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Sahara occidental : Abdelaziz Belkhadem répond à Michel Barnier

mercredi 14 juillet 2004, par Hassiba

Michel Barnier est reparti bredouille, du moins sur un point. Le locataire du Quai d’Orsay n’a pas su convaincre les autorités algériennes de négocier directement avec le voisin marocain le sort du Sahara Occidental.

“Le dialogue entre Alger et Rabat ne s’est jamais interrompu. Il n’a pas besoin d’intermédiaire”, a répliqué notre chef de la diplomatie au cours de la conférence de presse qu’il a animée en compagnie de son homologue français, hier matin, à la résidence de Djenane El-Mithak. Défendant la position traditionnelle de l’État algérien, Abdelaziz Belkhadem a affirmé que l’affaire du Sahara Occidental pose “un problème de décolonisation”. “L’Algérie est disposée à aider à trouver une solution politique pour peu que celle-ci respecte le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination”, a-t-il soutenu. Sa réplique est venue en réponse à la proposition de Michel Barnier, répercutée lors de la rencontre avec les journalistes. “Cette dynamique - le partenariat euro-méditerranéen - nécessite une solution politique au problème du Sahara Occidental agréé par les parties en conflit et dans le cadre de l’ONU.
Mais, cette solution passe d’abord par un dialogue direct entre Alger et Rabat”, a-t-il prôné en guise de préambule. Visiblement embarrassé par la mise au point de son hôte, l’envoyé du Palais de l’Élysée rectifiera quelque peu le tir à la fin de la conférence de presse en reconnaissant qu’effectivement “l’Algérie et le Maroc n’ont pas besoin de tutelle pour dialoguer entre eux”. Il s’est contenté d’observer “une disponibilité au plus haut niveau, de part et d’autre pour continuer ce dialogue utile et fondamental” que la France “encourage”. “C’est comme ça que les choses progressent”, a préconisé Barnier. Apportant les preuves tangibles de cette évolution dans les relations entre les deux voisins maghrébins, le chef de la diplomatie algérienne évoque de nombreuses communications téléphoniques entre le président Bouteflika et le roi Mohamed VI. “Nous sommes prêts à aller le plus loin possible avec nos voisins marocains”, a-t-il suggéré. Dans la foulée, Belkhadem a annoncé la venue prochaine à Alger du Premier ministre marocain, Dris Djettou et du ministre de l’Intérieur. “Il est vital de développer nos relations avec le Maroc”, s’est-il encore laissé dire. Mais à ses yeux, la fin de la brouille ne doit en aucun cas dépendre d’une concession de l’Algérie sur la question du Sahara. “La création de l’UMA (Union du Maghreb arabe) n’a été précédée d’aucune conditionnalité. Il n’y a pas de raison de le faire maintenant”.
Or, actuellement, outre la France, le Maroc s’est doté d’un nouvel allié qui à son tour conditionne l’essor du partenariat entre les deux rives de la Méditerranée par la solution du problème sahraoui.
Ce pays se trouve être l’Espagne. Le nouveau gouvernement socialiste, sous la direction de Luis Rodrigez Zapatero appelle aussi à une négociation entre Alger et Rabat. Interpellé sur cette question, Barnier a préféré ne pas s’épancher. “L’Espagne comme l’Italie et la Grèce, tout comme les autres pays, ancrés dans la réalité méditerranéenne, vont ensemble avec les autres États de l’Union européenne, mutualiser leur action dans la région du Maghreb”, a-t-il tout juste affirmé.

Barnier occulte les atteintes contre les journalistes
“La presse algérienne est libre et diversifiée”
Michel Barnier a repris dans son intégralité le commentaire que Chirac avait fait sur la presse algérienne, lors de son dernier déplacement dans notre pays, au lendemain des élections présidentielles du 8 avril. “Je connais encore très mal votre pays. Je compte y revenir. Mais, j’ai compris ici que la presse est libre et diversifiée. J’ai eu l’occasion de lire des articles et des caricatures qui le prouvent”, a affirmé le ministre français des Affaires étrangères sur un ton très badin. Interpellé sur le sort des journalistes en prison, en l’occurrence le directeur du Matin, Mohamed Benchicou, et le correspondant Hafnaoui Ghoul, il a révélé que cette question a figuré dans ses discussions avec son homologue algérien. Cependant, cette détention ne semble pas l’avoir offusqué. L’hôte d’Alger s’est contenté de rappeler l’attachement de son pays à l’expression libre partout dans le monde.

Six ministres algériens à Paris
De son côté, la France envoie prochainement à Alger trois autres membres de l’équipe Raffarin.
Un chassé-croisé diplomatique intense est prévu dans les prochaines semaines entre Alger et Paris. Pas moins de six ministres algériens des départements de la justice, la santé, les travaux publics, les ressources en eau, l’énergie et l’habitat se rendront en Hexagone. En retour, trois membres de l’équipe Raffarin en charge des secteurs de l’intérieur, de l’éducation et de la culture sont attendus dans notre pays. Ils succéderont aux ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Économie et des Finances. Michel-Alliot Marie et Nicolas Sarkozy emboîteront le pas à leurs collègues du Quai d’Orsay, la première vendredi prochain et le second à la fin du mois en cours. Ce ballet inédit sera couronné par la visite qu’effectuera le président Abdelaziz Bouteflika à Toulon le 15 août à l’invitation de son homologue Jacques Chirac, à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire du débarquement. “Ce geste nous va droit au cœur”, a souligné le chef de la diplomatie de l’Hexagone, lors de sa conférence de presse. Michel Barnier compte jusqu’à présent, pas moins de 9 rencontres entre les deux chefs d’État et 16 visites ministérielles. “Les relations personnelles et amicales” entre Bouteflika et Chirac inspirent d’après lui “le nouvel élan” dans les rapports entre les deux pays. Plus que des professions de foi, “ ce partenariat d’éxeption” est une réalité, a estimé le ministre français. “Nous venons de signer quatre accords qui montrent qu’il ne s’agit pas seulement de mots mais d’actes qui engagent nos administrations”, a-t-il explicité. Le contenu de ces accords est cependant loin de correspondre à la portée de l’investissement annoncé par la France en Algérie. En effet, outre la création d’une école supérieure des affaires à Alger, les autres contrats sont liés à des domaines d’importance secondaire, comme l’archéologie. Apparemment, il faudra attendre une année encore avant de voir se matérialiser l’engagement de Paris. C’est en 2005 qu’il sera procédé à la signature du Traité d’amitié entre les deux pays. Il portera sur “la coopération bilatérale, la dimension euro-méditerranéenne de nos relations, le travail de mémoire qui est engagé, en même temps que sur les questions de défense et de sécurité”, a précisé l’orateur et de renchérir : “Le gouvernement de mon pays est mobilisé à travers l’engagement personnel de ses ministres.”

Par Samia Lokmane, Liberté