L'Occident, cette pomme de l'humanité
par Kamel Daoud
par Kamel Daoud

D'ailleurs, ce paradoxe infâme est celui de tous les extrémistes qui aujourd'hui sollicitent l'Occident pour en faire leurs secondes épouses : évangélistes, sionistes religieux, Djihadistes islamistes. Tous habitent l'Occident, en respire la liberté, y pratiquent l'obligation de démocratie, mais tous veulent le convertir. L'Occident peut être infâme, colonisateur, inventeurs des rapts collectifs civilisationnels, hypocrite quant à ses valeurs et auteurs des plus lourds massacres de l'humanité par elle-même, il reste une conquête de l'homme sur ses pires croyances. L'Occident reste un ouvrage à saluer et l'œuvre de certains esprits qui mettront des siècles à mourir. Il est la distance la plus heureuse et la plus sanglante, prise entre l'homme et sa barbarie. C'est l'arche d'une sorte de Noé trader, courtier, sensible, démocrate, colonisateur, paranoïaque, fervent des machines à vapeur, auteur de la rondité de la terre. Tout le monde donc voudrait y être et y embarquer, y vivre et y mourir, le convertir ou, au moins, y faire entendre sa voix et y profiter du recul de la misère et de la vie sauvage. C'est pourquoi, malgré la haine et la croyance radicale, un Djihadiste préfère peut-être Guantanamo que le retour au pays natal. L'Occident est aujourd'hui le pommier du paradis. Pour tout religieux, vivre près de ce pommier, c'est vivre au paradis. En manger est une désobéissance à Dieu, le détruire est un dilemme, le regarder est une torture, y mordre est une prise de conscience et une chute dans le temps, hors de l'éternité.
Le Quotidien d'Oran