Des espaces de la capitale, particulièrement ceux situés le long des voies de passage des cortèges officiels, font perpétuellement l’objet de travaux d’aménagement et d’embellissement alors qu’une majorité des quartiers populaires sont abandonnés à la saleté, la dégradation et au dénuement.
Au nom de la «protection» d’une image de marque largement écornée, des fonctionnaires spécialistes hors pair de l’illusion, persistent à vouloir donner de la ville d’Alger le visage idyllique d’une capitale moderne, attrayante, où il fait bon vivre.
Il s’agit là comme d’une sorte de seconde nature s’inspirant de cette prédisposition qu’ont certains nationaux à soigner les apparences plutôt qu’à assumer ce qu’ils sont réellement.
Comme c’est le cas chaque fois à l’occasion d’évènements exceptionnels, (cette fois il va s’agir du déroulement du deuxième Festival panafricain), des armées d’ouvriers sont remobilisés pour réparer tout ce qui a été laissé à l’abandon au cours des périodes écoulées.
Une fois de plus, on se remet à re-badigeonner certaines constructions, les bordures de trottoirs et jusqu’aux troncs d’arbres, à réparer des parties détériorées de la chaussée, à réfectionner les trottoirs, à repeindre les lampadaires et à débarrasser tout ce qui est susceptible de choquer le regard des invités.
Une énième fois, des parties d’Alger se transforment subitement en autant de chantiers durant lesquels on s’emploie, dans l’urgence, à faire dans le tape-à-l’œil plutôt qu’à entretenir sérieusement ce qui doit l’être avec l’idée de le faire durer.
Qu’ils arrivent par mer ou par air lorsqu’ils abordent cette cité au riche passé historique, les visiteurs étrangers qui la décou-vrent pour la première fois, comme les nationaux qui la retrouvent après des années d’absence, sont frappés par la beauté de ses nombreuses constructions style 19e siècle flanquées de motifs baroques ainsi que de ses immeubles et villas modernes aux lignes fines et élancées épousant les formes onduleuses des collines sur lesquelles ils ont proliféré au fil des années.
En parcourant Alger du front de mer et des grandes avenues, ils sont étonnés de déambuler dans des voies bien entretenues, de rencontrer de nom-breux parcs à la végétation exubérante et des plans d’eau d’où l’eau jaillit en jets continus.
En se rendant vers les Palais des Raïs, modèles de la riche architecture mauresque, une escale incontournable qu’on manque rarement de faire visiter aux hôtes officiels de l’Algérie, ils ont le loisir d’apercevoir tout le long de leur itinéraire, des constructions aux façades d’un blanc immaculé.
Lorsqu’ils parviennent près de leur destination finale, ils sont accueillis par de mythiques chevaux de mer aux allures sauvages, se déployant au milieu d’un vaste bassin aux eaux bleutées.
Plus tard, en remontant vers les hauteurs de la ville où se situent les riches quartiers résidentiels, ils auront aussi l’occasion en passant par la Place Addis Abeba, de remarquer de vastes et riches plates- bandes plantées d’une orgie de fleurs variées aux tons multicolores.
Parvenant aux nombreux promontoires dominant la ville, ils découvriront, étalé à leurs pieds, l’époustouflant panorama d’une capitale donnant l’impression de faire corps avec la mer, face à l’une des plus belles baies dans le monde après celle de Rio de Janeiro et de Naples.
L’abandon et la décrépitude
Mais pour peu que parmi ces visiteurs il y ait ceux qui sont un tant soit peu curieux et qui cherchent à se perdre hors des circuits officiels, c’est une tout autre réalité qui leur est alors donnée à voir et que certains habitants de la capitale ignorent peut-être entièrement.
Il ne faut pas aller loin pour cela. Pour avoir une idée de l’état d’abandon et de décrépitude dans lesquels sont laissés certains endroits de la ville par rapport à d’autres, il faut juste remonter une centaine de mètres, la rue Valentin partant de la Place Audin.
Jonché d’une forte quantité de détritus et de gravats, avec ses maisons aux façades fortement détériorées et son sol dégradé, ce quartier discret semble n’avoir jamais reçu la visite des édiles de la ville.
Que l’on se déplace dans les quartiers de Bab El-Oued, de La haute et basse Casbah, que l’on pénètre dans le quartier de Laâquiba à Belcourt, le regard vient imparablement buter sur les mêmes spectacles de désolation et de décrépitude. Partout s’offrent à la vue des rues au bitume érodé ou déformé sur lequel ruissellent parfois des eaux usées, des amas d’immondices sur lesquels flottent des relents nauséabonds.
Du côté ouest de la capitale, en remontant à travers les quartiers de la Beaucheraye, de Mont Plaisant ou du Beau fraisier, se révèlent plusieurs espaces squattés par des habitations précaires d’où émergent, spectacle insolite, des quantités de paraboles et où l’hygiène et la salubrité sont totalement ignorées.
La route tortueuse reliant le carrefour du Triolet pour s’en aller déboucher sur Bouzaréah est crevassée sur plusieurs endroits, rendant la circulation des véhicules automobiles des plus mal aisées.
Sur le flanc ouest, au-dessus des habitations de Diar Echems, dont les habitants avaient violemment manifesté leur colère pour protester contre leurs mauvaises conditions de logement, en contrebas de la carrière Jaubert d’agrégats, est situé un amoncellement compact de plus d’une centaine de constructions réalisées à l’aide de matériaux les plus divers et toutes couvertes de poussière à côté desquelles les favelas brésiliennes et les célèbres et insalubres townships des périphéries des villes sud- africaines ressembleraient à des résidences fastueuses. Ceux qui habitent dans ces lieux sont pour la majorité des travailleurs de la carrière.
La Cité des Palmiers au nom si trompeur
Mais c’est sans nul doute au niveau du quartier de la Glacière, situé sur la partie est d’Hussein Dey que l’on perçoit le mieux l’état de total abandon et de misère sociale dans lequel ont été laissés par les pouvoirs publics des groupes importants de la population algéroise.
C’est à cet endroit que par deux fois, au cours des années 1970, se sont déclarés deux épidémies successives de choléra. Pour autant, les conditions d’hygiène y sont toujours des plus déplorables. Quand on emprunte à partir de l’avenue de Tripoli, la rue de l’oued remontant jusqu’au quartier de Bachdjarah, on a la nette impression d’avoir débarqué sur une autre planète.
Dans des habitations construites de façon anarchique, les habitants des lieux sont contraints de supporter une promiscuité et une saleté difficilement descriptibles.
Mais c’est un peu plus haut, au niveau de la Cité des Palmiers au nom évocateur mais combien trompeur, que le spectacle est plus saisissant, plus horrible à voir aussi. Les logements qui composent les immeubles de cette cité ressemblent, en raison de leur extrême exiguïté, à autant de trous à rats.
Plusieurs des ces constructions présentent des façades fortement enfoncées comme si elles avaient été l’objet d’un bombardement. Les détritus, faute d’avoir été enlevés, se sont transformés en autant de collines où viennent se repaître toutes sortes de vermines.
Ne pouvant souffrir une situation aussi dégradante, certains des habitants ont pris le risque d’ériger de petites masures en parpaing au bas de ces immeubles insalubres offrant paradoxalement de meilleures conditions d’habitat que les logements situés dans ces amas d’immeubles.
La capitale, (est-il indispensable de le préciser ?), est une entité à part entière dont les habitants ne sauraient être l’objet de statuts différents.
En d’autres termes, il n’est pas admissible que l’on puisse accorder de la considération à certains nationaux au prétexte qu’ils résident dans des quartiers dits huppés et que l’on puisse continuer à ignorer les seconds parce qu’ils ont la malchance d’habiter dans des quartiers populeux. Chaque Algérien a légitimement droit à un traitement qui ne lèse ni son bien-être ni sa dignité.
Or, ce que donnent à voir certaines zones de la ville par rapport à d’autres laisse clairement penser qu’il existerait une sorte de distinction, on oserait même le terme ségrégation, qui favorise les uns au détriment des autres.
Du constat dressé après les visites effectuées à l’intérieur de certaines parties de la capitale, il ressort clairement que les budgets consentis par l’Etat pour donner à celle-ci un aspect autrement plus gratifiant, sont détournés pour ne servir finalement qu’à des opérations de prestige aux effets incertains, contestables tant dans leur fond que dans leur forme.
- Jour d Algerie
Au nom de la «protection» d’une image de marque largement écornée, des fonctionnaires spécialistes hors pair de l’illusion, persistent à vouloir donner de la ville d’Alger le visage idyllique d’une capitale moderne, attrayante, où il fait bon vivre.
Il s’agit là comme d’une sorte de seconde nature s’inspirant de cette prédisposition qu’ont certains nationaux à soigner les apparences plutôt qu’à assumer ce qu’ils sont réellement.
Comme c’est le cas chaque fois à l’occasion d’évènements exceptionnels, (cette fois il va s’agir du déroulement du deuxième Festival panafricain), des armées d’ouvriers sont remobilisés pour réparer tout ce qui a été laissé à l’abandon au cours des périodes écoulées.
Une fois de plus, on se remet à re-badigeonner certaines constructions, les bordures de trottoirs et jusqu’aux troncs d’arbres, à réparer des parties détériorées de la chaussée, à réfectionner les trottoirs, à repeindre les lampadaires et à débarrasser tout ce qui est susceptible de choquer le regard des invités.
Une énième fois, des parties d’Alger se transforment subitement en autant de chantiers durant lesquels on s’emploie, dans l’urgence, à faire dans le tape-à-l’œil plutôt qu’à entretenir sérieusement ce qui doit l’être avec l’idée de le faire durer.
Qu’ils arrivent par mer ou par air lorsqu’ils abordent cette cité au riche passé historique, les visiteurs étrangers qui la décou-vrent pour la première fois, comme les nationaux qui la retrouvent après des années d’absence, sont frappés par la beauté de ses nombreuses constructions style 19e siècle flanquées de motifs baroques ainsi que de ses immeubles et villas modernes aux lignes fines et élancées épousant les formes onduleuses des collines sur lesquelles ils ont proliféré au fil des années.
En parcourant Alger du front de mer et des grandes avenues, ils sont étonnés de déambuler dans des voies bien entretenues, de rencontrer de nom-breux parcs à la végétation exubérante et des plans d’eau d’où l’eau jaillit en jets continus.
En se rendant vers les Palais des Raïs, modèles de la riche architecture mauresque, une escale incontournable qu’on manque rarement de faire visiter aux hôtes officiels de l’Algérie, ils ont le loisir d’apercevoir tout le long de leur itinéraire, des constructions aux façades d’un blanc immaculé.
Lorsqu’ils parviennent près de leur destination finale, ils sont accueillis par de mythiques chevaux de mer aux allures sauvages, se déployant au milieu d’un vaste bassin aux eaux bleutées.
Plus tard, en remontant vers les hauteurs de la ville où se situent les riches quartiers résidentiels, ils auront aussi l’occasion en passant par la Place Addis Abeba, de remarquer de vastes et riches plates- bandes plantées d’une orgie de fleurs variées aux tons multicolores.
Parvenant aux nombreux promontoires dominant la ville, ils découvriront, étalé à leurs pieds, l’époustouflant panorama d’une capitale donnant l’impression de faire corps avec la mer, face à l’une des plus belles baies dans le monde après celle de Rio de Janeiro et de Naples.
L’abandon et la décrépitude
Mais pour peu que parmi ces visiteurs il y ait ceux qui sont un tant soit peu curieux et qui cherchent à se perdre hors des circuits officiels, c’est une tout autre réalité qui leur est alors donnée à voir et que certains habitants de la capitale ignorent peut-être entièrement.
Il ne faut pas aller loin pour cela. Pour avoir une idée de l’état d’abandon et de décrépitude dans lesquels sont laissés certains endroits de la ville par rapport à d’autres, il faut juste remonter une centaine de mètres, la rue Valentin partant de la Place Audin.
Jonché d’une forte quantité de détritus et de gravats, avec ses maisons aux façades fortement détériorées et son sol dégradé, ce quartier discret semble n’avoir jamais reçu la visite des édiles de la ville.
Que l’on se déplace dans les quartiers de Bab El-Oued, de La haute et basse Casbah, que l’on pénètre dans le quartier de Laâquiba à Belcourt, le regard vient imparablement buter sur les mêmes spectacles de désolation et de décrépitude. Partout s’offrent à la vue des rues au bitume érodé ou déformé sur lequel ruissellent parfois des eaux usées, des amas d’immondices sur lesquels flottent des relents nauséabonds.
Du côté ouest de la capitale, en remontant à travers les quartiers de la Beaucheraye, de Mont Plaisant ou du Beau fraisier, se révèlent plusieurs espaces squattés par des habitations précaires d’où émergent, spectacle insolite, des quantités de paraboles et où l’hygiène et la salubrité sont totalement ignorées.
La route tortueuse reliant le carrefour du Triolet pour s’en aller déboucher sur Bouzaréah est crevassée sur plusieurs endroits, rendant la circulation des véhicules automobiles des plus mal aisées.
Sur le flanc ouest, au-dessus des habitations de Diar Echems, dont les habitants avaient violemment manifesté leur colère pour protester contre leurs mauvaises conditions de logement, en contrebas de la carrière Jaubert d’agrégats, est situé un amoncellement compact de plus d’une centaine de constructions réalisées à l’aide de matériaux les plus divers et toutes couvertes de poussière à côté desquelles les favelas brésiliennes et les célèbres et insalubres townships des périphéries des villes sud- africaines ressembleraient à des résidences fastueuses. Ceux qui habitent dans ces lieux sont pour la majorité des travailleurs de la carrière.
La Cité des Palmiers au nom si trompeur
Mais c’est sans nul doute au niveau du quartier de la Glacière, situé sur la partie est d’Hussein Dey que l’on perçoit le mieux l’état de total abandon et de misère sociale dans lequel ont été laissés par les pouvoirs publics des groupes importants de la population algéroise.
C’est à cet endroit que par deux fois, au cours des années 1970, se sont déclarés deux épidémies successives de choléra. Pour autant, les conditions d’hygiène y sont toujours des plus déplorables. Quand on emprunte à partir de l’avenue de Tripoli, la rue de l’oued remontant jusqu’au quartier de Bachdjarah, on a la nette impression d’avoir débarqué sur une autre planète.
Dans des habitations construites de façon anarchique, les habitants des lieux sont contraints de supporter une promiscuité et une saleté difficilement descriptibles.
Mais c’est un peu plus haut, au niveau de la Cité des Palmiers au nom évocateur mais combien trompeur, que le spectacle est plus saisissant, plus horrible à voir aussi. Les logements qui composent les immeubles de cette cité ressemblent, en raison de leur extrême exiguïté, à autant de trous à rats.
Plusieurs des ces constructions présentent des façades fortement enfoncées comme si elles avaient été l’objet d’un bombardement. Les détritus, faute d’avoir été enlevés, se sont transformés en autant de collines où viennent se repaître toutes sortes de vermines.
Ne pouvant souffrir une situation aussi dégradante, certains des habitants ont pris le risque d’ériger de petites masures en parpaing au bas de ces immeubles insalubres offrant paradoxalement de meilleures conditions d’habitat que les logements situés dans ces amas d’immeubles.
La capitale, (est-il indispensable de le préciser ?), est une entité à part entière dont les habitants ne sauraient être l’objet de statuts différents.
En d’autres termes, il n’est pas admissible que l’on puisse accorder de la considération à certains nationaux au prétexte qu’ils résident dans des quartiers dits huppés et que l’on puisse continuer à ignorer les seconds parce qu’ils ont la malchance d’habiter dans des quartiers populeux. Chaque Algérien a légitimement droit à un traitement qui ne lèse ni son bien-être ni sa dignité.
Or, ce que donnent à voir certaines zones de la ville par rapport à d’autres laisse clairement penser qu’il existerait une sorte de distinction, on oserait même le terme ségrégation, qui favorise les uns au détriment des autres.
Du constat dressé après les visites effectuées à l’intérieur de certaines parties de la capitale, il ressort clairement que les budgets consentis par l’Etat pour donner à celle-ci un aspect autrement plus gratifiant, sont détournés pour ne servir finalement qu’à des opérations de prestige aux effets incertains, contestables tant dans leur fond que dans leur forme.
- Jour d Algerie