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Une partie de l’Algérie en panne

jeudi 1er juillet 2004, par Hassiba

Savez-vous que les chantiers de développement économique d’un bon nombre de nos wilayas sont à l’arrêt où plutôt non encore lancés ?

Ce n’est malheureusement pas une affabulation de journaliste mais une vérité assenée par un cadre de l’État. Plusieurs régions du pays n’ont toujours pas obtenu les crédits d’équipement nécessaires au lancement de nouveaux projets de développement. Motif ? Les autorités financières du pays n’ont pas jugé utile de notifier ces crédits aux responsables des wilayas pour pouvoir les injecter dans la concrétisation des programmes socioéconomiques. Cette information, qui aurait eu l’effet d’un scandale en d’autres cieux, a été confiée à Liberté par un cadre du secteur des finances, qui en a visiblement gros sur le cœur face à une telle gabegie. Il faut savoir, en effet, que le président Bouteflika avait lancé en 2001 un ambitieux programme triennal en vue de relancer l’économie nationale en y injectant une cagnotte de près de 720 milliards de dinars, rien que pour l’équipement.

Si les deux premières tranches ont été notifiées et même consommées sans histoire, la dernière tarde toujours à renflouer les caisses des wilayas dont les exécutifs attendent désespérément que cet argent soit “libéré” pour financer les nombreux nouveaux projets qui devaient réduire un tant soit peu les souffrances des populations. En vain. Pourtant, la dernière tranche en question a été inscrite dans la loi de finances de 2004 sur deux volets. L’un consacré aux programmes complémentaires, c’est-à-dire destinés à financer les chantiers en cours de réalisation, et l’autre concerne les programmes “neufs” qui devaient être lancés à compter de janvier dernier. Mais, les mois passent sans qu’un rond ne soit versé dans les caisses de certaines wilayas contrairement à d’autres, précise encore notre source.

La “générosité” de l’État s’est manifestée uniquement pour les wilayas que le président de la République a visitées lors de sa tournée avant l’élection présidentielle. Abdelaziz Bouteflika a, en effet, distribué des enveloppes oscillant entre 4 et 5 milliards de dinars, en fonction des besoins exprimés dans les projets de développement mais aussi de la densité démographique. Pendant ce temps, d’autres wilayas qui n’ont pas reçu l’invité “providentiel” n’ont pas eu l’argent promis faute de notification. Alors que les nouveaux projets devaient être lancés au moins durant le premier trimestre de l’année en cours, les citoyens de ces régions attendent toujours que le ministère des Finances veuille bien leur envoyer les crédits d’équipement via cette fameuse notification qui tarde à venir.

Pourquoi ? Le mystère demeure entier tant aucune information n’a filtré sur le sort de cet argent qui revient pourtant de droit à ces wilayas. L’affaire est d’autant plus importante que le montant de cet argent en “rade” avoisine près de 40% des projets d’équipement. En d’autres termes, ce sont autant de programmes de développement qui s’en trouvent bloqués depuis six mois pour une obscure raison de notification. Il est à se demander qu’a-t-on fait de cet argent ? A-t-il été détourné ? Pourquoi a-t- on pénalisé certaines wilayas et graissé la patte à d’autres ? Autant de questions qui se posent au moment où l’on se gargarise à vanter les “prouesses” du Plan de relance économique dont les citoyens n’entrevoient pas les bienfaits, en témoigne cet état d’hibernation dont baigne une bonne partie de l’Algérie qui contraste terriblement avec une opulence jamais égalée de l’État.

Et le cycle infernal des émeutes qui éclatent un peu partout en Algérie pour un moindre problème donne en partie une explication sur la manière de gérer les deniers publics par certains responsables qui privent cruellement leurs concitoyens d’une bouffée d’oxygène que pourrait leur procurer la construction d’une usine, des logements ou simplement la réfection d’une route et l’assainissement du réseau d’alimentation en eau potable.
Voilà comment une sombre affaire de notification de crédits d’équipement pourrait mener à la révolte et à l’émeute pendant que les autorités s’échinent à traiter les citoyens ayant exprimé leur ras-le-bol de manipulateurs voire de danger à l’ordre public. Faut-il alors blâmer de jeunes manifestants quand ce sont les autorités qui alimentent leur désarroi ?

Par Hassan Moali, Liberté