe sur les gaz à effet de serre ou les transactions financières, etc.) mais d’autres sont plus novatrices : taxe sur les passages dans les détroits maritimes, les billets d’avion, les achats par carte de crédit.

Par ailleurs, réuni à l’initiative du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, un sommet d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement est centré sur les financements innovants du développement. L’Afrique et les pays en voie de développement reviennent aux premiers plans des préoccupations des politiques du monde. En sera-t-il de même pour les financiers ?

Par Amine Echikr, La Tribune