Bac : un seul pays, une seule erreur
par Kamel Daoud
par Kamel Daoud

Quelques inspecteurs ? Une main étrangère bilingue ? Des fraudeurs de présidentielles qui se trompent d'urnes et croient qu'on peut faire de même pour le Bac comme pour Bouteflika ? Une opposition interne au ministre sans fin ? Non. Tout cela ne suffit pas. Les erreurs répitita dans les sujets du Bac sont un effet domino facilement décryptable par la chronologie de la nation. Un homme a commis une erreur quelque part en haut de l'histoire algérienne et sa conséquence est là, dans un effet faute de frappe en boucle ascendante.
Parce qu'en termes de logique mécanique, une erreur ne vient jamais seule, mais avec toute sa famille, ses parents, ses fabricants et tous les auteurs qui l'ont commise depuis bien des générations. Dans un pays qui ne sait pas fabriquer des trottoirs et des maisons comme ses ancêtres de la préhistoire, on ne peut pas s'attendre à autre chose que des erreurs et des Chinois. L'erreur du Bac a été commise en chaîne dans tous les secteurs : du choix des Présidents, des autoroutes, des fournisseurs en matraques à celui du socialisme ou du papier buvard. Pour les sceptiques nationaux, c'est un seul Bac 62-09, avec une seule erreur de frappe, ou pas. Selon ce jugement extrême, ne cherchez pas l'erreur, vous finirez par vous retrouver vous-même. Un étrange paradoxe socratique, à base de soupirs et de coeur qui n'a pas ce qu'il désire. Les erreurs dans les sujets du Bac n'étant qu'une sorte d'illustration d'une sorte de mal national. Une langue disparaît avec trop de fautes d'orthographe, un pays s'efface avec le même nombre d'erreurs dans ses épreuves initiatiques. On s'imagine l'épopée d'Ulysse avec un arc en plastique servi par ses dieux incapables.
Bien sûr, avec la nouvelle édition des erreurs 2009, personne ne sera pendu sauf l'avenir. Personne ne payera à lui tout seul une faute commise par tous. Personne ne démissionnera parce que personne n'aime la faim et la mort. Une erreur n'est pas une faute et une faute n'est pas un crime et un crime n'est pas irréversible. Dans un pays gratuit, rien ne se paye, en règle générale.
Le Quotidien d'Oran .