Par Arezki AÏT-LARBI*
Vingt ans après la tragédie d’octobre 88 qui a avorté d’une démocratie en trompe l’oeil, le pays s’enfonce dans une inéluctable régression vers l’inconnu. Au mépris des lois de la République et des Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie qui garantissent la liberté de conscience, des magistrats dopés à l’intolérance des « tawabits » fascisantes continuent de sévir au gré de leurs fantasmes. En toute impunité. Après la persécution des chrétiens de Tiaret, c’est un juge de Biskra qui vient de se distinguer en prononçant de lourdes peines de prison contre des citoyens arrêtés « en possession de denrées alimentaires qu’ils consommaient en plein jour » durant le ramadan. Pour stopper le tollé médiatique dénonçant le scandale, une cour d’appel expresse a été chargée, dans une inhabituelle précipitation, d’acquitter les « mécréants ».
Ces nouvelles agressions contre les libertés qui surviennent dans un climat politique et social délétère ne sont pas fortuites. Alors que de larges couches populaires continuent de tirer le diable par la queue, les initiés sont obsédés par les jeux du sérail et l’avenir professionnel du chef de l’Etat. Malgré les pathétiques plaidoyers d’opposants minoritaires pour relever les bas salaires qui stagnent dans la précarité, les parlementaires de la « sainte alliance » ont opposé un infranchissable barrage au nom de la rigueur dans la gestion des deniers publics. Avant d’aller à la soupe et voter, dans un synchrone mouvement d’ensemble, l’ordonnance portant leurs indemnités à 30 fois le Salaire minimum garanti.
Après avoir abdiqué ses prérogatives constitutionnelles, le parlement a accepté l’humiliation de sa mise à plat ventre par un exécutif arrogant qui tient la laisse et la mangeoire. Il est bien loin le temps de la dignité, lorsque, pour se démarquer de la dictature en marche, Ferhat Abbas démissionnait du perchoir de l’Assemblée avant d’être assigné à résidence. Aujourd’hui, la scène est occupée par des concubines de harem se déhanchant dans de sordides danses du ventre, pour accéder au rang de favorite dans la couche du sultan. Pitoyable descente aux enfers d’un pays, dont le combat héroïque a sombré dans un grotesque processus de perversion qui, selon le constat d’un historien, a transformé « un mouvement libérateur, et même pour une part libertaire, en une autocratie totalitaire et répressive, dopée au culte de la personnalité ».
La vie publique étant réduite à des allégeances claniques et à des complicités tribales, la loi du milieu a fini par se substituer à celles de la République. La rapine généralisée, érigée en jurisprudence, est révélée par cette monstruosité juridique et morale perpétrée par le premier magistrat du pays qui, au lieu d’opposer le Code pénal à ceux qui ont attenté aux biens publics, supplie les chefs de la maffia de « faire preuve de patriotisme, en réinvestissant le produit de leur larcin dans l’économie nationale » !
Pour restaurer une hypothétique paix civile, cette mansuétude à l’égard des délinquants de la cour et de l’arrière-cour a été étendue aux terroristes intégristes qui, au nom de Dieu, avaient tenté d’éradiquer tous ceux qui refusaient de se soumettre aux commandements d’une idéologie totalitaire, répressive et régressive. Dès son retour aux affaires, en avril 1999, le président Bouteflika résumait son programme par un pittoresque défilé de mode : « réconcilier le qamis de Abassi avec la mini jupe de Khalida! ». Une perfide posture de casque bleu entre « les extrêmes islamistes » et les « extrêmes laïques » pour rétablir l’équilibre du régime, comme si des hordes de majorettes hystériques avaient, elles aussi, organisé des « tournantes » sur d’innocents salafistes.
Une décennie plus tard, il faut se rendre à l’évidence. Avec l’impunité accordée aux criminels de tous bords qui n’ont pas émis le moindre signe de repentance, la « réconciliation nationale » n’est, en fin de compte, qu’une reddition de l’Etat de droit, un pied de nez à la Justice et une prime à la violence qui continue de susciter des vocations morbides. Pour conjurer les opérations sanguinaires de Abdelmalek Droukdel, on oppose désormais les fatwas de son prédécesseur, Hassan Hattab, comme une nouvelle stratégie antiterroriste. On adopte ainsi la logique d’une idéologie liberticide, en feignant de combattre les moins présentables de ses manifestations.
Cette redistribution des cartes a révélé des connivences inattendues. Même ceux qui, le 11 janvier 1992, avaient juré de « protéger la démocratie » en freinant les effets pervers du suffrage universel, n’ont réussi en fin de compte qu’à sauvegarder leurs privilèges et fructifier leur fortune. Seize ans après leur « redressement républicain », l’on assiste à ce misérable spectacle d’un ancien ministre de la Défense, ce « sauveur de la République » qui justifiait jadis les pires dérapages par les impératifs de la lutte contre le fascisme vert, et qui est réduit, aujourd’hui, à exhiber des certificats médicaux pour convaincre un ex émir du GIA qu’il a bien quitté le pouvoir !
« Fuyez le pays où un seul homme exerce tous les pouvoirs, c’est un pays d’esclaves ! »
Simon Bolivar.
Simon Bolivar.
Vingt ans après la tragédie d’octobre 88 qui a avorté d’une démocratie en trompe l’oeil, le pays s’enfonce dans une inéluctable régression vers l’inconnu. Au mépris des lois de la République et des Pactes internationaux ratifiés par l’Algérie qui garantissent la liberté de conscience, des magistrats dopés à l’intolérance des « tawabits » fascisantes continuent de sévir au gré de leurs fantasmes. En toute impunité. Après la persécution des chrétiens de Tiaret, c’est un juge de Biskra qui vient de se distinguer en prononçant de lourdes peines de prison contre des citoyens arrêtés « en possession de denrées alimentaires qu’ils consommaient en plein jour » durant le ramadan. Pour stopper le tollé médiatique dénonçant le scandale, une cour d’appel expresse a été chargée, dans une inhabituelle précipitation, d’acquitter les « mécréants ».
Ces nouvelles agressions contre les libertés qui surviennent dans un climat politique et social délétère ne sont pas fortuites. Alors que de larges couches populaires continuent de tirer le diable par la queue, les initiés sont obsédés par les jeux du sérail et l’avenir professionnel du chef de l’Etat. Malgré les pathétiques plaidoyers d’opposants minoritaires pour relever les bas salaires qui stagnent dans la précarité, les parlementaires de la « sainte alliance » ont opposé un infranchissable barrage au nom de la rigueur dans la gestion des deniers publics. Avant d’aller à la soupe et voter, dans un synchrone mouvement d’ensemble, l’ordonnance portant leurs indemnités à 30 fois le Salaire minimum garanti.
Après avoir abdiqué ses prérogatives constitutionnelles, le parlement a accepté l’humiliation de sa mise à plat ventre par un exécutif arrogant qui tient la laisse et la mangeoire. Il est bien loin le temps de la dignité, lorsque, pour se démarquer de la dictature en marche, Ferhat Abbas démissionnait du perchoir de l’Assemblée avant d’être assigné à résidence. Aujourd’hui, la scène est occupée par des concubines de harem se déhanchant dans de sordides danses du ventre, pour accéder au rang de favorite dans la couche du sultan. Pitoyable descente aux enfers d’un pays, dont le combat héroïque a sombré dans un grotesque processus de perversion qui, selon le constat d’un historien, a transformé « un mouvement libérateur, et même pour une part libertaire, en une autocratie totalitaire et répressive, dopée au culte de la personnalité ».
Connivences inattendues
La vie publique étant réduite à des allégeances claniques et à des complicités tribales, la loi du milieu a fini par se substituer à celles de la République. La rapine généralisée, érigée en jurisprudence, est révélée par cette monstruosité juridique et morale perpétrée par le premier magistrat du pays qui, au lieu d’opposer le Code pénal à ceux qui ont attenté aux biens publics, supplie les chefs de la maffia de « faire preuve de patriotisme, en réinvestissant le produit de leur larcin dans l’économie nationale » !
Pour restaurer une hypothétique paix civile, cette mansuétude à l’égard des délinquants de la cour et de l’arrière-cour a été étendue aux terroristes intégristes qui, au nom de Dieu, avaient tenté d’éradiquer tous ceux qui refusaient de se soumettre aux commandements d’une idéologie totalitaire, répressive et régressive. Dès son retour aux affaires, en avril 1999, le président Bouteflika résumait son programme par un pittoresque défilé de mode : « réconcilier le qamis de Abassi avec la mini jupe de Khalida! ». Une perfide posture de casque bleu entre « les extrêmes islamistes » et les « extrêmes laïques » pour rétablir l’équilibre du régime, comme si des hordes de majorettes hystériques avaient, elles aussi, organisé des « tournantes » sur d’innocents salafistes.
Une décennie plus tard, il faut se rendre à l’évidence. Avec l’impunité accordée aux criminels de tous bords qui n’ont pas émis le moindre signe de repentance, la « réconciliation nationale » n’est, en fin de compte, qu’une reddition de l’Etat de droit, un pied de nez à la Justice et une prime à la violence qui continue de susciter des vocations morbides. Pour conjurer les opérations sanguinaires de Abdelmalek Droukdel, on oppose désormais les fatwas de son prédécesseur, Hassan Hattab, comme une nouvelle stratégie antiterroriste. On adopte ainsi la logique d’une idéologie liberticide, en feignant de combattre les moins présentables de ses manifestations.
Cette redistribution des cartes a révélé des connivences inattendues. Même ceux qui, le 11 janvier 1992, avaient juré de « protéger la démocratie » en freinant les effets pervers du suffrage universel, n’ont réussi en fin de compte qu’à sauvegarder leurs privilèges et fructifier leur fortune. Seize ans après leur « redressement républicain », l’on assiste à ce misérable spectacle d’un ancien ministre de la Défense, ce « sauveur de la République » qui justifiait jadis les pires dérapages par les impératifs de la lutte contre le fascisme vert, et qui est réduit, aujourd’hui, à exhiber des certificats médicaux pour convaincre un ex émir du GIA qu’il a bien quitté le pouvoir !
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