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L’étrange amitié de l’opium et du bâton

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  • L’étrange amitié de l’opium et du bâton

    Kamel Daoud RAINA RAIKOUM



    Retour sur l’affaire du
    voile et du passeport
    biométrique car ce
    n’est pas une affaire
    mais l’affaire de tous. La polémique
    est d’ailleurs tellement
    stérile, absurde, surréaliste
    qu’elle en devient une révélation médicale. L’islamisme
    en Algérie a été vaincu militairement
    et politiquement, il est vainqueur par endurance
    et par défaut d’autres idéologies que celle
    du pétrole ou celle des mosquées de quartier.
    Lu à l’entrée du parc d’attractions d’Oran:
    «Short interdit, pantacourt autorisé». Que fautil
    en conclure ? D’abord cette tendance algérienne
    de la fatwa fast-food. On a eu des émirs
    tôliers, on a donc droit à des fatwas prêt-à-porter.
    L‘absence de clergé religieux «officiel» ou
    du moins «légitime», l’alliance molle entre le
    pouvoir et le conservatisme religieux contre la
    démocratie ou le respect des libertés ont eu un
    enfant terrible: une sorte d’imam «je sais tout»,
    qui n’existe pas, qui parle partout et dont tout
    le monde peut endosser la fonction avec un kamis
    et un survêtement. Les Algériens ont appris
    à avoir une sorte de fatwa sur tout et surtout
    sur ce qui concerne la liberté des autres.
    Ils ne sont plus mobilisables pour une cause
    de survie mais pour des effets vestimentaires
    ou des donations pour haut-parleurs de minarets.
    Faites-en l’expérience: lancez un débat sur
    l’usage polluant des sachets et vous serez seul,
    lancez un débat sur le hidjab et le passeport
    biométrique et vous serez foule et armées. «La
    journée sans achats» s’est soldée par une interpellation
    policière, la campagne contre la
    photo d’identité pour les femmes n’a pas provoqué
    plus que de la gêne médiatique des gouvernants.
    Le pouvoir, par «culpabilité ténébreuse
    », par conversion tardive de ses dirigeants
    tentés par la dévotion, sensibles à l’utilité des
    zaouïas et pas à celle du pluralisme, accusés
    de vol sans relâche et donc obligés à des prières
    publiques et des démonstrations de foi par
    ENTV interposée, a fini par accepter et encourager
    un islamisme horizontal qui prend en charge,
    à sa place, l’éducation de la société et sa
    talibanisation mentale sans que personne ne
    se sente ni menacé ni inquiété. Le pire est que
    cet islamisme rampant n’est ni celui du FIS vaincu
    ni d’un quelconque mouvement «local»: c’est
    une sorte de mélange entre les importations de
    livres, les chaînes thématiques religieuses qui
    pénètrent nos foyers, l’aura de quelques chouyoukh
    payés à l’heure dans
    l’univers du network satellitaire
    et le prétexte à un retour à
    une origine non contrôlée de
    l’identité. A la fin, cela donne
    une population de donneurs de
    fatwas un peu partout, des dérives
    de justice, des atteintes aux libertés et
    des pancartes genre «Short interdit». Quand il
    n’y a pas de loi souveraine, tout le monde en a
    une finalement et l’islamisme horizontal est
    connu pour sa vocation d’inventer des interdits
    en usant des libertés de candidatures.
    D’où la question de fond: pourquoi nos gouvernants,
    qui se sont réclamés de la république
    pour sauver le pouvoir et de la démocratie limitée
    pour défaire le FIS, s’accommodent-ils
    aujourd’hui de cette alliance qui va se retourner
    contre eux dès que possible ? Pourquoi
    malgré l’évidence qu’un courant islamiste n’est
    jamais un partenaire mais un totalitarisme en
    veille, on continue à préférer un journal à «Fatwa
    sur tous», vendant imams et rumeurs à la
    fois, à un roman dissident ? Pourquoi confondon
    encore identité et nombre des mosquées et
    préfère-t-on une fatwa clandestine nuisible à un
    communiqué sur les droits de l’homme en Algérie
    ? On sait que le régime est soupçonneux,
    méfiant, calculateur, averti quant à ses intérêts
    et vigilant sur sa survie, pourquoi est-il à ce point
    aveugle sur cette islamisation folklorique et dangereuse,
    par école et journaux, de l’Algérie ?
    Comment peut-il lutter contre l’islamisme en
    armes en tolérant l’islamisme assis qui en est le
    père et la mère ? D’ailleurs, la bonne question
    est «que reste-il de laïc dans ce pays ?» entre
    son armée, ses institutions, ses chambres d’élus,
    ses polices et sa justice ? Pourquoi l’Islam n’est
    plus qu’islamisme commercial ?
    Aujourd’hui donc, on a droit à ce cafouillage
    en préfabriqué entre certains journaux, des
    conseils islamiques officiels, des imams, des
    salafistes soft, un ministère de l’Intérieur, le
    tout sur la question du passeport biométrique.
    Un jour on aura ce même débat piégé sur l’habit
    du président de la République, la jupe
    d’une ministre femme, les émissions de l’ENTV,
    une chanson raï et le droit d’avoir une
    photo tout court. Pourquoi ? Parce qu’on
    n’aura rien dit face à un courant islamiste qui
    dit ce qu’il veut. Un jour le FIS va gagner et,
    encore plus miraculeux, longtemps après sa
    mort et il le fera avec l’arme du ridicule imposé
    et pas celle du canon scié.
    Tout systeme logique est nécéssairement incomplet

    Gödel
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