Les révélations de Chadli
par A. Ouêlaâ
Malgré son étendue, l’amphithéâtre du centre universitaire d’El-Tarf s’est avéré exigu pour contenir l’assistance nombreuse venue prendre part à la 1re rencontre sur la base de l’Est où pêle-mêle se retrouvaient des responsables locaux dont le wali, les maires et autres élus ainsi que le S/G de l’organisation des Moudjahidines et l’ex-président de la République, Chadli Bendjedid auquel un accueil chaleureux a été réservé.
Si les intervenants ont été succincts dans leurs interventions à l’image de Saïd Abadou qui a évoqué le rôle de la base de l’Est durant la guerre de Libération, en tant que lieu de transit des vivres et de l’armement, celle de Chadli Bendjedid aura été la plus longue, plus de deux heures.
Composée essentiellement de la famille révolutionnaire, l’assistance a écouté avec attention l’intervention de celui qui a été président de la République pendant douze ans.
A propos de la création de la base de l’Est Chadli dira: «il est temps de dire quelques vérités. La base de l’Est est née à la suite de dissensions et d’une crise des fidayine de la zone de Souk Ahras avec le CCE (Comité de coordination et d’exécution du FLN avant le congrès de la Soummam). Nous étions taxés de perturbateurs et cela aurait pu nous porter préjudice et même nous coûter une condamnation à mort. Amara Bouglez a alors contacté Krim Belkacem qui a envoyé Amar Ouamrane. La réunion a eu lieu en Tunisie. La base de l’Est a toujours été en conflit avec les «3B» (Krim Belkacem, Bentoubal, Abdehafid Boussouf). Et d’ajouter: «ce n’est pas le CCE qui commandait la Révolution, ce sont les «3B». La direction de la Révolution a toujours été divisée à cause des conflits internes, des dissensions, des rivalités des dirigeants pour des intérêts étroits, pour la responsabilité. Je dis qu’il faut en parler et en témoigner. Les rivalités entre les chefs ont mené à des crises très graves qui ont mis en danger le cours de la Révolution».
Chadli cite des cas où ces rivalités entre chefs ont manqué de provoquer un affrontement entre les fédayine de la base de l’Est et l’armée tunisienne. «Ils ont même fomenté un complot contre Bourguiba pour le remplacer par Salah Benyoucef». Les conflits avec le CCE étaient tels «qu’ils nous ont envoyé des conseillers militaires de la «promotion Lacoste» pour nous espionner». Les tensions étaient telles que le CEE a rencontré des difficultés avec les 3 zones de la base de l’Est pour contrer les projets des lignes Challe et Morice. Il y avait une défiance des uns à l’égard des autres. Ceci va mener à une crise profonde qui sera le motif de «la rencontre des commandants» avec Boumediène.
Chadli va ainsi, de témoignages en anecdotes, passer en revue plusieurs épisodes de la guerre de Libération, en soulignant que les rivalités étaient omniprésentes et contribuaient au cours donné à la Révolution jusqu’à la réunion de Tripoli, de juin 1962. Il dira à ce sujet: «j’étais d’accord pour le coup de force militaire car les rivalités, les appétits, les conflits entre les chefs étaient si forts que j’étais convaincu que seule la force pouvait apporter le répit et je l’ai dit à Boumediène. A ce propos, je tiens à rendre hommage ici à Mohand Oulhadj qui a oeuvré, en grand patriote, pour réduire la confrontation». «Le premier président devait être Boudiaf qui sortait de prison, Ben Bella était hésitant», ajoute Chadli.
«Je jure que ce que je rapporte est la vérité car ces faits je les ai vécus et ne m’ont pas été rapportés. J’appelle les historiens à être neutres et objectifs pour que personne ne puisse se prévaloir d’une légitimité aux dépends de ses frères de combat, surtout ceux tombés au champ d’honneur. Je jure que durant toute cette période, je n’ai jamais cherché à être chef. Toutes les responsabilités que j’ai exercées m’ont été imposées».
«Sur son lit de mort en Russie, Boumediène a délégué une personne dont je ne citerai pas le nom pour me dire «Chadli doit me remplacer à la tête de l’Etat», mais ce délégué est allé voir d’autres personnes avant de venir m’apporter le message. En ma qualité de membre du Conseil de la Révolution et chef de la 2e Région militaire, je n’ai jamais dit aux militaires de me porter à la présidence mais il est vrai qu’ils ont dit vous avez le choix entre Chadli et Bendjedid»
Concernant Ben-Bella, il dira qu’il n’avait pas le souci d’écrire l’histoire telle qu’elle devait être écrite. Il rapporte l’histoire de Larbi Berredjem qui, en faisant remarquer à Ben-Bella la nécessité d’écrire l’histoire pour les générations futures s’est vu rabroué et répondre «les générations futures n’ont pas besoin de l’histoire».
Concernant l’affaire Chaâbani, Chadli dira: «nous avons tout fait pour que le président (Ben Bella) revienne sur sa décision de l’exécuter et nous n’avons pas compris l’acharnement et l’empressement pour le mettre à mort».
«Je n’ai pas parlé depuis que j’ai quitté le pouvoir et je n’ai pas répondu à toutes les accusations et mensonges qu’on a racontés. Je trouve que le moment est venu de dire certaines choses pour rétablir la vérité mais aussi pour l’histoire».
Continuant ces révélations, il dira: «Tahar est un ami. Je l’ai connu bien avant de connaître Boumédiène. Je lui ai dit que je n’utiliserai pas la force et je n’ai envoyé que les «bazoukistes» contre ses chars. C’est un ami mais Zbiri, à la tête de l’Etat, aurait été un désastre».
Et Chadli Bendjedid de conclure: «à la veille d’octobre 88, au bout de 12 ans à la présidence, je suis arrivé à la conclusion que le régime était condamné à disparaître et les réformes que j’ai annoncées ont soulevé des résistances dans le sérail. Je voulais aller vers un régime parlementaire. Depuis on fait le serment sur le Coran de respecter la constitution et on fait autre chose. Je ne suis pas de ceux là!!!
En marge de la rencontre le S/G de l’ONM dira à la presse que les Algériens ne sont pas concernés par les indemnisations prévues par la France concernant les essais nucléaires de Reggane ou les mines. Les indemnisations iront aux soldats français et aux Algériens enrôlés dans leur armée.
Quotidien d'Oran
par A. Ouêlaâ
Malgré son étendue, l’amphithéâtre du centre universitaire d’El-Tarf s’est avéré exigu pour contenir l’assistance nombreuse venue prendre part à la 1re rencontre sur la base de l’Est où pêle-mêle se retrouvaient des responsables locaux dont le wali, les maires et autres élus ainsi que le S/G de l’organisation des Moudjahidines et l’ex-président de la République, Chadli Bendjedid auquel un accueil chaleureux a été réservé.
Si les intervenants ont été succincts dans leurs interventions à l’image de Saïd Abadou qui a évoqué le rôle de la base de l’Est durant la guerre de Libération, en tant que lieu de transit des vivres et de l’armement, celle de Chadli Bendjedid aura été la plus longue, plus de deux heures.
Composée essentiellement de la famille révolutionnaire, l’assistance a écouté avec attention l’intervention de celui qui a été président de la République pendant douze ans.
A propos de la création de la base de l’Est Chadli dira: «il est temps de dire quelques vérités. La base de l’Est est née à la suite de dissensions et d’une crise des fidayine de la zone de Souk Ahras avec le CCE (Comité de coordination et d’exécution du FLN avant le congrès de la Soummam). Nous étions taxés de perturbateurs et cela aurait pu nous porter préjudice et même nous coûter une condamnation à mort. Amara Bouglez a alors contacté Krim Belkacem qui a envoyé Amar Ouamrane. La réunion a eu lieu en Tunisie. La base de l’Est a toujours été en conflit avec les «3B» (Krim Belkacem, Bentoubal, Abdehafid Boussouf). Et d’ajouter: «ce n’est pas le CCE qui commandait la Révolution, ce sont les «3B». La direction de la Révolution a toujours été divisée à cause des conflits internes, des dissensions, des rivalités des dirigeants pour des intérêts étroits, pour la responsabilité. Je dis qu’il faut en parler et en témoigner. Les rivalités entre les chefs ont mené à des crises très graves qui ont mis en danger le cours de la Révolution».
Chadli cite des cas où ces rivalités entre chefs ont manqué de provoquer un affrontement entre les fédayine de la base de l’Est et l’armée tunisienne. «Ils ont même fomenté un complot contre Bourguiba pour le remplacer par Salah Benyoucef». Les conflits avec le CCE étaient tels «qu’ils nous ont envoyé des conseillers militaires de la «promotion Lacoste» pour nous espionner». Les tensions étaient telles que le CEE a rencontré des difficultés avec les 3 zones de la base de l’Est pour contrer les projets des lignes Challe et Morice. Il y avait une défiance des uns à l’égard des autres. Ceci va mener à une crise profonde qui sera le motif de «la rencontre des commandants» avec Boumediène.
Chadli va ainsi, de témoignages en anecdotes, passer en revue plusieurs épisodes de la guerre de Libération, en soulignant que les rivalités étaient omniprésentes et contribuaient au cours donné à la Révolution jusqu’à la réunion de Tripoli, de juin 1962. Il dira à ce sujet: «j’étais d’accord pour le coup de force militaire car les rivalités, les appétits, les conflits entre les chefs étaient si forts que j’étais convaincu que seule la force pouvait apporter le répit et je l’ai dit à Boumediène. A ce propos, je tiens à rendre hommage ici à Mohand Oulhadj qui a oeuvré, en grand patriote, pour réduire la confrontation». «Le premier président devait être Boudiaf qui sortait de prison, Ben Bella était hésitant», ajoute Chadli.
«Je jure que ce que je rapporte est la vérité car ces faits je les ai vécus et ne m’ont pas été rapportés. J’appelle les historiens à être neutres et objectifs pour que personne ne puisse se prévaloir d’une légitimité aux dépends de ses frères de combat, surtout ceux tombés au champ d’honneur. Je jure que durant toute cette période, je n’ai jamais cherché à être chef. Toutes les responsabilités que j’ai exercées m’ont été imposées».
«Sur son lit de mort en Russie, Boumediène a délégué une personne dont je ne citerai pas le nom pour me dire «Chadli doit me remplacer à la tête de l’Etat», mais ce délégué est allé voir d’autres personnes avant de venir m’apporter le message. En ma qualité de membre du Conseil de la Révolution et chef de la 2e Région militaire, je n’ai jamais dit aux militaires de me porter à la présidence mais il est vrai qu’ils ont dit vous avez le choix entre Chadli et Bendjedid»
Concernant Ben-Bella, il dira qu’il n’avait pas le souci d’écrire l’histoire telle qu’elle devait être écrite. Il rapporte l’histoire de Larbi Berredjem qui, en faisant remarquer à Ben-Bella la nécessité d’écrire l’histoire pour les générations futures s’est vu rabroué et répondre «les générations futures n’ont pas besoin de l’histoire».
Concernant l’affaire Chaâbani, Chadli dira: «nous avons tout fait pour que le président (Ben Bella) revienne sur sa décision de l’exécuter et nous n’avons pas compris l’acharnement et l’empressement pour le mettre à mort».
«Je n’ai pas parlé depuis que j’ai quitté le pouvoir et je n’ai pas répondu à toutes les accusations et mensonges qu’on a racontés. Je trouve que le moment est venu de dire certaines choses pour rétablir la vérité mais aussi pour l’histoire».
Continuant ces révélations, il dira: «Tahar est un ami. Je l’ai connu bien avant de connaître Boumédiène. Je lui ai dit que je n’utiliserai pas la force et je n’ai envoyé que les «bazoukistes» contre ses chars. C’est un ami mais Zbiri, à la tête de l’Etat, aurait été un désastre».
Et Chadli Bendjedid de conclure: «à la veille d’octobre 88, au bout de 12 ans à la présidence, je suis arrivé à la conclusion que le régime était condamné à disparaître et les réformes que j’ai annoncées ont soulevé des résistances dans le sérail. Je voulais aller vers un régime parlementaire. Depuis on fait le serment sur le Coran de respecter la constitution et on fait autre chose. Je ne suis pas de ceux là!!!
En marge de la rencontre le S/G de l’ONM dira à la presse que les Algériens ne sont pas concernés par les indemnisations prévues par la France concernant les essais nucléaires de Reggane ou les mines. Les indemnisations iront aux soldats français et aux Algériens enrôlés dans leur armée.
Quotidien d'Oran
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