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Said Sadi : “La Kabylie va voter”

samedi 27 mars 2004, par nassim

“J’en suis parfaitement satisfait. Il y a une écoute et une grande mobilisation. J’anticipe peut-être mais je crois que la mobilisation à l’élection sera importante”. Saïd Sadi, candidat du RCD, est un homme heureux. La Kabylie qui l’a vu naître, cette région qualifiée de “rebelle” devant l’éternelle, celle enfin appréhendée par beaucoup ces dernières années, a fini par lui renouveler sa fidélité.

L’espace d’un week-end de campagne, Béjaïa comme Bouira ont renoué avec le climat qui a fait la réputation de la région. Un espace d’idée et d’engagement en faveur des idéaux démocratiques. Et ceux qui spéculaient sur d’éventuelles perturbations en auront eu pour leurs frais. Ce jeudi au stade de Benalouache de Béjaïa, le candidat Saïd Sadi a réussi un pari fou : redonner à la chose politique ses droits de cité mais aussi réussir une mobilisation sans commune mesure.

En dépit d’un ciel menaçant et des rumeurs colportées de bouche à oreille sur d’éventuelles dérapages, la foule des grands jours était au rendez-vous. “J’avoue que j’avais peur de venir mais finalement je ne regrette pas. Je ne m’attendais pas à tout ce beau monde”, reconnaît plus tard cette enseignante. Un accueil en fanfare et Sadi a eu du mal à rejoindre la tribune tant on se bousculait pour l’approcher.

Même le service d’organisation éprouvait toutes les peines du monde pour contenir l’enthousiasme de la foule. “Il est temps que cette région retrouve ses droits. La prétention c’est mauvais et la peur, c’est mauvais”, lance d’emblée Sadi depuis la tribune. Dans un kabyle parfait, il titille l’ego de la population et convoque l’histoire pour la circonstance. “Cette région a donné le meilleur d’elle-même. Elle a payé un lourd tribut pour la démocratie et la liberté. Déjà en 1963, le FFS y a perdu près de 400 martyrs”, rappelle-t-il sous un tonnerre d’applaudissements. “Et si aujourd’hui, ajoute-t-il, beaucoup parlent de démocratie et de langue, il faut reconnaître que ça n’est pas tombé du ciel. C’est le fruit d’un combat que nous avons nous-mêmes aussi mené depuis 1980”. “C’est grâce à Lambèse et Berrouaghia”, ajoute-t-il encore.

Les deux célèbres prisons où le candidat républicain y avait été emprisonné dans les années 1980. Si ces moments forts de l’histoire de son combat en faveur des idéaux démocratiques et de la lutte de la Kabylie sont exhumés, c’est parce que Sadi entendait répondre à ses détracteurs mais aussi “solder des comptes” avec ceux des diverses sphères politiques qui appellent au boycott. “Ils veulent nous voir rester toujours dans les prisons ou dans la rue. Ils nous disent : vous êtes bien dans l’opposition mais pour le vote, boycottez s’il vous plaît. Moi je leur dis : vous êtes indignes de l’Algérie de demain. On ne peut pas demander à la Kabylie de se sacrifier éternellement. Il est temps qu’elle récolte les fruits de son combat”. “À ceux qui disent la Kabylie est belle et rebelle, nous leur répondons qu’elle est belle et fidèle et qu’elle votera”. Il n’en fallait pas plus pour susciter des acclamations à tout rompre aux cris de “Sadi président”.

Les “chats d’Ouyahia”
À ce moment-là trois individus, vite éconduits, tentent de semer le trouble parmi la foule. “Voilà les chats d’Ouyahia qui veulent faire plier la Kabylie”, désigne du doigt le leader du RCD. Sadi qui confiait déjà dans la matinée qu’il appréhendait “quelques provocations” saisit alors l’occasion pour tirer à boulets rouges sur ceux qui parmi les archs sont complices avec la paire Bouteflika et Ouyahia. “Ce sont ceux qui nous ont vendus en 1980 qui les manipulent aujourd’hui”, dit-il. Il ironise : “Ils ne nous disent pas d’où ils ramènent l’argent. Regardez la misère dans laquelle vit la région. Malgré ça ils nous disent qu’on va aller chez Ouyahia car il va nous donner la plate-forme d’El-Kseur.” “Non, poursuit Sadi, cette région n’a jamais été dupée, ce ne sont pas ces chats qui vont nous tromper”.

Pour lui autant les archs, entendre les dialoguistes, que Bouteflika travaillent pour le même objectif. “Ils mettraient dans le même pot”, dit-il dans une formule puisée du terroir. “Les provocateurs de Zerhouni sont une infime minorité. Ils ne feront pas la loi en Kabylie. On ne discute pas avec ceux qu’Ouyahia a envoyés pour semer le trouble”, dit-il encore en minimisant leur importance puisque, selon lui, “il ne reste que quelques individus”. S’il concède aux partis uniquement d’appeler au boycott, Sadi ne manque pas toutefois de s’interroger. “On voudrait bien qu’ils nous disent pour quels objectifs”. Mais il n’y avait pas que les archs qui en ont eu pour leur compte.

Il y a aussi ceux qu’il désigne sous le vocable d’observateurs. “Ils disent : il faut que la Kabylie bouge pour que le reste de l’Algérie bouge. Je leur dis faites bouger le reste de l’Algérie car la Kabylie a déjà fait beaucoup”. “Il faut qu’ils nous expliquent ce séparatisme électoral”, ajoute-t-il. Sadi est convaincu que seule la participation est à même de consacrer l’alternance. “Si on vote ça va changer”, estime-t-il. Autre motif d’optimisme, la transparence des élections. “L’armée a compris que le régime militaire n’a plus d’avenir”. “Je crois qu’elle ne veut plus assumer l’échec des politiques”, explique-t-il.
Il y a aussi la nécessité de faire partir l’actuel locataire d’El-Mouradia, un homme, ironise-t-il qui paye de l’argent pour être reçu dans les chancelleries occidentales. “Ça coûte cher la bise”. Sadi promet que si jamais il était élu “tamazight aurait sa place” et “que la régionalisation sera une réalité”. Comme toujours, en guise de conclusion, il met en garde contre les velléités de fraude. “Ce n’est pas les enfants qu’on fera sortir..”, dira-t-il dans une allusion lourde de sens.

Bouira ouvre ses bras
Comme subjuguée par le discours, la foule amassée dans le stade a improvisé une marche sur une centaine de mètres en scandant “Sadi président”. Déjà à son arrivée dans la matinée au marché des frères Ferdjellah, Sadi a eu droit à un accueil triomphal. Spontanément, une foule nombreuse s’est formée autour de lui et l’a accompagné tout le long du boulevard Amirouche jusqu’au siège du bureau régional du parti. Image symbolique lorsque reçu dans une bijouterie chez une vieille connaissance à lui, il reçoit un cadeau pour sa femme qui l’a accompagnée pour la circonstance. “Je n’ai pas l’habitude de parler de ma femme mais elle a lutté”, a-t-il avoué, sous des youyous qui fusaient des balcons environnants. Sur le chemin c’est un ancien officier de l’ALN, un certain Da L’mulud Amansouri qui vient à sa rencontre pour le serrer dans ses bras. “On est avec vous”, lui dit-il.

Au siège du BR, Sadi reçoit des délégués du mouvement citoyen dont d’anciens détenus et de nombreux militants et sympathisants. “On ne va pas pardonner le sang des martyrs”, promet le candidat qui ironise à propos des archs dialoguistes : “Faqou !”. Si à Béjaïa l’homme le plus heureux était sans doute le président de la campagne du candidat, en l’occurrence Djamel Ferdjellah, organisateur de la visite, à Bouira hier c’étaient les responsables du MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie), d’être séduits pas Sadi. Ils n’ont pas tardé à rendre public un communiqué dans lequel ils appellent au soutien de Sadi. Il faut dire aussi que Bouira, comme Béjaïa la veille, a réservé un accueil enthousiaste au candidat à l’élection du 8 avril prochain.

Le stade Bourouba-Saïd où le candidat a tenu le meeting a vibré pendant près d’une heure aux cris de “Sadi président”. Il y avait du monde, de la joie et des couleurs. Visiblement ravi par l’enthousiasme de la foule, Sadi agrémente comme de coutume son discours de formules caustiques dont lui seul connaît la recette et qui font souvent mouche. C’est ainsi qu’à propos du Président il dira : “Bouteflika a un seul problème : c’est avec Abdelaziz”.

À l’endroit de ceux qui appellent au boycott, il se contente seulement de rappeler que “la démocratie est le produit de notre combat”. Dans son laïus, il a repris pratiquement les mêmes thèmes développés jusque-là. Sadi, pris par le temps pour rejoindre Aïn Bessem et Sour El-Ghozlane, où de nombreux citoyens l’attendaient, à telle enseigne qu’il était contraint d’improviser des discours, a quitté difficilement Bouira. La raison : une foule immense a accompagné le cortège sur une longueur de près d’un kilomètre, ce qui gênait particulièrement l’avancée des voitures. C’est dire que ce week-end, la Kabylie a lancé un message fort éloquent au candidat : elle reconnaît toujours les siens dans les moments décisifs de l’histoire.

K. K.

Conférence de presse du président du RCD
“Je veux réhabiliter les traditions de lutte de la région”
Dans une conférence de presse animée, jeudi, à l’hôtel Chréa, à Béjaïa, à l’issue du meeting animée au stade Benalouache, Saïd Sadi a estimé positive la première semaine de campagne. “Je retiens trois choses : la première c’est que la jeunesse n’a pas les mêmes réactions qu’en 1995. Je n’ai pas rencontré de violence ; la deuxième : l’intox qui a prévalu avant la campagne et qui consistait à décourager l’opinion en tentant d’accréditer que l’élection est jouée est battu en brèche. Les citoyens commencent à comprendre qu’elle est ouverte et qu’on s’oriente vers une participation importante, s’agissant de la Kabylie, il me semble que les perturbations sur lesquelles a spéculé Bouteflika sont en train de s’essouffler”, a-t-il dit. Sur ce dernier point, Sadi n’a pas toutefois exclu d’autres provocations.

Selon Sadi, c’est une “fumisterie” que d’appeler au boycott en Kabylie et de soutenir d’autres candidats dans les autres régions. Interrogé sur les attaques systématiques contre Bouteflika, Sadi a expliqué “que le président a réussi l’un des plus grands échecs de l’Algérie de l’après-guerre”. Par ailleurs, il a révélé qu’un officier avait approché le président de campagne ferdjellah pour lui expliquer que ses services “ont déchiré les portraits du candidat par respect de la loi”. Certaines sources ont même ajouté que les services des impôts auraient fait pression sur les commerçants, ces derniers jours pour les amener à soutenir Bouteflika.

source : Liberté