Ali-Yahia Abdennour
Contribution au colloque de Genève sur les "Perspectives de changement politique en Algérie"
L’indépendance du pays a engendré des dirigeants qui ont confondu Etat, Nation et Société, socialisme et capitalisme d’Etat, socialisme national et national et socialisme, droit du peuple à disposer de lui-même, et droit de l’Etat à disposer du peuple. Les Algériens n’ont libéré leur pays, que pour se soumettre à une autre domination. Ce ne sont pas ceux qui se battent qui récoltent les lauriers, sauf à titre posthume. C’est le propre de toute révolution d’être détournée ou inachevée. Ceux qui n’arrivent pas à bloquer la locomotive prennent le train en marche.
Cinq Constitutions en 46 ans d’Indépendance
Le peuple algérien n’a pas le contrôle de son destin, subit la politique au lieu de la conduire. La vie politique est conçue avec un seul objectif, pérenniser le régime politique en place.
L’Algérie a eu de nombreuses constitutions, la 5eme avec celle qui vient d’être adoptée par le parlement, pour avoir leur respect et les règles de jeu qu’elles impliquent. Changer de constitution tous les 9 ou 10 ans, relève d’un excès qui n’honore pas la démocratie. Pour chaque nouveau président de la république, la constitution en vigueur est la cause première de tous les maux du pays. Il faut la changer, la réviser, l’amender. Les constitutions peu appliquées sont bafouées, révisées et usées avant d’avoir servi. Faut-il changer de peuple ou de dirigeants ?
Il y a violation de la constitution du 28 Novembre 1996, par le renforcement excessif du pouvoir personnel. Le sentiment d’être indispensable, irremplaçable, est inhérent à toute fonction d’autorité. Le président de la république n’a pas pris de distance avec l’ivresse du pouvoir, qui n’est pas une bonne conseillère, et n’a pas sur lui-même un regard extérieur. Il s’est assis sur les principes, car ils finissent toujours par céder. Le pouvoir qui a outrepassé son crédit politique, est maintenu au-delà de son utilité. Aucun ministre n’a démissionné, et aucun n’a été démissionné.
Le pouvoir s’incarne en un homme, qui a mis en hibernation toute forme de d’activité politique. L’Algérie est le pays d’un seul homme, son chef, monarque absolu, qui exerce un règne sans partage. Au fil des années le pouvoir s’est transformé en monarchie pour tout dominer, tout contrôler , tout régir, avec le concours de ses conseillers qui sont à son image et à sa dévotion, du gouvernement centre de gestion où siègent aux postes clefs ses inconditionnels, et de la haute administration tenue par ses fideles.
Un président de la république à la fois chef de l’exécutif, ministre de la défense, qui a fait du gouvernement l’annexe de la présidence, du parlement deux chambre d’enregistrement, de la justice son bras droit répressif, un outil à son service qui ne répond pas aux critères de la Constitution. La tendance à accumuler titres et fonctions, à s’octroyer des pouvoirs de plus en plus étendus, à intervenir dans tous les domaines de la vie publique, à nommer à tous les postes de responsabilité ses proches partisans, et à développer des rapports de type monarchique avec son entourage, le gouvernement et le parlement, n’est pas conforme à la constitution parlementaire dans sa lettre, mais présidentielle dans son esprit.
La nouvelle Constitution
Elle a entériné tous les pouvoirs que s’est approprié le président au cours de ses deux quinquennats, en contradiction de la constitution, et dans le silence si ce n’est l’approbation du Conseil Constitutionnel. La révision de la Constitution se traduit par l’octroi d’un pouvoir quasi absolu, inamovible, à vie au président. Elle fait de lui seul tout l’exécutif. Tout le pouvoir en osmose avec l’ultra libéralisme. Le présidentialisme, c’est l’édification du peuple avec celui qui le gouverne, le chemin assuré au renoncement des citoyens à exercer pleinement leurs droits.
La révision de la Constitution assure en droit une présidence à vie au président, qui ne veut pas de successeur de son vivant. Le parlement s’est enfoncé par ce vote dans un discrédit dont il aura du mal à se relever.
Lorsque l’histoire politique d’un homme est finie, quand son mandat légal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un nouveau chapitre : dix ans c’est assez, dix ans ça suffit.
« Changer de Constitution pour un seul homme, ne serait pas correct » a dit l’ancien président russe Wladimir Poutine.
Quel est le bilan des deux mandats du président ?
Une politique se juge à son efficacité, à ses résultats et non à ses intentions. Il faut démystifier le pouvoir, dénoncer les excès dont il est coutumier, analyser ses fautes et ses erreurs, ses causes et ses conséquences. Le peuple doit connaître l’état réel du pays. La crise économique et sociale se répète, se prolonge, s’en chaîne, s’amplifie et s’aggrave, la coupe est pleine, c’est le ras le bol, le pays bouge, se fracture, craque de partout, et la rue est le dernier recours lorsque toutes les possibilités de se faire entendre sont épuisées. L’Algérie est l’exemple d’une profonde injustice sociale : paupérisation de la population jusqu'à l’indigence, délitement du tissu social et familial, effondrement du système de santé.
La sécurité humaine concerne la pauvreté, la faiblesse du système d’éducation, et le manque de liberté. La politique néoconservatrice, ultralibérale du pouvoir ne peut qu’aboutir à une société duale, verticalement divisée, entre d’une part les nantis qui vivent bien, et d’autre part la majorité de la population, les chômeurs, les travailleurs, les retraités, les couches moyennes laminées, exaspérés par les conditions de vie qui leurs sont réservées, la régression brutale de leur niveau de vie. Il n’ya que deux formules de solidarité, le partage de la pauvreté, ou celui de la prospérité.
La corruption qui sévit à tous les niveaux et dans tous les domaines, est devenue un style de vie et de gouvernement. Tant que ce cancer ne sera pas vaincu, la santé morale du peuple est menacée.
La levée de l’état d’urgence en vigueur depuis plus de 16 ans, conditionne la libération du champ politique et médiatique, ainsi que l’exercice des libertés individuelles et collectives. La paix qui est le sens de notre réflexion et de notre action doit être traitée sous le seul angle qui n’a pas été abordé, celui de sa dimension politique et non sécuritaire. Ce n’est pas pour le moment la voie choisie mais elle mérite d’être explorée. La présence des Kamikazes pose un problème qui va bouleverser dans un proche avenir toute la stratégie sécuritaire du pouvoir. Le GSPC présent et actif sur le terrain, a la capacité de se renouveler du fait que des adolescents, des jeunes et des moins jeunes frappent aux portes des maquis.
L’occident, particulièrement l’Union Européenne, dit à nos dirigeants comme à ceux des pays du Sud ; dirigez vos pays comme il vous plait, en dictateurs, tirez sur la foule, torturez, emprisonnez, donnez vous à la corruption, truquez les élections comme il vous plait, interdisez ou restreignez les libertés syndicales, mais ouvrez vous largement aux investissements étrangers, et à la libre circulation des capitaux mais pas des hommes, et à la libre accumulation des profits.
Le président ne veut pas partir sur un échec, mais veut rester toute sa vie au pouvoir pour réaliser son programme quinquennal, Kaid Ahmed, ministre des finances et du plan après le coup d’Etat du 19 juin 1965 disait : le plan triennal sera réalisé, même dans 10 ans »
La souveraineté du dinar doit se traduire par l’arrêt de sa dégradation, le redressement de sa valeur, et par sa convertibilité. Le bon sens indique qu’une nation doit d’abord occuper réellement toutes les parties de son territoire, et cela signifie qu’elle doit les cultiver et les faire produire, car sa vraie richesse aussi bien que sa véritable santé, découle de ce qu’elle fait de sa terre et du rapport qu’elle a établi avec elle. L’autosuffisance alimentaire devient un objectif lointain, sinon hors d’atteinte.
La situation de l’Algérie à l’étranger s’affaiblit, et le premier objectif et de lui redonner sa place est son autorité, dans le monde.
Devant qui le président est responsable, et quelles sont les limites de son pouvoir ?
L’armée est aux commandes du pays, entend bien le rester, et n’a pas l’intention de renoncer à son statut de détentrice du pouvoir réel. Les coups d’Etat par les armes ou par les urnes, sont dans sa tradition. La philosophie du système politique en place, est que le président de la république choisi par les décideurs de l’armée, puis élu par un vote qui n’est qu’une simple formalité de confirmation, est placé durant son mandat sous leur haute surveillance, afin qu’il ne dévie pas de la mission qu’ils lui ont assignée, et qu’il ne lui reste plus selon la formule consacrée qu’à se soumettre ou se démettre.
Porté au pouvoir par les décideurs de l’armée, le président A.Bouteflika a fait des déclarations à géométrie variable, a dit dans la même forme une chose et son contraire. Il affirme son autonomie de décision par rapport au pouvoir réel, refuse d’être son otage et son exécutant. Y’a-t-il des divergences stratégiques au sommet de l’Etat ? Enfermer le pays dans un corset de fer, serait une erreur vite payée, par l’éclatement de l’armature elle-même.
Contribution au colloque de Genève sur les "Perspectives de changement politique en Algérie"
L’indépendance du pays a engendré des dirigeants qui ont confondu Etat, Nation et Société, socialisme et capitalisme d’Etat, socialisme national et national et socialisme, droit du peuple à disposer de lui-même, et droit de l’Etat à disposer du peuple. Les Algériens n’ont libéré leur pays, que pour se soumettre à une autre domination. Ce ne sont pas ceux qui se battent qui récoltent les lauriers, sauf à titre posthume. C’est le propre de toute révolution d’être détournée ou inachevée. Ceux qui n’arrivent pas à bloquer la locomotive prennent le train en marche.
Cinq Constitutions en 46 ans d’Indépendance
Le peuple algérien n’a pas le contrôle de son destin, subit la politique au lieu de la conduire. La vie politique est conçue avec un seul objectif, pérenniser le régime politique en place.
L’Algérie a eu de nombreuses constitutions, la 5eme avec celle qui vient d’être adoptée par le parlement, pour avoir leur respect et les règles de jeu qu’elles impliquent. Changer de constitution tous les 9 ou 10 ans, relève d’un excès qui n’honore pas la démocratie. Pour chaque nouveau président de la république, la constitution en vigueur est la cause première de tous les maux du pays. Il faut la changer, la réviser, l’amender. Les constitutions peu appliquées sont bafouées, révisées et usées avant d’avoir servi. Faut-il changer de peuple ou de dirigeants ?
Il y a violation de la constitution du 28 Novembre 1996, par le renforcement excessif du pouvoir personnel. Le sentiment d’être indispensable, irremplaçable, est inhérent à toute fonction d’autorité. Le président de la république n’a pas pris de distance avec l’ivresse du pouvoir, qui n’est pas une bonne conseillère, et n’a pas sur lui-même un regard extérieur. Il s’est assis sur les principes, car ils finissent toujours par céder. Le pouvoir qui a outrepassé son crédit politique, est maintenu au-delà de son utilité. Aucun ministre n’a démissionné, et aucun n’a été démissionné.
Le pouvoir s’incarne en un homme, qui a mis en hibernation toute forme de d’activité politique. L’Algérie est le pays d’un seul homme, son chef, monarque absolu, qui exerce un règne sans partage. Au fil des années le pouvoir s’est transformé en monarchie pour tout dominer, tout contrôler , tout régir, avec le concours de ses conseillers qui sont à son image et à sa dévotion, du gouvernement centre de gestion où siègent aux postes clefs ses inconditionnels, et de la haute administration tenue par ses fideles.
Un président de la république à la fois chef de l’exécutif, ministre de la défense, qui a fait du gouvernement l’annexe de la présidence, du parlement deux chambre d’enregistrement, de la justice son bras droit répressif, un outil à son service qui ne répond pas aux critères de la Constitution. La tendance à accumuler titres et fonctions, à s’octroyer des pouvoirs de plus en plus étendus, à intervenir dans tous les domaines de la vie publique, à nommer à tous les postes de responsabilité ses proches partisans, et à développer des rapports de type monarchique avec son entourage, le gouvernement et le parlement, n’est pas conforme à la constitution parlementaire dans sa lettre, mais présidentielle dans son esprit.
La nouvelle Constitution
Elle a entériné tous les pouvoirs que s’est approprié le président au cours de ses deux quinquennats, en contradiction de la constitution, et dans le silence si ce n’est l’approbation du Conseil Constitutionnel. La révision de la Constitution se traduit par l’octroi d’un pouvoir quasi absolu, inamovible, à vie au président. Elle fait de lui seul tout l’exécutif. Tout le pouvoir en osmose avec l’ultra libéralisme. Le présidentialisme, c’est l’édification du peuple avec celui qui le gouverne, le chemin assuré au renoncement des citoyens à exercer pleinement leurs droits.
La révision de la Constitution assure en droit une présidence à vie au président, qui ne veut pas de successeur de son vivant. Le parlement s’est enfoncé par ce vote dans un discrédit dont il aura du mal à se relever.
Lorsque l’histoire politique d’un homme est finie, quand son mandat légal se termine, il ne faut pas forcer le destin en ajoutant un nouveau chapitre : dix ans c’est assez, dix ans ça suffit.
« Changer de Constitution pour un seul homme, ne serait pas correct » a dit l’ancien président russe Wladimir Poutine.
Quel est le bilan des deux mandats du président ?
Une politique se juge à son efficacité, à ses résultats et non à ses intentions. Il faut démystifier le pouvoir, dénoncer les excès dont il est coutumier, analyser ses fautes et ses erreurs, ses causes et ses conséquences. Le peuple doit connaître l’état réel du pays. La crise économique et sociale se répète, se prolonge, s’en chaîne, s’amplifie et s’aggrave, la coupe est pleine, c’est le ras le bol, le pays bouge, se fracture, craque de partout, et la rue est le dernier recours lorsque toutes les possibilités de se faire entendre sont épuisées. L’Algérie est l’exemple d’une profonde injustice sociale : paupérisation de la population jusqu'à l’indigence, délitement du tissu social et familial, effondrement du système de santé.
La sécurité humaine concerne la pauvreté, la faiblesse du système d’éducation, et le manque de liberté. La politique néoconservatrice, ultralibérale du pouvoir ne peut qu’aboutir à une société duale, verticalement divisée, entre d’une part les nantis qui vivent bien, et d’autre part la majorité de la population, les chômeurs, les travailleurs, les retraités, les couches moyennes laminées, exaspérés par les conditions de vie qui leurs sont réservées, la régression brutale de leur niveau de vie. Il n’ya que deux formules de solidarité, le partage de la pauvreté, ou celui de la prospérité.
La corruption qui sévit à tous les niveaux et dans tous les domaines, est devenue un style de vie et de gouvernement. Tant que ce cancer ne sera pas vaincu, la santé morale du peuple est menacée.
La levée de l’état d’urgence en vigueur depuis plus de 16 ans, conditionne la libération du champ politique et médiatique, ainsi que l’exercice des libertés individuelles et collectives. La paix qui est le sens de notre réflexion et de notre action doit être traitée sous le seul angle qui n’a pas été abordé, celui de sa dimension politique et non sécuritaire. Ce n’est pas pour le moment la voie choisie mais elle mérite d’être explorée. La présence des Kamikazes pose un problème qui va bouleverser dans un proche avenir toute la stratégie sécuritaire du pouvoir. Le GSPC présent et actif sur le terrain, a la capacité de se renouveler du fait que des adolescents, des jeunes et des moins jeunes frappent aux portes des maquis.
L’occident, particulièrement l’Union Européenne, dit à nos dirigeants comme à ceux des pays du Sud ; dirigez vos pays comme il vous plait, en dictateurs, tirez sur la foule, torturez, emprisonnez, donnez vous à la corruption, truquez les élections comme il vous plait, interdisez ou restreignez les libertés syndicales, mais ouvrez vous largement aux investissements étrangers, et à la libre circulation des capitaux mais pas des hommes, et à la libre accumulation des profits.
Le président ne veut pas partir sur un échec, mais veut rester toute sa vie au pouvoir pour réaliser son programme quinquennal, Kaid Ahmed, ministre des finances et du plan après le coup d’Etat du 19 juin 1965 disait : le plan triennal sera réalisé, même dans 10 ans »
La souveraineté du dinar doit se traduire par l’arrêt de sa dégradation, le redressement de sa valeur, et par sa convertibilité. Le bon sens indique qu’une nation doit d’abord occuper réellement toutes les parties de son territoire, et cela signifie qu’elle doit les cultiver et les faire produire, car sa vraie richesse aussi bien que sa véritable santé, découle de ce qu’elle fait de sa terre et du rapport qu’elle a établi avec elle. L’autosuffisance alimentaire devient un objectif lointain, sinon hors d’atteinte.
La situation de l’Algérie à l’étranger s’affaiblit, et le premier objectif et de lui redonner sa place est son autorité, dans le monde.
Devant qui le président est responsable, et quelles sont les limites de son pouvoir ?
L’armée est aux commandes du pays, entend bien le rester, et n’a pas l’intention de renoncer à son statut de détentrice du pouvoir réel. Les coups d’Etat par les armes ou par les urnes, sont dans sa tradition. La philosophie du système politique en place, est que le président de la république choisi par les décideurs de l’armée, puis élu par un vote qui n’est qu’une simple formalité de confirmation, est placé durant son mandat sous leur haute surveillance, afin qu’il ne dévie pas de la mission qu’ils lui ont assignée, et qu’il ne lui reste plus selon la formule consacrée qu’à se soumettre ou se démettre.
Porté au pouvoir par les décideurs de l’armée, le président A.Bouteflika a fait des déclarations à géométrie variable, a dit dans la même forme une chose et son contraire. Il affirme son autonomie de décision par rapport au pouvoir réel, refuse d’être son otage et son exécutant. Y’a-t-il des divergences stratégiques au sommet de l’Etat ? Enfermer le pays dans un corset de fer, serait une erreur vite payée, par l’éclatement de l’armature elle-même.
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