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L’absurde acharnement judiciaire d’un citoyen algérien en France

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  • L’absurde acharnement judiciaire d’un citoyen algérien en France

    Abdelhamid Hakkar condamné de façon incompréhensible à la prison à perpétuité malgré les aveux d’un détenu

    L’affaire dite Abdelhamid Hakkar a valu à la France des blâmes du Conseil de l’Europe pour son refus d’accorder un nouveau procès équitable. Cet enfant de Khenchela a subi 12 années d’isolement et 45 transferts depuis 1984, dont les deux tiers totalement injustifiés. En 2007, Jack Lang a sollicité l’intervention du président Bouteflika auprès de Jacques Chirac pour mettre un terme au calvaire de ce prisonnier.

    Vingt-quatre ans de cachot pour un crime qu’il n’aurait pas commis. Abdelhamid Hakkar, un Algérien de 53 ans, vient de passer presque la moitié de son existence derrière les barreaux. Et ce n’est pas encore terminé. Le destin et le combat à la fois particuliers et tragiques de cet homme pour retrouver sa liberté sont mis sous les feux de la rampe depuis plus d’une décennie. Les médias français et européens ne cessent d’en parler, étalant au grand jour le récit ou le scandale, c’est selon, d’un condamné à l’absurde. A Besançon, où il vivait avec sa famille, l’affaire est connue de longue date. Le 31 août 1984, Abdelhamid Hakkar participe à un hold-up à Auxerre (Yonne). L’opération qui devait lui assurer des lendemains meilleurs tourne au vinaigre. Un policier est tué et un autre blessé. Le cambriolage a été commis avec neuf autres hommes, tous des Français.

    Le procès de l’absent

    Lors de l’enquête, Abdelhamid Hakkar reconnaît avoir été complice du vol mais assure n’avoir pas été l’auteur du coup de feu fatal au policier. C’est là où commence une affaire truffée d’ingrédients kafkaïens. Une affaire qui a bousculé la justice française et qui a en même temps fait avancer le droit. Pour mieux illustrer le « cas » Abdelhamid Hakkar, puisqu’il en est un, un retour sur l’historique de ce procès pas comme les autres s’impose. En 1989, après cinq ans de détention préventive et l’épuisement de 12 juges d’instruction, Hakkar passe à la barre. Le procès se déroule un 4 décembre sans la présence de son avocat, retenu par une autre affaire. Hakkar rejette les juristes commis d’office au motif qu’ils ne connaissent pas son dossier. Mais le tribunal refuse de reporter l’affaire. Hakkar choisit donc de ne pas comparaître. Il est ainsi condamné par la cour d’assises de l’Yonne à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une mesure de sûreté de 18 ans pour « meurtre, tentative de meurtre, vol avec port d’arme et vol avec violence ». Sans son avocat et sans sa présence ! Les autres accusés, quant à eux, ont écopé de 10 ans de prison ferme. Hakkar se pourvoit en cassation, mais la juridiction suprême rejette sa demande le 5 décembre 1990 au motif qu’il est impératif d’assurer la continuité du fonctionnement de la justice. Comme si le report du procès avait perturbé le bon fonctionnement du tribunal. Hakkar reste en prison, bouclant déjà 8 ans dans sa cellule, dont la plus grande partie passée en isolement. Cela alors que le dernier des accusés et complices est relâché en 1992. Perdant espoir en la justice française, Hakkar se retourne vers la cour européenne des droits de l’homme. Cette juridiction a pris son temps avant d’annoncer son verdict en faveur du plaignant. En effet, elle condamne en 1995 la France pour un procès inéquitable. Mais du côté de Paris, c’est le silence radio. Aucune réponse et aucun geste susceptible de réconforter le détenu et le réhabiliter dans son droit à un procès équitable. Deux années plus tard, grâce à son insistance auprès des instances européennes par le biais de ses nombreuses correspondances, Hakkar obtient également gain de cause auprès du comité des ministres du Conseil de l’Europe qui, de son côté, condamne à l’unanimité la France pour non-respect des droits de la défense. A cette condamnation, le comité des ministres du Conseil de l’Europe enjoint les autorités françaises de verser à Hakkar 62 000 francs français de dommages et intérêts et d’ouvrir à nouveau le dossier pour que ce dernier bénéficie d’un procès équitable. Paris se tait et refuse de répondre aux conventions du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Et le combat de Abdelhamid Hakkar n’aboutit toujours pas.

    Grèves de la faim

    Désespéré, il recourt à une autre forme de protestation, enchaînant des grèves de la faim cycliques qui portent atteinte à son état de santé. En 2000, l’affaire refait surface grâce à Erik Jurgens, sénateur des Pays-Bas et membre de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que Jack Lang, député PS. Choqués par le refus de la France d’appliquer le jugement européen, malgré la primauté du droit international sur le droit interne, ils saisissent, après avoir rencontré en prison M. Hakkar, le garde des Sceaux. « Au cours des quatre ans qui ont suivi la constatation d’une violation des droits de l’homme dans l’affaire Hakkar contre la France, les autorités françaises n’ont pris aucune mesure pour remédier à la situation de M. Hakkar. Il a désormais passé 16 ans en prison après avoir été condamné en son absence et sans avoir été assisté d’un avocat. On signale également que son état de santé physique et mentale se détériore », avait déclaré M. Jurgens après sa rencontre avec Abdelhamid Hakkar, le lundi 14 février 2000, dans la prison de Fresnes (France). « Mon objectif est d’obtenir des autorités françaises l’assurance que la décision prise par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe dans cette affaire soit exécutée dans un avenir très proche. Un Etat qui a violé une obligation internationale est tenu de mettre fin à cette violation, notamment en ce qui concerne la partie lésée et d’en faire disparaître les conséquences », avait souligné M. Jurgens. Contre toute attente, le vice-président du tribunal de Paris a estimé, le 21 avril 2000, que l’Etat français s’était rendu coupable d’une « voie de fait » à l’encontre d’un condamné. En même temps, d’autres députés français votent à l’unanimité un amendement défendu par Jack Lang et prévoyant que les condamnations de la France pour procès inéquitable entraînent de facto la possibilité d’un procès en révision. Mais cette modification qui permet du point de vue juridique de juger à nouveau Abdelhamid Hakkar est considérée tardive et insuffisante. Mais les défenseurs de la « cause Hakkar » ne lâchent pas du lest.

    L’affaire rejugée

    Après plusieurs années de lutte acharnée, il finit en 2003 par obtenir un nouveau procès, cette fois devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine qui n’a fait que confirmer le premier jugement. Verdict contre lequel il interjette appel. Durant sa longue détention, Hakkar a été condamné quatre fois pour des faits d’évasion, tentative ou aide à l’évasion. En 2004, il avait réussi à obtenir de la justice la suspension de sa mise à l’isolement en raison « de sa durée particulièrement longue » et de ses « effets psychologiques négatifs sur l’intéressé ». En 2006, il demande avec d’autres détenus condamnés à la perpétuité, les « 10 de Clairvaux », le rétablissement de la peine de mort, préférant « en finir une bonne fois pour toutes » plutôt que de « crever à petit feu ». Douze années d’isolement au total et 45 transferts depuis 1984, « dont les deux tiers totalement injustifiés ». Il devait sortir en septembre 2009. Mais voilà que l’échéance a été repoussée au 3 juin 2012. « S’il tient le coup, c’est parce qu’il n’était pas seul à lutter contre cette injustice », nous confie son avocat en Algérie, Naâmane Daghbouche, qui dénonce plusieurs dépassements dont est victime son mandant. Le dernier en date est l’enregistrement des communications téléphoniques entre lui et Hakkar.

    Ecoutes téléphoniques

    « J’étais étonné le 15 novembre d’apprendre que mes discussions téléphoniques avec mon client étaient enregistrées, outrepassant la convention des Nations unies garantissant le secret des correspondances entre l’avocat et son client », déplore-t-il. M. Daghbouche, qui mène des actions de sensibilisation auprès de la classe politique et des autorités algériennes sur cette affaire, affirme avoir adressé une lettre à la fois au président de la République, au président de l’APN ainsi qu’à celui du Sénat, leur demandant d’intervenir pour mettre fin au calvaire de cet Algérien, originaire de Khenchela, qui a perdu sa jeunesse en prison. Jack Lang a sollicité l’intervention du président Bouteflika en mars 2007 auprès du président français pour libérer Hakkar, affirmant dans sa lettre que ce détenu a fait l’objet « d’un acharnement judiciaire ». D’autres organisations de défense des droits de l’homme continuent à réclamer justice pour Hakkar. Parmi eux, les syndicats des avocats et celui des magistrats français. M. Daghbouche dit subir des menaces de personnes inconnues lui demandant de renoncer à son travail sur cette affaire s’il ne veut pas finir comme son prédécesseur, maître Nabil Bouaâli, assassiné, en 1990, à Alger. Mais cet avocat qui travaille avec Jacques Vergès sur cette affaire semble bien plus déterminé que de telles menaces le poussent à renoncer à lutter pour une « cause juste », nous confie-t-il. Ainsi, l’affaire Hakkar est bien loin d’être terminée.

    El Watan
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