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Refondation de l'état : priorités; par Ahmed Benbitour

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  • Refondation de l'état : priorités; par Ahmed Benbitour

    Au moment où des scandales éclatent un peu partout, et où le citoyen découvre avec stupeur l'ampleur de la corruption, une lueur d'espoir nous parvient de quelqu'un qui connait le mal dont souffre l'Algérie et mieux, il propose un remède. Ahmed Benbitour fait un diagnostic sévère et lucide, mais propose une solution, il parle de la défaillance de l'état et de sa nécessaire refondation... Le texte est long, mais un diagnostic global ne peut s'accommoder de vagues résumés. Ecoutons-le.

    "Voilà deux mois que notre initiative de mobilisation citoyenne pour le changement pacifique a été lancée. Cet intervalle peut sembler très court, il est, pourtant, déjà riche d’enseignements. Cette initiative est devenue la vôtre. J’en suis l’initiateur, vous êtes appelés à en être les réalisateurs. Vous avez été très nombreux à réagir sur le site CCIC pour faire des propositions concernant notamment la stratégie à mener. C’est en tenant compte de vos remarques que j’ai rédigé un document de synthèse sur la stratégie que je propose d’adopter.
    Je souhaiterais remercier les participants au débat initié en Janvier sur la refondation de l’Etat et enfin, je voudrais ici particulièrement saluer et remercier les plus décidés et volontaires d’entre vous qui auront lancé des cercles d’initiative citoyenne pour le changement (cicc).

    A ceux qui se joignent à nous pour la première fois, permettez-moi de vous présenter brièvement les tenants et les aboutissants du projet de mobilisation pacifique pour le changement.
    Ce projet est né d’une conviction d’abord : le régime politique autoritariste que nous subissons répond de moins en moins aux attentes légitimes des Algériens et s’enlise chaque jour davantage dans une incapacité chronique à se réformer. Il est désormais évident qu’il est et demeurera incapable de mettre notre pays sur les rails du progrès et du développement.
    D’autre part, vus les atouts dont nous disposons, et là je pense avant tout au formidable potentiel de bonnes volontés et de compétences dont dispose l’Algérie, j’ai également la conviction qu’une autre Algérie est possible, conforme à nos aspirations de vivre dans la liberté et la dignité comme le voulaient les initiateurs du 1er Novembre 1954.
    ...
    Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

  • #2
    La situation que nous connaissons n’est en rien inédite puisque nombre de pays l’ont déjà vécue. C’est pourquoi j’ai entamé la préparation de cette initiative par l’étude de la transition qu’auront mené des pays ayant subi dans un passé récent des régimes autoritaristes comme nous le vivons aujourd’hui. Les exemples de l’Espagne et du Portugal en Europe du Sud, de l’ancienne Europe de l’Est, des régimes d’Amérique latine, et enfin de pays asiatiques tels que la Malaisie, la Corée du Sud et l’Indonésie m’auront permis d’établir un certain nombre d’hypothèses de réflexion et d’aboutir à la conclusion de ce qui, aujourd’hui, « distingue » l’Etat algérien : c’est un Etat défaillant qui dérive vers un Etat déliquescent. Cette déliquescence sera de plus en plus marquée car nous sommes aujourd’hui en présence de trois certitudes quant à l’évolution du régime algérien :
    · le régime contient les germes de sa destruction,
    · le régime ne changera pas de l’intérieur,
    · si rien n’est fait, l’actuelle décennie va connaitre la dérive de l’Etat défaillant vers l’Etat déliquescent

    Face à cette situation ; faut-il ne rien faire et assister passivement à cette dégradation qui conduira inéluctablement à un changement de régime dans la violence avec tous les risques de dérapages ? A l’inverse, faut-il préparer le changement dans le calme et la sérénité, par une mobilisation pacifique pour le changement au bénéfice de la Nation algérienne ?
    Je me suis définitivement engagé dans la voie de la mobilisation pacifique pour le changement en lançant une initiative rendue publique le premier Novembre 2009 en publiant le « Projet pour sauver la Nation algérienne» et l’« Appel à la mobilisation pacifique pour le changement ». Ces textes ont été mis en ligne à la même date sur un site central www****icdz.net. J’ai également proposé à tous ceux qui se reconnaissent dans cette initiative de créer des Cercles d’initiative citoyenne pour participer à notre effort collectif de préparation au changement en explicitant la démarche dans deux autres documents, « Qu’est-ce qu’un cicc ? » et « Comment créer un cicc ? »
    Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

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    • #3
      Depuis janvier 2010, nous proposons chaque mois d’ouvrir sur notre site le débat et la réflexion autour d’un thème central pour le renouveau de notre Nation. Le premier trimestre 2010 est consacré, à la refondation de l’Etat en Janvier, à la refondation de l’économie en Février et à la refondation de l’école en Mars, une priorité absolue. Les propositions que je vous soumets ont vocation à être enrichies par vos contributions et serviront à la vision de l’Algérie que nous voulons. Le programme que nous allons élaborer ensemble s’appuiera sur une vision qui tienne compte des potentialités et des opportunités que chacun d’entre nous peut mettre en lumière et se transcrira dans des propositions concrètes de changement qui répondent, domaine par domaine, secteur par secteur, aux aspirations et besoins que vous aurez exprimés et aidés à définir..
      Je le répète encore une fois, cette initiative est la vôtre, j’en suis l’initiateur et vous en serez les réalisateurs. C’est notre initiative à tous désormais et la réussite de ce projet dépend de la force d’engagement de chacun de nous.
      C’est un chemin difficile que nous empruntons, qui sera très certainement long. Au travail donc pour renforcer les chances de succès de ce projet. Il est de notre responsabilité à tous de multiplier le nombre de CCIC, de participer au débat sur l’Algérie que nous voulons construire, de rassembler, dès à présent, les personnalités d’appui indispensables à l’ancrage de nos idéaux de renouveau dans la société, les acteurs qui veulent s’engager pour rendre le changement pacifique irréversible ainsi que les compétences que leur profil et leur engagement désignent pour réaliser ce changement.
      Aujourd’hui, nous abordons la réforme économique (voir texte sur la refondation de l’économie sur ce site). En voici une synthèse.
      Alors que l’Algérie dispose de tous les atouts pour achever sa transition économique et s’engager dans un développement soutenu et durable, la machine des réformes est en panne. Le programme économique que nous proposons oeuvre au passage d’une économie de rente basée sur l’avantage comparatif que procure l’exploitation d’une ressource naturelle non renouvelable (le pétrole et le gaz) vers une économie compétitive, diversifiée et ouverte sur l’économie mondiale, basée sur l’avantage compétitif que procurent le savoir, le savoir-faire, la bonne gouvernance et l’entreprenariat.
      Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

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      • #4
        1. Les objectifs de la nouvelle politique économique
        La politique économique doit concourir à atteindre et maintenir un taux de croissance d’environ 10% hors secteur pétrolier, jusqu’en 2020, ce qui permettrait à chaque Algérien de disposer d’un niveau de revenu comparable à celui de la Turquie d’aujourd’hui, hors effet des hydrocarbures.

        2. Les politiques sectorielles pour atteindre ces objectifs
        Pour atteindre ces objectifs ambitieux, il faut réaliser des transformations structurelles dans tous les secteurs. La première réforme majeure et essentielle est la constitutionnalisation de l’usage des recettes d’hydrocarbures, pour limiter très strictement la part passant dans le circuit économique et bancaire qui vient alimenter l’économie de rente. Au contraire, la priorité dans l’allocation des recettes d’hydrocarbures sera donnée aux générations futures, aux investissements dans la santé et l’éducation et, dans une période de transition, à la transformation et à la mise a niveau de l’administration. Le fonctionnement du secteur de l’agriculture sera également revu dans le sens d’une extension de la surface agricole utile, du règlement des questions multiformes de propriété des terres agricoles pour sécuriser les exploitants et de l’exploitation optimale des potentialités existantes afin de parvenir à une autosuffisance dans quelques productions stratégiques et, globalement, à une balance commerciale agricole équilibrée. Enfin, un soutien des revenus des agriculteurs sera mis en place pour leur permettre de vivre décemment de leur travail. Dans les secteurs industriels et des services, l’Algérie développera des filières fortement intégrées verticalement dans les domaines où nous disposons d’avantages comparatifs (énergie et minerais principalement) avec une production en Algérie allant de l’extraction des ressources naturelles jusqu'à leur transformation en produits finis sophistiqués du coté industriel, et le développement de tous les services de soutien. En second lieu, la politique économique visera à créer des avantages compétitifs reposant sur le capital humain de nos universités et un cadre incitatif pour l’investissement productif, que ce soit dans l’industrie ou les services modernes (logistique, grande distribution). Sur un plan microéconomique, le tissu économique algérien sera transformé par

        l’augmentation significative du nombre d’entreprises (à un million environ) et l’accroissement de leur compétitivité au niveau national et international. A l’horizon 2020, les entreprises algériennes seront dirigées par une classe d’entrepreneurs compétents, honnêtes et innovateurs ; l’encadrement et la main-d’oeuvre des entreprises algériennes seront compétitifs dans l’environnement international immédiat de l’Algérie.
        Le secteur financier sera développé afin de subvenir aux besoins de financement de l’économie par la mise en place de toute la gamme des instruments de financement d’une économie moderne. Par ailleurs, des pôles de compétitivités seront constitués dans quelques créneaux d’avenir de la finance.
        Enfin, l’économie informelle sera réduite à des niveaux viables par un mélange de mesures incitatives et répressives, afin d’atteindre un véritable développement économique.
        Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

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        • #5
          3. Les reformes structurelles de l’administration économique
          Pour pouvoir mener ces politiques sectorielles, il est indispensable de conduire rapidement des réformes profondes dans l’administration économique. Car ce n’est qu’une fois l’administration réformée que l’on peut espérer mettre en application des changements réels de politique économique. Sinon, les transformations resteront au stade de voeux pieux et tout investissement, quel que soit son montant, ne permettra à aucun secteur de fonctionner correctement et ne fera qu’alimenter la corruption et la gabegie.
          La première orientation de la réforme de l’administration économique sera de la rendre complètement « business friendly », au service de la création de richesses. Cela passe par un accès aisé et bon marché aux ressources naturelles et facteurs de production pour les entrepreneurs, un cadre législatif et réglementaire clair, transparent, impartial, simplifié et stable, des procédures administratives efficaces et diligentes pour assurer un niveau de service de grande qualité, des infrastructures remises à niveau et bien gérées et une lutte contre les monopoles et les rentes pour favoriser la vitalité de l’économie et la protection des consommateurs.
          La lutte contre la corruption au sein de l’administration économique est la seconde orientation de la réforme administrative. Elle s’appuiera sur trois mesures principales : la revalorisation matérielle et morale des agents administratifs (fonctionnaires et non fonctionnaires) par l’augmentation de leur salaire à des niveaux élevés et compétitifs, une sélection stricte pour des postes sensibles et des mécanismes de contrôle efficaces au sein de l’administration et en dehors de l’administration.
          Les différentes administrations économiques feront l’objet d’une restructuration complète : révision de leurs objectifs, changement complet du recrutement, de la formation et de la promotion de leur personnel, transformation de leurs procédures et augmentation de leurs moyens. Une fois transformées, elles pourront pleinement soutenir l’activité économique, procurer les ressources indispensables à l’Etat pour remplir ses diverses missions et protéger les intérêts économiques de l’Algérie. Nous avons ouvert cet espace pour permettre aux membres des Cercles de proposer de nouvelles idées, d’approfondir les réflexions déjà présentes dans ce document, notamment en contribuant à chiffrer les futures politiques et en proposant des déclinaisons sectorielles et locales. D’ici la fin de l’année, vos remarques seront intégrées dans le document de synthèse finale sur la transformation de l’économie algérienne.
          Le mois prochain, je vous soumettrai mes propositions concernant la réforme de l’éducation.
          J’espère que vous prendrez l’habitude de nos rendez-vous mensuels pour alimenter une réflexion collective qui sera mise en oeuvre dans notre cher pays dans un avenir que nous espérons, pas lointain.

          Ensemble, rien ne nous sera impossible.
          Dr Ahmed Benbitour
          Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

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          • #6
            La première orientation de la réforme de l’administration économique sera de la rendre complètement « business friendly », au service de la création de richesses. Cela passe par un accès aisé et bon marché aux ressources naturelles et facteurs de production pour les entrepreneurs, un cadre législatif et réglementaire clair, transparent, impartial, simplifié et stable, des procédures administratives efficaces et diligentes pour assurer un niveau de service de grande qualité, des infrastructures remises à niveau et bien gérées et une lutte contre les monopoles et les rentes pour favoriser la vitalité de l’économie et la protection des consommateurs.
            j'ai l'impression de lire un député de l'UMP .....une bonne politique de droite ...rien que ça ...que nous propose le monsieur
            tu tombe je tombe car mane e mane
            après avoir rien fait ...on a souvent le sentiment d'avoir faillie faire ....un sentiment consolateur

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            • #7
              Je ne vois aucune similitude avec le discours de l'UMP. Le Monsieur connait bien son pays, il connait bien les rouages du systême et, cerise sur le gâteau, il a la compétence et l'expertise qui lui permettent d'analyser la situation du pays.
              Je dirais plutôt une politique pragmatique basée sur une analyse lucide. De toutes les manières, mieux vaut une politique de droite dans laquelle la dignité du citoyen est respectée qu'une politique hybride enrichissante pour les puissants, paupérisante pour le reste.
              Quand à la politique de gauche, on a vu où nous a mené la ichtirakya, conduite tambours battant, pendant 3 décennies; les résultats sont là.
              Le sage souffre dans le bonheur du savoir... L’ignorant exulte dans les délices de l’ignorance

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              • #8
                Oui mais prendre pour exemple d'autres pays qui ont connu une situation similaire sans en retirer des leçons conduit à refaire les mêmes erreurs que ces pays.

                Le problème dans ces solutions c'est qu'elles ne tiennent pas compte des erreurs de ceux qui ont emprunté cette voie économique.

                Je pense qu'il faudrait une solution innovante si nous voulons regarder sérieusement vers l'avenir et non pas suivre un modèle libéral qui a montré ses limites.

                Avant de donner les solutions je pense qu'il aurait été plus sain de consacrer du temps sur la question de ce que nous voulons. Si d'entrée l'objectif est limité à un enrichissement matériel alors nous irons droit au mur.

                Il y a effectivement des problèmes sociaux prioritaires à régler de toute urgence mais cela ne fait pas d'eux un objectif à long terme.
                "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

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                • #9
                  L'initiative de M. Benbitour est à saluer parce qu'elle va dans le sens de la construction d'alternatives démocratiques et patriotiques au système en place. Elle n'est cependant ni unique ni la première. Elle fait partie d'un faisceau d'initiatives similaires qui n'arrivent pas à dépasser l'état embryonnaire. La question est de connaitre le pourquoi de cette situation.
                  "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                  • #10
                    Oui, pardon Benam, tu fais bien de préciser que cette initiative a le mérite d'exister et justement c'est grâce à elle que nous discutons actuellement.

                    Je pense que la réflexion doit être conduite sur le "ce que nous voulons" avant d'exposer une solution.

                    J'aime bien prendre pour exemple cet engouement pour l'équipe de foot qui a créé une effervescence incroyable dans les esprits et a créer une solidarité d'un peuple autour d'un même rêve.

                    Ce même élan a été vécu aussi intensément lors de la libération de l'Algérie.
                    Comme dirait le Ché, c'est une idée qui porte un mouvement.

                    la question est de savoir comment créer cette effervescence mais pour un but constructif et non pas pour un but éphémère.
                    Quelle serait cette idée qui réunirait les berbères, les musulmans, les libéraux et les communistes ....oups, je ne sais pas quoi faire des généraux...mais on va faire sans pour l'instant, ce sera plus simple
                    "un gouvernement oppressif amène la ruine de la prospérité publique" Ibn Khaldoun

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                    • #11
                      La première réforme majeure et essentielle est la constitutionnalisation de l’usage des recettes d’hydrocarbures, pour limiter très strictement la part passant dans le circuit économique et bancaire qui vient alimenter l’économie de rente.

                      J'adhère totalement.

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                      • #12
                        Je ne connais pas M.Benbitour, mais ses propositions sont très intéressantes.
                        Est-ce que quelqu'un pourrait m'en dire plus sur le parcours de ce monsieur.

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                        • #13
                          Bonsoir PetiteBrise

                          Effectivement, il nous faut un projet rassembleur. Un projet qui serait comme un grand fleuve, la synthèse d'une multitude d'intérêts, de motivations, d'objectifs... C'est le processus même d'élaboration de ce projet qui révèlera la consistance des forces qui vont le porter.

                          Pour un changement pacifique, comme le veut M. Benbitour, la levée de l'état d'urgence est indispensable et prioritaire. Autrement, tout le projet ne dépassera pas le stade de discussions, certainement intéressantes et passionnées, mais confinées à des cercles très restreints et sans effets sur le cours des choses dans le pays.

                          _
                          "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

                          Commentaire


                          • #14
                            C'est une plateforme technique. Ca change.

                            A propos de technique, dans le cas de l'Algérie, l'ennemi technique n°1 c'est le clientélisme. C'est un procédé de gouvernement ancien qui -dans sa transposition moderne- ne marche pas du tout.

                            Il faut aussi des réflexions profondes sur les concepts de base :

                            cf : Abdesselam Cheddadi, philosophe et historien

                            -intangibilité des frontières,
                            -la pérennité de l’Etat,
                            -la base contractuelle de la souveraineté,
                            -le contrat social,
                            -la représentativité populaire,
                            -le monopole de la force,
                            qui sont censées définir l’Etat moderne,

                            Ces question restent occultées. Ce qui fait que l’on vit dans de fausses évidences. On n’est ni dans le modèle du système politique ancien, devenu inadéquat et impossible à réaliser, ni dans le système moderne de démocratie inventé par l’Europe. On se proclame à la fois fidèle au passé et moderne, ce qui est une pure absurdité

                            Commentaire


                            • #15
                              Violence et guerre du droit en Algérie

                              Bonjour

                              Avant tout, voici un état des lieux par le Pr. Noureddine SAADI, publié dans la revue Insaniyat (n°10 – janvier-avril 2000 – CRASC Oran)

                              Violence et guerre du droit en Algérie
                              Nourreddine SAADI
                              Professeur à l'Université d'Alger. Enseignant à la Faculté de Droit de Douai, Université d'Artois (France). Ecrivain.

                              L'Algérie vit depuis de longues années une crise de légitimité qui ressurgit périodiquement dans l'impasse à trouver une réponse institutionnelle à la question fondamentale que pose toute philosophie du Droit : qui a légitimement le pouvoir d'élaborer et de faire respecter le système normatif nécessaire à toute société ?
                              […]
                              Il y a toujours des difficultés à nommer ce qui se passe en Algérie. A la surface des «événements» - selon l'euphémisme consacré - une situation complexe faite d'une multiplicité de conflits, un inextricable écheveau de causes et de faits. Près d'une centaine de milliers de morts, assassinats quotidiens, attentats ciblés ou aveugles, massacres et égorgements de masse, maquis islamistes, incendies et destructions de biens publics ou privés, plus de 500 condamnations à mort dont une cinquantaine d'exécutions, tortures, camps d'internements, camps de réfugiés, départ massif des étrangers, exil de milliers d'intellectuels et cadres. Sur le plan économico-social, régression et chômage, plans de restructuration sous les fourches caudines du FMI, accompagnant paupérisation et suicides, apparition de fléaux et d'épidémie. Malvie. Et pourtant, jamais la corruption n'avait autant gangrené le système économique d'un libéralisme de bazar.

                              La violence armée fracture tout le champ politique et malgré la énième tentative de légitimation du pouvoir par les urnes - élections législatives, deux élections présidentielles, référendum - il y a une telle «dégradation des lieux de l'homme», une telle sécession entre les discours et la réalité, que le système politique, rafistolé après 88, demeure incapable de rétablir la paix et de légitimer des Références acceptables dans un pacte social. L'ultime tentative de «concorde civile» échoue quotidiennement devant la poursuite, voire la reprise dans certaines régions du terrorisme.

                              La raison fondamentale serait à interroger dans l'analyse symptômale de la crise. Tout se passe comme si le balisage de certitudes et le schématisme des attitudes suppléaient le sang froid réflexif. Car, apparemment présenté comme une guerre intérieure entre les intégristes islamiques et le pouvoir d'Etat tenu par l'armée, le conflit algérien, contrairement aux guerres civiles de cette fin de siècle, ne repose pas sur une symétrie des adversaires qui opposerait des groupes sociaux, ethniques, religieux ou politiques et toute réduction à un de ces ingrédients, empêche de saisir la compréhension des bases de désespoir qui alimente la violence. Il y a, en effet, une situation de «désespoir politique» car, à toute tentative de «paix», de «réconciliation» ou de «concorde», s'opposent les questions légitimes : sur qui pèse la charge de supporter la détresse de cette guerre ? Qui paie le prix du deuil et de la détresse pour que la société puisse accéder à la paix ?

                              La population - malgré le désir quasi unanime de paix - répartit ses sympathies et divise ses réponses. Comme dans toute société, les enjeux idéologiques, culturels et économiques créent la diversité des courants d'opinions et jamais la sentence de Khalil Gabran n'a trouvé meilleure topique : «Pitié pour une nation dont chaque partie prétend être la partie à elle seule».

                              Toutefois, l'utilisation de la violence, contrairement aux divisions conflictuelles d'une guerre civile, est le seul apanage des groupes islamistes et évidemment des forces de l'Etat. Cependant les mesures d'encadrement policier ou les faits de répression aveugle, exacerbent le sentiment d'insécurité dans les villages et les quartiers populaires où les jeunes frappés par la malvie, la misère, le chômage et privés d'avenir, engrangent leur désespoir en alimentant (bien que le mouvement semble ralentir depuis 1998), les groupes terroristes. De même que de nombreuses bourgades, le plus souvent encouragées par l'armée, se sont organisées en auto-défense. Toutefois, comme dans toute situation similaire, vengeance et ancestrale dîme du sang font payer leur prix.

                              A ce propos, il ne suffit pas de s'offusquer que devant une telle tragédie surgisse la question « qui tue qui ? », rendant encore plus opaque la tragédie. Une telle interrogation, par sa confusion, porte évidemment le risque d'amender les criminels islamistes des meurtres qu'ils revendiquent eux-mêmes. Cependant, faut-il, pour autant, exclure que dans une telle opacité de la terreur, certains assassinats soient l'œuvre des forces occultes de la mort, trouvant là, l'occasion de règlements de comptes, politiques ou autres, ou attisant le feu pour d'obscurs stratagèmes de pouvoir ?

                              Dans ce «théâtre de la mort», tous les observateurs en conviennent, la résistance des forces de vie de la société est exemplaire. Les tentatives d'effondrement de l'édifice social par les groupes islamistes ont échoué et ni les grèves de l'impôt ou de l'école, l'interdiction du service national ou du travail des femmes n'ont été suivis par la population, malgré la terreur. La tentation d'imposer un contre-pouvoir par le gouvernement des mœurs, préparé depuis les années 80 par l'islamisme politique et qui servait de stratégie au FIS, est en net recul. L'interdiction de la mixité dans l'espace public, l'imposition du hidjab aux femmes, la censure de la musique, de la danse ou des antennes paraboliques n'ont guère rencontré d'assentiment et « l'ordre islamique » proclamé est partout en recul au point où les rues d'Algérie, les plages, les concerts, les bistrots - de plus en plus fréquentés - attestent que nous sommes loin de l'imagerie de Kaboul !

                              La vie politique est loin de se réduire aux affrontements armés. Des forces démocratiques manifestent, une presse pluraliste apparaît comme l'une des plus critiques du monde arabe, les revendications de groupes sociaux s'expriment de plus en plus ouvertement. Celles des femmes contre le code de la famille particulièrement rétrograde de 1984, celle des travailleurs contre le démantèlement des entreprises publiques ou celles « identitaires » autour des conflits linguistiques comme le mouvement pour la reconnaissance officielle du berbère.
                              […]
                              Le «double bind», ce message paradoxal de l'Etat se revendiquant à la fois de l'Islam et de la «légalité révolutionnaire», perd toute légitimité à définir la nation et à réguler la société. En ce sens, la violence en cours en Algérie peut se lire comme une «pathologie» du droit.
                              […]
                              Nous sommes au cœur d'un problème posé par la modernité à toute société politique par la question du « sujet de droit » : croyant et/ou citoyen ?

                              Cette confrontation se déroule en Algérie autour de questions identitaires. L'islamisme politique partant de l'affirmation constitutionnalisée depuis l'indépendance par l'Islam, religion d'Etat, exige donc la suppression dans l'ordre juridique de tout ce qui n'aurait de source dans les prescriptions islamiques. Les modernistes aspirent au contraire à entraîner la logique du droit positif et des institutions jusqu'à leurs conséquences afin d'instaurer un Etat de droit fondé sur une société civile pluraliste, c'est-à-dire la démocratie.

                              L'idéologie juridique de l'islamisme est théologique au sens d'une légitimation du droit par le religieux. Celle de la démocratie se légitime par des fins rationnelles et humanistes.
                              […]
                              L'incurie et l'incapacité de l'Etat national qui se proposait d'être le Tout paternel et dispensateur, à subvenir aux besoins essentiels, l'adultération du sens de l'indépendance, la crise éthique devant la corruption et la gabegie sont les signes manifestes de l'Etat désacralisé, ne reposant plus sur aucune Référence légitime. Or, « l'Etat est ce qui fait tenir debout la Référence ».

                              Faute de quoi, la situation actuelle en témoigne, c'est la force - et donc l'armée - qui sert de « colonne vertébrale ».

                              Sortir de cette crise, c'est redonner sens au Droit sur les fondements de la légitimité.
                              "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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