Dr Ahmed ROUADJIA, professeur d’université
Les nostalgiques de l’ « Algérie française », doivent à coup sûr se féliciter de l’annonce fracassante de la création du « Gouvernement Provisoire kabyle », faite à Paris par son président Ferhat Mehenni, transfuge du RCD, et ennemi invétéré du docteur Said Saadi. On devine depuis Paris que ces nostalgiques dont les effectifs de partisans augmentent au fil des ans, et dont le cœur regorge de haine contre l’Algérie, sont au comble de la joie. La joie de prendre leur revanche contre l’indépendance de l’Algérie et d’approfondir la division de la famille algérienne par la flatterie de l’ego « kabyle » censé être foncièrement supérieur au Moi « arabe ».La mythologie coloniale est le lieu de l’enfantement du mythe kabyle, et l’on comprend pourquoi le Mak en est si fortement imprégné qu’il ne peut raisonner en dehors de ce cadre de l’ethnicité dangereuse à laquelle pourtant la France métropolitaine a déclaré une guerre impitoyable, sans répit. Les Bretons se sont vus, sous le mandat du président Jacques Chirac, interdire l’usage de leur langue vernaculaire, et l’autonomie inoffensive qu’ils réclament dans le cadre des lois de la République française, est rejetée comme un attentant contre le dogme intangible de l’indivisibilité de la République ( article 2 de La Constitution de 1958). Les autres minorités « ethniques » ou régionales de la France sont astreintes à l’obligation de se dissoudre dans le moule de la République et de renoncer à toute velléité d’autonomie ou d’indépendance. La revendication du mouvement autonomiste breton d’obtenir la reconnaissance officielle de l’usage de cette langue est rejetée avec force par le gouvernement français.
Ce qui est bon pour la France ne l’est pas pour l’Algérie, et vice versa
Cette politique d’institution de la nation française, fortement unie et homogène, avait commencé du temps de Guizot, avec la loi de 1833 qui porte son nom, politique que Jules Ferry « fondateur de l’empire français », devait parachever avec l’école qu’il concevait comme un facteur d’acculturation essentiel. Pour lui, tout comme pour ses prédécesseurs, l’école institue la nation, car elle constitue l’agent de socialisation et du patriotisme. Le principal théoricien de l’éducation républicaine du temps de Jules Ferry (1880), Ferdinand Buisson, voyait dans l’école primaire le lieu de la formation du « patriotisme » et de l’unité linguistique d’une France encore dominée par une Tour de Babel où tous les patois avaient droit de cité, hormis ce qui allait devenir le français « savant ». Déjà avant 1880, les textes que les inspecteurs du primaire s’efforçaient d’inculquer aux élèves du primaire portaient sur la « Nécessité d’enseigner exclusivement en français. Règlements à revoir dans les pays où l’on parle les patois basque, breton, flamand, allemand, etc. » La France et les Français, si spirituels et démocrates qu’ils sont, refoulent l’ethnicité et l’usage des patois chez eux, mais les encouragent chez les autres. Un kabyle, un Breton, un flamand, un Arabe ou un Turc est mal vu lorsqu’il parle sa langue maternelle en France, mais il est vivement encouragé à en faire non seulement usage dans son pays d’origine, mais à l’instituer comme langue nationale ou officielle à côté de celle l’Etat dont il est le sujet. En l’occurrence, « le kabyle » est vu depuis la France non seulement sous le rapport d’un être intelligent, et ethniquement supérieur à l’ « Arabe paresseux » et mentalement « sous-développé », mais également sous la figure d’un personnage civilisé et besogneux, qualités qu’il tire de son ascendance « gauloise ». Nous verrons sous peu pourquoi les Bretons et les Kabyles sont mal vus lorsqu’ils parlent leur langue maternelle en France dans les espaces francisés…
Bretons, les Kabyles et le Printemps Berbère…
A la différence du rouleau compresseur de la France jacobine qui avait imposé à la hussarde l’unité linguistique et politique à la nation française, l’Etat algérien après moult hésitations et tergiversations, a fini par se rendre à l’évidence qu’il ne saurait ignorer purement et simplement le fait berbère en général, et le fait kabyle en particulier, sans risquer son propre éclatement. Ce que les initiateurs du Printemps Berbère cherchaient, n’était pas la scission de la nation ou le séparatisme à caractère politique, mais la reconnaissance de leur spécificité culturelle, et par delà, l’application des principes d’égalité et de démocratie pour tous les Algériens, sans distinction. Ils inscrivaient et inscrivent encore leur revendications spécifiques non pas en dehors, mais au-dedans du cadre national algérien. En acceptant, presque à son corps défendant, de reconnaître la langue amazigh comme langue nationale, l’Etat algérien a opéré un grand pas que la France n’avait pas pu franchir. Ainsi la Constitution algérienne reconnaît-elle explicitement en son article 3.bis ( Loi n°02-03) que le « Tamazight est (…) langue nationale », et même s’il n’est pas la « langue officielle » comme l’arabe, il n’ en reste pas moins que son inscription dans les textes officiels comme fait « national » marque une étape décisive dans l’évolution des mentalités politiques, puisque l’arabe n’a plus, comme naguère le monopole de l’algérianité, et ne peut plus désormais exercer son magistère sur les âmes et les esprits. Nous devons ce changement notable moins aux largesses de nos hommes politiques aux horizons bornés, qu’au combat mené vaille que vaille par le mouvement berbère depuis le début des années 80 pour arracher ce droit de faire usage de sa langue maternelle, de le parler, et de l’enseigner à ceux qui le désireraient. Ce droit, acquit de haute lutte, marque également la fin du diktat de la langue arabe aussi bien à l’école que dans les relations sociales. Désormais, la langue amazigh n’est plus cette langue discriminée, raillée et moquée aussi bien par le lettré arabe pétri de ses prétentions arrogantes à la supériorité et à la profondeur que par le vulgaire homme de la rue imbu de ses préjugés et de son ignorasse crasse, mais bel et bien une langue porteuse de structures linguistiques, de signifiant et de signifié, de logiques structurales et syntactiques, qui n’ont rien à envier aux langues « officielles » des Etats constitués. On se souvient que dans les années soixante, soixante dix et même longtemps après le déclenchement du Printemps Berbère en 1980, il était tabou de qualifier de « national » la langue amazigh, et quiconque prononçait ce qualificatif, pouvait être poursuivi en justice et condamné comme « anti-national », suppôt de la France. La « poésie kabyle » elle-même relevait d’un tabou, voire d’un acte de lèse-majesté, un attentant contre la belle et harmonieuse architecture de la langue arabo-islamique, sacrée et immuable ! à suivre
Les nostalgiques de l’ « Algérie française », doivent à coup sûr se féliciter de l’annonce fracassante de la création du « Gouvernement Provisoire kabyle », faite à Paris par son président Ferhat Mehenni, transfuge du RCD, et ennemi invétéré du docteur Said Saadi. On devine depuis Paris que ces nostalgiques dont les effectifs de partisans augmentent au fil des ans, et dont le cœur regorge de haine contre l’Algérie, sont au comble de la joie. La joie de prendre leur revanche contre l’indépendance de l’Algérie et d’approfondir la division de la famille algérienne par la flatterie de l’ego « kabyle » censé être foncièrement supérieur au Moi « arabe ».La mythologie coloniale est le lieu de l’enfantement du mythe kabyle, et l’on comprend pourquoi le Mak en est si fortement imprégné qu’il ne peut raisonner en dehors de ce cadre de l’ethnicité dangereuse à laquelle pourtant la France métropolitaine a déclaré une guerre impitoyable, sans répit. Les Bretons se sont vus, sous le mandat du président Jacques Chirac, interdire l’usage de leur langue vernaculaire, et l’autonomie inoffensive qu’ils réclament dans le cadre des lois de la République française, est rejetée comme un attentant contre le dogme intangible de l’indivisibilité de la République ( article 2 de La Constitution de 1958). Les autres minorités « ethniques » ou régionales de la France sont astreintes à l’obligation de se dissoudre dans le moule de la République et de renoncer à toute velléité d’autonomie ou d’indépendance. La revendication du mouvement autonomiste breton d’obtenir la reconnaissance officielle de l’usage de cette langue est rejetée avec force par le gouvernement français.
Ce qui est bon pour la France ne l’est pas pour l’Algérie, et vice versa
Cette politique d’institution de la nation française, fortement unie et homogène, avait commencé du temps de Guizot, avec la loi de 1833 qui porte son nom, politique que Jules Ferry « fondateur de l’empire français », devait parachever avec l’école qu’il concevait comme un facteur d’acculturation essentiel. Pour lui, tout comme pour ses prédécesseurs, l’école institue la nation, car elle constitue l’agent de socialisation et du patriotisme. Le principal théoricien de l’éducation républicaine du temps de Jules Ferry (1880), Ferdinand Buisson, voyait dans l’école primaire le lieu de la formation du « patriotisme » et de l’unité linguistique d’une France encore dominée par une Tour de Babel où tous les patois avaient droit de cité, hormis ce qui allait devenir le français « savant ». Déjà avant 1880, les textes que les inspecteurs du primaire s’efforçaient d’inculquer aux élèves du primaire portaient sur la « Nécessité d’enseigner exclusivement en français. Règlements à revoir dans les pays où l’on parle les patois basque, breton, flamand, allemand, etc. » La France et les Français, si spirituels et démocrates qu’ils sont, refoulent l’ethnicité et l’usage des patois chez eux, mais les encouragent chez les autres. Un kabyle, un Breton, un flamand, un Arabe ou un Turc est mal vu lorsqu’il parle sa langue maternelle en France, mais il est vivement encouragé à en faire non seulement usage dans son pays d’origine, mais à l’instituer comme langue nationale ou officielle à côté de celle l’Etat dont il est le sujet. En l’occurrence, « le kabyle » est vu depuis la France non seulement sous le rapport d’un être intelligent, et ethniquement supérieur à l’ « Arabe paresseux » et mentalement « sous-développé », mais également sous la figure d’un personnage civilisé et besogneux, qualités qu’il tire de son ascendance « gauloise ». Nous verrons sous peu pourquoi les Bretons et les Kabyles sont mal vus lorsqu’ils parlent leur langue maternelle en France dans les espaces francisés…
Bretons, les Kabyles et le Printemps Berbère…
A la différence du rouleau compresseur de la France jacobine qui avait imposé à la hussarde l’unité linguistique et politique à la nation française, l’Etat algérien après moult hésitations et tergiversations, a fini par se rendre à l’évidence qu’il ne saurait ignorer purement et simplement le fait berbère en général, et le fait kabyle en particulier, sans risquer son propre éclatement. Ce que les initiateurs du Printemps Berbère cherchaient, n’était pas la scission de la nation ou le séparatisme à caractère politique, mais la reconnaissance de leur spécificité culturelle, et par delà, l’application des principes d’égalité et de démocratie pour tous les Algériens, sans distinction. Ils inscrivaient et inscrivent encore leur revendications spécifiques non pas en dehors, mais au-dedans du cadre national algérien. En acceptant, presque à son corps défendant, de reconnaître la langue amazigh comme langue nationale, l’Etat algérien a opéré un grand pas que la France n’avait pas pu franchir. Ainsi la Constitution algérienne reconnaît-elle explicitement en son article 3.bis ( Loi n°02-03) que le « Tamazight est (…) langue nationale », et même s’il n’est pas la « langue officielle » comme l’arabe, il n’ en reste pas moins que son inscription dans les textes officiels comme fait « national » marque une étape décisive dans l’évolution des mentalités politiques, puisque l’arabe n’a plus, comme naguère le monopole de l’algérianité, et ne peut plus désormais exercer son magistère sur les âmes et les esprits. Nous devons ce changement notable moins aux largesses de nos hommes politiques aux horizons bornés, qu’au combat mené vaille que vaille par le mouvement berbère depuis le début des années 80 pour arracher ce droit de faire usage de sa langue maternelle, de le parler, et de l’enseigner à ceux qui le désireraient. Ce droit, acquit de haute lutte, marque également la fin du diktat de la langue arabe aussi bien à l’école que dans les relations sociales. Désormais, la langue amazigh n’est plus cette langue discriminée, raillée et moquée aussi bien par le lettré arabe pétri de ses prétentions arrogantes à la supériorité et à la profondeur que par le vulgaire homme de la rue imbu de ses préjugés et de son ignorasse crasse, mais bel et bien une langue porteuse de structures linguistiques, de signifiant et de signifié, de logiques structurales et syntactiques, qui n’ont rien à envier aux langues « officielles » des Etats constitués. On se souvient que dans les années soixante, soixante dix et même longtemps après le déclenchement du Printemps Berbère en 1980, il était tabou de qualifier de « national » la langue amazigh, et quiconque prononçait ce qualificatif, pouvait être poursuivi en justice et condamné comme « anti-national », suppôt de la France. La « poésie kabyle » elle-même relevait d’un tabou, voire d’un acte de lèse-majesté, un attentant contre la belle et harmonieuse architecture de la langue arabo-islamique, sacrée et immuable ! à suivre
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