par Abdelaziz Rahabi *
M.Rahabi nous a fait parvenir la contribution suivante.
Introduction
Dans la pure tradition d’une ère qu’on pensait révolue on a assisté le lendemain de l’adoption du projet de révision de la constitution à l’annonce de la découverte d’importants gisements de gaz dans les bassins d’Illizi et de Oued Mya et quelques jours auparavant on a convoqué séance tenante les symboles de la Révolution pour consacrer la mandature à vie. Il n’y a assurément pas meilleur raccourci pour faire porter Novembre, une valeur sûre et durable par une valeur volatile et fluctuante comme le gaz et résumer ainsi l'Algérie de la fin de 2008. En 15 jours le pays a été rattrapé par son histoire et sa géographie et les formes de l’adoption de la constitution actuelle renseignent sur la désinvolture des dirigeants à l'égard de leur peuple et des règles admises par la communauté des nations.
Les causes de la crise sont profondes et datent en partie du premier coup de force contre la Constituante et Ferhat Abbas en 1963 immédiatement suivi de la mise en scène dans la salle de cinéma le Majestic d’une constitution parallèle qui codifie le pouvoir personnel , interdit les libertés individuelles et collectives qui sont pourtant avec le système éducatif la matrice de tout apprentissage de la démocratie . La répression menée à l'Est d'Alger par Ben Bella anti kabyle primaire – cela doit avoir un rapport avec la qualité de ses relations avec Ait Ahmed pendant leur détention - a précipité en 1963 un parti politique national , le Front des forces socialistes ( ffs ) dans la résistance armée et privé l’Algérie de sa première opposition démocratique . De même que nos Ulémas instruits au rite malékite le plus tolérant et le plus réceptif à el ijtihad avaient été réduits au silence aux cérémonies de circoncision ou au mieux à l’introspection soufie.
La constitution proposée tardivement par Boumediene en 1976 avait été marquée par un large débat de clarification idéologique, en 1989 Bendjedid avait tenu compte des leçons des événements d’octobre 88. Alors la prosélytisme politique du F.I.S a , 30 ans plus tard , capitalisé ce passif pour le transformer en réceptacle dans lequel sont venues se cristalliser toutes les contradictions , les attentes frustrées , les ingérences étrangères mais surtout les ambitions de pouvoir les plus insensées.
La loi fondamentale 1996 qui vient d'être amendée représentait le produit de cette évolution et la synthèse de la pratique constitutionnelle antérieure dont elle avait tiré les enseignements de la crise de 1992. La limitation du nombre de mandats et le tiers bloquant du conseil de la nation en sont les innovations les plus marquantes. Avant d'être soumise au référendum elle avait satisfait aux critères du consensus en n'excluant personne des larges consultations politiques entre Zeroual les partis politiques et une société civile naissante suivies d’une dense concertation avec les institutions étatiques, organisations socio professionnelles , monde universitaire … Cette période avait initié les algériens à un vocabulaire nouveau en politique intérieure : dialogue, concertation, consultations.
L’histoire des constitutions – qui fait l’esprit des institutions – porte certes l’empreinte de la personnalité de chacun des chefs d’Etat , renseigne sur le rapport de forces du moment mais marque surtout le niveau d’évolution dans la formation du consensus national indicateur probant de l’apaisement dans les apports sociaux et de la maturité de la classe politique .
Le commandement de l’armée avait beaucoup de mal à convaincre Liamine Zeroual en 1996 d’adopter la formule de deux mandats de 5 ans car il était obstinément attaché à sa proposition initiale d’un mandat unique de 7 ans non rééligible comme au Mexique ( 6 ans ) . Le Ministère des Affaires étrangères, associé à cette opération en raison de sa vocation naturelle à mieux appréhender les réalités du monde avait soutenu l’avis de l’armée car la formule représentait et représente toujours la pratique internationale la plus dominante soit explicitement soit comme tradition à l'exclusion bien sûr du monde arabe et de Mugabe en Afrique.
Aujourd’hui le nouveau commandement de l’armée renie le principe de l’alternance qui aurait pu lui épargner des arbitrages politiques aussi récurrents qu’inutiles. Craint- il le syndrome de l’élection présidentielle de 2004 qui avait rompu la cohésion qui faisait la force du commandement pendant les années de crise politique et de violence terroriste ou bien pense t- il qu'une présidence ad vitam aeternam lui conférera plus d’autorité dans l’équilibre institutionnel, accélérera la modernisation de l ‘armée et lui garantira davantage de considération dans la société. Cette situation lui donne en fait l’illusion du pouvoir, lui fait jouer le rôle de fusible et l’expose au débat public contradictoire qui diffère le consensus national recherché par toutes les armées du monde. Chadli Bendjedid avait été le premier à saisir les risques susceptibles de miner la cohésion d’un commandement présent à tous les niveaux de la gestion du cycle des échéances électorales qui marque le rythme la vie de la nation.
Pour échapper à cette fatalité historique l’armée n’a pas d’autres choix que de rechercher les opportunités de synergie avec sa société et avec les exigences de professionnalisation et de modernisation indispensables à l'identification et la neutralisation des nouvelles menaces. Ce défi peut pourtant être relevé grâce à la qualité reconnue de ses ressources humaines aptes par ailleurs à soutenir comme celles du Portugal et de la Corée du sud une expérience algérienne de transition démocratique dont le rythme et la profondeur seront comme en Turquie déterminés par le consensus politique et la clarification des prérogatives. C'est à la société civile et politique de présenter un ''pacte de gouvernabilité '' au commandement de l'armée et non l’inverse si nous devions tenir compte des expériences de transition post guerre dans le monde. C’est aussi l’esprit et le lien organique qui rattacheront l’A.N.P au socle doctrinal de l’armée de Libération Nationale (A.L.N) qui a appelé à l'instauration d'une république démocratique et sociale , faute de quoi elle ne sera pas représentative de sa société et ressemblera , qu’à Dieu ne plaise , à n’importe quelle armée du Tiers monde .
La stabilité relève également des premières missions de protection de la constitution de toute armée mais elle ne peut être acquise sans l’engagement sans équivoque de son commandement en faveur de l’instauration d’ un Etat de droit seul garant d'institutions crédibles et d'une adhésion sincère des algériens. Or, il se développe une désaffection pour la chose publique qui explique en grande partie la faiblesse des taux réels de participation aux dernières législatives (moins de 15%) et communales (moins de 10%). Selon toute évidence la crainte de soumettre le projet de constitution au débat public et au référendum populaire dans les mêmes formes que celles de novembre 1996 dénote de ce défaut réciproque de confiance.
M.Rahabi nous a fait parvenir la contribution suivante.
Introduction
Dans la pure tradition d’une ère qu’on pensait révolue on a assisté le lendemain de l’adoption du projet de révision de la constitution à l’annonce de la découverte d’importants gisements de gaz dans les bassins d’Illizi et de Oued Mya et quelques jours auparavant on a convoqué séance tenante les symboles de la Révolution pour consacrer la mandature à vie. Il n’y a assurément pas meilleur raccourci pour faire porter Novembre, une valeur sûre et durable par une valeur volatile et fluctuante comme le gaz et résumer ainsi l'Algérie de la fin de 2008. En 15 jours le pays a été rattrapé par son histoire et sa géographie et les formes de l’adoption de la constitution actuelle renseignent sur la désinvolture des dirigeants à l'égard de leur peuple et des règles admises par la communauté des nations.
De la responsabilité des coups de force successifs dans la fragilisation des constitutions :
Pour rendre l’actualité compréhensible il est utile de se situer dans les chaines des temps pour réaliser que la tentation totalitaire n’est pas nouvelle en Algérie. De hauts responsables anciens et actuels, soucieux de conforter l’absence de contrôle sur leurs prérogatives, clament avec l’autorité que confère le dédain de sa propre souche que le peuple n’est pas mûr pour la démocratie. Ce même peuple qui, au demeurant, a libéré le pays et fait d’eux des dirigeants. Ils sont parfois relayés par des intellectuels qui empruntent leurs arguments au discours de l’anthropologie coloniale comme si le peuple algérien consentait uniquement à la tyrannie de ses propres enfants. Les mêmes expliquent aujourd’hui que la consécration du multipartisme par la volonté de la rue dans la constitution de 1989 est à l’origine de l’irruption de la violence terroriste. Rien de plus faux et de moins conforme à l’histoire du monde d'aujourd’hui dans lequel la liberté et la justice sont les garants naturels de la stabilité et la démocratie un mode de gestion privilégié des rapports dans une société . Les causes de la crise sont profondes et datent en partie du premier coup de force contre la Constituante et Ferhat Abbas en 1963 immédiatement suivi de la mise en scène dans la salle de cinéma le Majestic d’une constitution parallèle qui codifie le pouvoir personnel , interdit les libertés individuelles et collectives qui sont pourtant avec le système éducatif la matrice de tout apprentissage de la démocratie . La répression menée à l'Est d'Alger par Ben Bella anti kabyle primaire – cela doit avoir un rapport avec la qualité de ses relations avec Ait Ahmed pendant leur détention - a précipité en 1963 un parti politique national , le Front des forces socialistes ( ffs ) dans la résistance armée et privé l’Algérie de sa première opposition démocratique . De même que nos Ulémas instruits au rite malékite le plus tolérant et le plus réceptif à el ijtihad avaient été réduits au silence aux cérémonies de circoncision ou au mieux à l’introspection soufie.
La constitution proposée tardivement par Boumediene en 1976 avait été marquée par un large débat de clarification idéologique, en 1989 Bendjedid avait tenu compte des leçons des événements d’octobre 88. Alors la prosélytisme politique du F.I.S a , 30 ans plus tard , capitalisé ce passif pour le transformer en réceptacle dans lequel sont venues se cristalliser toutes les contradictions , les attentes frustrées , les ingérences étrangères mais surtout les ambitions de pouvoir les plus insensées.
La loi fondamentale 1996 qui vient d'être amendée représentait le produit de cette évolution et la synthèse de la pratique constitutionnelle antérieure dont elle avait tiré les enseignements de la crise de 1992. La limitation du nombre de mandats et le tiers bloquant du conseil de la nation en sont les innovations les plus marquantes. Avant d'être soumise au référendum elle avait satisfait aux critères du consensus en n'excluant personne des larges consultations politiques entre Zeroual les partis politiques et une société civile naissante suivies d’une dense concertation avec les institutions étatiques, organisations socio professionnelles , monde universitaire … Cette période avait initié les algériens à un vocabulaire nouveau en politique intérieure : dialogue, concertation, consultations.
L’histoire des constitutions – qui fait l’esprit des institutions – porte certes l’empreinte de la personnalité de chacun des chefs d’Etat , renseigne sur le rapport de forces du moment mais marque surtout le niveau d’évolution dans la formation du consensus national indicateur probant de l’apaisement dans les apports sociaux et de la maturité de la classe politique .
La présidence à vie favorise-t- elle la cohésion et la modernisation de l’armée ?
Faute de force politique interne réelle et organisée et d'un soutien international attendu - il faut bien plus que des discours pour avoir un poids diplomatique - et disqualifié par le 11 Septembre de son rôle d'arbitre dans la crise interne , le Président Bouteflika n'a pas eu d'autres choix que de s'appuyer sur le nouveau commandement de l ‘A.N.P jusqu' a encore faire sa principale force politique après l’avoir publiquement discréditée pour mieux se valoriser. Il n’avait pas besoin de le faire car en sa qualité de commandant suprême des forces armées, leur affaiblissement ne pouvait que conduire à sa fragilisation.Le commandement de l’armée avait beaucoup de mal à convaincre Liamine Zeroual en 1996 d’adopter la formule de deux mandats de 5 ans car il était obstinément attaché à sa proposition initiale d’un mandat unique de 7 ans non rééligible comme au Mexique ( 6 ans ) . Le Ministère des Affaires étrangères, associé à cette opération en raison de sa vocation naturelle à mieux appréhender les réalités du monde avait soutenu l’avis de l’armée car la formule représentait et représente toujours la pratique internationale la plus dominante soit explicitement soit comme tradition à l'exclusion bien sûr du monde arabe et de Mugabe en Afrique.
Aujourd’hui le nouveau commandement de l’armée renie le principe de l’alternance qui aurait pu lui épargner des arbitrages politiques aussi récurrents qu’inutiles. Craint- il le syndrome de l’élection présidentielle de 2004 qui avait rompu la cohésion qui faisait la force du commandement pendant les années de crise politique et de violence terroriste ou bien pense t- il qu'une présidence ad vitam aeternam lui conférera plus d’autorité dans l’équilibre institutionnel, accélérera la modernisation de l ‘armée et lui garantira davantage de considération dans la société. Cette situation lui donne en fait l’illusion du pouvoir, lui fait jouer le rôle de fusible et l’expose au débat public contradictoire qui diffère le consensus national recherché par toutes les armées du monde. Chadli Bendjedid avait été le premier à saisir les risques susceptibles de miner la cohésion d’un commandement présent à tous les niveaux de la gestion du cycle des échéances électorales qui marque le rythme la vie de la nation.
Pour échapper à cette fatalité historique l’armée n’a pas d’autres choix que de rechercher les opportunités de synergie avec sa société et avec les exigences de professionnalisation et de modernisation indispensables à l'identification et la neutralisation des nouvelles menaces. Ce défi peut pourtant être relevé grâce à la qualité reconnue de ses ressources humaines aptes par ailleurs à soutenir comme celles du Portugal et de la Corée du sud une expérience algérienne de transition démocratique dont le rythme et la profondeur seront comme en Turquie déterminés par le consensus politique et la clarification des prérogatives. C'est à la société civile et politique de présenter un ''pacte de gouvernabilité '' au commandement de l'armée et non l’inverse si nous devions tenir compte des expériences de transition post guerre dans le monde. C’est aussi l’esprit et le lien organique qui rattacheront l’A.N.P au socle doctrinal de l’armée de Libération Nationale (A.L.N) qui a appelé à l'instauration d'une république démocratique et sociale , faute de quoi elle ne sera pas représentative de sa société et ressemblera , qu’à Dieu ne plaise , à n’importe quelle armée du Tiers monde .
La stabilité relève également des premières missions de protection de la constitution de toute armée mais elle ne peut être acquise sans l’engagement sans équivoque de son commandement en faveur de l’instauration d’ un Etat de droit seul garant d'institutions crédibles et d'une adhésion sincère des algériens. Or, il se développe une désaffection pour la chose publique qui explique en grande partie la faiblesse des taux réels de participation aux dernières législatives (moins de 15%) et communales (moins de 10%). Selon toute évidence la crainte de soumettre le projet de constitution au débat public et au référendum populaire dans les mêmes formes que celles de novembre 1996 dénote de ce défaut réciproque de confiance.
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