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Saïd Sadi triomphe en Kabylie

samedi 3 avril 2004, par Hassiba

Saïd Sadi la voulait belle, elle a épousé le printemps. Saïd Sadi la voulait fidèle, les fils du majestueux Djurdjura l’ont entendu et ils étaient au rendez-vous. La Kabylie, cette région combattante, celle qui fait bouger l’Histoire, en dépit des moments d’incertitude, sait, en définitive, reconnaître les siens.

“Je crois que la Kabylie a toujours su réagir de la manière la plus adaptée lorsque la situation l’exige. La dérive mafieuse qu’ont tentée Ouyahia, Bouteflika et Zerhouni vient d’être enterrée. Personnellement, je savais la profondeur des luttes démocratiques dans cette région. Il s’agissait simplement de les honorer. Et c’est fait”. Saïd Sadi, candidat à l’élection présidentielle du 8 avril prochain, quelque peu ému, qui confie ces propos à Liberté au milieu d’une marée humaine qui déferlait sur le centre-ville dans une marche spontanée depuis le stade Oukil- Ramdane, se souviendra sans doute longtemps de ce vendredi à Tizi Ouzou. Il venait de réussir un double défi : réconcilier le “berceau de la démocratie” avec les traditions de lutte qui ont fait sa réputation et prouver, ce faisant, aux “apprentis sorciers” comme ils les désignent, que la “démocratie” ne s’accommode pas des discours de conjoncture et que la fidélité à Abane et Boudiaf doit se décliner à tous les temps. Bref, la région qui l’a vu grandir et lutter, celle où il a semé les graines du printemps de la démocratie, était, hier, telle qu’il la voulait : belle est fidèle, simplement. “Bouteflika veut la diviser, nous allons l’unir. Il veut allumer le feu, nous allons l’éteindre”, dit-il, solennel, devant une foule subjuguée, en plein centre de la ville.

Sadi venait, juste avant ces propos, de réussir ce qui s’apparentait à une véritable démonstration de force : une marche grandiose qui a drainé des dizaines, voire plus d’une centaine de milliers de personnes depuis le Stade Oukil-Ramdane, en passant par les rues Houari-Boumediene et Moh Saïd-Ouzzefoune. “Y en a marre de ce pouvoir”, “Bouteflika, Ouyahia, Houkouma Irhabia” et “Sadi Président”, scandait la foule devant la mine réjouie des commerçants qui ont gardé leurs échoppes ouvertes. Une marche pacifique, bariolée, où la joie le disputait aux couleurs du printemps.
Des femmes, des vieux, des jeunes et même des enfants, tous étaient là pour battre le pavé et rappeler que la Kabylie reste fière et orgueilleuse et qu’elle compte bien le demeurer. à l’ancien stade où il a animé un grand meeting quelques temps auparavant, Saïd Sadi, entouré de ses plus proches lieutenants, mais aussi de délégués des archs, des députés FLN dont le Dr Mohamadi et de M. Amarouche Mohand, responsable du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), évoluait sur un terrain conquis.

“De Imache... à Ferhat,...”
Dans un kabyle “mamerien” et face à une immense foule en délire, le candidat Sadi lance d’emblée : “si nous sommes ici, aujourd’hui, c’est grâce au combat de cette région. C’est ici que la démocratie a été semée et c’est ici qu’elle s’est épanouie”. Un combat, rappelle-t-il, mené “par Imache Ali et Amar Laimèche, par Amar Aït Hamouda et Benaï Ouali, par Krim Belkacem et Amirouche, par Abane Ramdane et Hocine Aït Ahmed, puis par Ferhat et Saïd Khellil, Lounaouci et Kamal Amzal”.

A l’évocation de ces figures de l’Histoire, toutes issues de la région, les centaines de milliers de personnes sont comme éblouies. Une aubaine pour Sadi pour rappeler certaines vérités. “Il est venu ici (Bouteflika, ndlr), il n’a même pas osé demander pardon. Lorsque je lui ai dit qu’il ne fallait pas accuser la Kabylie d’être manipulée par la "main de l’étranger" et qu’il fallait faire justice, il est parti assister à un séminaire sur le sida”, rappelle-t-il. “Il est parti alors qu’il a laissé le sida ici”, ironise-t-il encore. Et d’ajouter : “Pourquoi n’a-t-il pas parlé de Abane lorsque Ben Bella l’a insulté ?”. Entre l’architecte de la Révolution et le président-candidat, suggère Sadi, il y a une divergence de culture. “C’est Abane qui nous a éduqués. Lui, il unissait, Bouteflika, lui, détruit. Abane n’a pas fait la révolution par les complots”, dit-il. Comme dans tous ses précédents meetings, il démontre à l’assistance, arguments à l’appui, que le président-candidat n’a pas de bilan à faire valoir. “Je le défie de venir défendre son bilan à la télé. Il n’y a pas de politique étrangère avec une politique intérieure catastrophique”.

A ceux, allusion aux archs “dialoguistes” mais aussi à ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, il affirme que “le combat ne se monnaie pas”. “Ceux qui disent qu’il ne faut pas participer, nous leur disons fakou”, dit-il sous un tonnerre d’applaudissements. “Ils veulent marchander avec le sang des martyrs”. Sadi n’omet pas de rappeler que les vrais délégués, ceux qui ont rédigé la plate-forme d’El-Kseur, étaient à ses côtés au moment même où il s’adressait à la foule. “Ils sont là. Ce ne sont pas ceux qui sont dans les journaux”, dit-il en désignant les délégués qui étaient assis derrière lui. Il met en garde les aventuriers : “qu’ils se redressent, ou nous allons les redresser”. “Nous les avons devancés dans les prisons”, rappelle-t-il.

Mais Sadi est convaincu que la dérive mafieuse de “Ouyahia, Bouteflika et Zerhouni ne passera pas”. C’est pourquoi il appelle à une participation massive, car, aujourd’hui, explique-t-il : “nous sommes dans une ère de primauté du politique sur le militaire comme l’a voulu Abane”. “Il y a trop d’injustice sur la région de Krim, Mira et Amirouche. Béjaïa et Tizi Ouzou ont trop souffert”, insiste-t-il. “Il est temps d’imposer le changement. Et je vous promets que si nous restons ensemble, nous allons consacrer le message de la Soummam le 8 avril prochain”. à propos du scrutin, il affirme : “qu’il n’y a pas de vote utile”, mais qu’il y a un “vote citoyen”. Car, ajoute-t-il, “l’intégrisme est fini, le problème c’est le régime”. En guise de conclusion, il rassure et promet : “n’ayez pas peur, le message de Abane sera à El-Mouradia”. Un vœu auquel la foule répond : “Hier Berrouaghia, demain El-Mouradia”. Sadi demande alors à la foule de le suivre dans une marche sur la ville.
Assurément, la Kabylie a su, hier, se réconcilier avec elle-même. Et quoi de mieux, pour fêter un tel événement, que la voix du défunt rebelle Matoub Lounès qui, du reste, était présent à travers ses chansons diffusées, peu avant le meeting, dans le stade Oukil-Ramdane où il aimait tant se produire ?

K. K., Liberté