En juillet dernier le gouvernement belge a émis une instruction pour la régularisation des sans-papiers. Les dossiers de régularisation doivent être déposés en bonne et due forme entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009.
Depuis lors les clandestins et les sans-papiers de toute l’Europe, principalement d’Italie, de France et d’Espagne affluent vers la capitale Belge. Certaines personnes qui activent dans l’aide de ces sans-papiers nous avancent le chiffre de 20.000. Ils seraient 20.000 algériens venus de tous les coins d’Europe afin de tenter leur chance à la régularisation. C’est un chiffre erroné bien entendu, avancé comme ça pour donner de l’importance à l’ampleur de la situation. Tout de même, ils sont très nombreux. Aux algériens s’ajoutent les marocains ainsi que d’autres nationalités.
On est allé à la rencontre de ces sans-papiers afin qu’ils nous expliquent leurs espoirs et leurs attentes.
C’est le mois de Ramadhan, bien que vivant dans une situation précaire, ni logement, ni travail, pour certains aucun espoir, l’horizon pratiquement bouché, ces jeunes tiennent tout de même à jeûner.
«Le Ramadhan c’est sacré» m’a dit ce jeune qui voulait rester dans l’anonymat, et quels que soient les endroits de ses résidences respectives, il affirme avoir toujours respecté le mois sacré ajoutant «pendant ce mois on espère recevoir la miséricorde de Dieu».
Le contact avec eux a été très difficile. Les approcher de cette manière avait créé la suspicion chez eux. Il faut dire que vivre pour certains pendant 15 ans dans la clandestinité, forge une certaine appréhension vis-à-vis des bonnes volontés.
La plupart ont plus de dix ans de clandestinité. Comment font-ils, comment vivent-ils? Toutes ces questions auxquelles on ne peut répondre. Farid me dit «j’ai toujours vécu au jour le jour, avec l’espoir de trouver un moyen de me faire régulariser, et la crainte d’être appréhendé et expulsé».
A la question des raisons de leur exil, le plus agressif d’entre eux me répond «les réponses vous les connaissez très bien, allez en Algérie, chouf el hogra, les nouveaux riches, la misère, 15 dans une même pièce, pas de travail, le piston, la corruption etc.. ». Il me déballe en une seule tirade ce que les analystes expliqueraient en un livre, ou mettraient des heures afin de mettre les mots justes sur cette problématique.
L’un d’entre eux a voulu nous donner une leçon de réalisme socio-économique. «Ecoutez moi bien, avec 1000 euros ici, je vis très bien, je me loge, je me soigne, je mange bien et je peux me permettre d’acheter une voiture, pour le même travail en Algérie je ne pourrai jamais faire tout ce que je fais ici».
Quelques heures plus tard, les langues commencent à se délier avec la mise en confiance, son copain me dit «la réalité est que nous vivons l’enfer, la situation est catastrophique, moi j’ai 14 ans de clandestinité, je n’ai pas vu mes parents depuis ce temps là, ni mes amis, ni mon pays, ma ville, il n’y a que l’espoir qui nous fait tenir le coup, si je pouvais je rentrerai chez moi». Ses yeux se sont emplis, feignant quelque chose dans l’œil, il s’est frotté les yeux afin d’en faire sortir les larmes et pour ne pas avouer son désespoir.
Mais enfin pourquoi ne pas partir et quitter cette vie sans espoir et sans horizon? «On ne peut pas partir comme ça», me répond Farid avec l’approbation de ses compagnons.
Et c’est là le nœud du problème, ne pas s’avouer vaincu, réussir coûte que coûte, condamner à revenir en Algérie avec voiture et bagage. Tous aspirent à cette situation. Retourner dans son pays sans cela est synonyme d’échec, et l’échec les algériens ne l’acceptent pas et ne veulent même pas se l’imaginer quitte à continuer à vivre dans la clandestinité, ce qui explique ces longues durées de vie clandestine, 10, 12, 15 ans pour certains, vivant de boulots par-ci par-là de manière aléatoire, sans sécurité, sans soins et sans but. Dans n’importe quelle autre situation, on abandonnerait après seulement quelques mois, mais les algériens, toutes régions confondus et au delà des algériens, les marocains ont également la même attitude.
- Que conseillez-vous aux candidats qui tentent désespérément de rejoindre la rive Nord de la méditerranée?
«On ne peut rien leur dire, parce qu’ils ne nous croiront pas, comme moi même je n’ai pas cru ceux qui ont essayé de me dissuader de partir, je pense qu’il faut aider ceux qui sont dans cette situation à revenir chez eux. Notre expérience pourrait peut-être freiner cette hémorragie que vit l’Algérie qui voit ses meilleurs enfants la quitter»
Si l’on trouve la réponse à cette problématique, l’Algérie règlera de manière définitive le problème des harraga.
Habib Bensafi (tribune)
Depuis lors les clandestins et les sans-papiers de toute l’Europe, principalement d’Italie, de France et d’Espagne affluent vers la capitale Belge. Certaines personnes qui activent dans l’aide de ces sans-papiers nous avancent le chiffre de 20.000. Ils seraient 20.000 algériens venus de tous les coins d’Europe afin de tenter leur chance à la régularisation. C’est un chiffre erroné bien entendu, avancé comme ça pour donner de l’importance à l’ampleur de la situation. Tout de même, ils sont très nombreux. Aux algériens s’ajoutent les marocains ainsi que d’autres nationalités.
On est allé à la rencontre de ces sans-papiers afin qu’ils nous expliquent leurs espoirs et leurs attentes.
C’est le mois de Ramadhan, bien que vivant dans une situation précaire, ni logement, ni travail, pour certains aucun espoir, l’horizon pratiquement bouché, ces jeunes tiennent tout de même à jeûner.
«Le Ramadhan c’est sacré» m’a dit ce jeune qui voulait rester dans l’anonymat, et quels que soient les endroits de ses résidences respectives, il affirme avoir toujours respecté le mois sacré ajoutant «pendant ce mois on espère recevoir la miséricorde de Dieu».
Le contact avec eux a été très difficile. Les approcher de cette manière avait créé la suspicion chez eux. Il faut dire que vivre pour certains pendant 15 ans dans la clandestinité, forge une certaine appréhension vis-à-vis des bonnes volontés.
La plupart ont plus de dix ans de clandestinité. Comment font-ils, comment vivent-ils? Toutes ces questions auxquelles on ne peut répondre. Farid me dit «j’ai toujours vécu au jour le jour, avec l’espoir de trouver un moyen de me faire régulariser, et la crainte d’être appréhendé et expulsé».
A la question des raisons de leur exil, le plus agressif d’entre eux me répond «les réponses vous les connaissez très bien, allez en Algérie, chouf el hogra, les nouveaux riches, la misère, 15 dans une même pièce, pas de travail, le piston, la corruption etc.. ». Il me déballe en une seule tirade ce que les analystes expliqueraient en un livre, ou mettraient des heures afin de mettre les mots justes sur cette problématique.
L’un d’entre eux a voulu nous donner une leçon de réalisme socio-économique. «Ecoutez moi bien, avec 1000 euros ici, je vis très bien, je me loge, je me soigne, je mange bien et je peux me permettre d’acheter une voiture, pour le même travail en Algérie je ne pourrai jamais faire tout ce que je fais ici».
Quelques heures plus tard, les langues commencent à se délier avec la mise en confiance, son copain me dit «la réalité est que nous vivons l’enfer, la situation est catastrophique, moi j’ai 14 ans de clandestinité, je n’ai pas vu mes parents depuis ce temps là, ni mes amis, ni mon pays, ma ville, il n’y a que l’espoir qui nous fait tenir le coup, si je pouvais je rentrerai chez moi». Ses yeux se sont emplis, feignant quelque chose dans l’œil, il s’est frotté les yeux afin d’en faire sortir les larmes et pour ne pas avouer son désespoir.
Mais enfin pourquoi ne pas partir et quitter cette vie sans espoir et sans horizon? «On ne peut pas partir comme ça», me répond Farid avec l’approbation de ses compagnons.
Et c’est là le nœud du problème, ne pas s’avouer vaincu, réussir coûte que coûte, condamner à revenir en Algérie avec voiture et bagage. Tous aspirent à cette situation. Retourner dans son pays sans cela est synonyme d’échec, et l’échec les algériens ne l’acceptent pas et ne veulent même pas se l’imaginer quitte à continuer à vivre dans la clandestinité, ce qui explique ces longues durées de vie clandestine, 10, 12, 15 ans pour certains, vivant de boulots par-ci par-là de manière aléatoire, sans sécurité, sans soins et sans but. Dans n’importe quelle autre situation, on abandonnerait après seulement quelques mois, mais les algériens, toutes régions confondus et au delà des algériens, les marocains ont également la même attitude.
- Que conseillez-vous aux candidats qui tentent désespérément de rejoindre la rive Nord de la méditerranée?
«On ne peut rien leur dire, parce qu’ils ne nous croiront pas, comme moi même je n’ai pas cru ceux qui ont essayé de me dissuader de partir, je pense qu’il faut aider ceux qui sont dans cette situation à revenir chez eux. Notre expérience pourrait peut-être freiner cette hémorragie que vit l’Algérie qui voit ses meilleurs enfants la quitter»
Si l’on trouve la réponse à cette problématique, l’Algérie règlera de manière définitive le problème des harraga.
Habib Bensafi (tribune)
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