Une marche et des enseignements
par Kharroubi Habib - Le Quotidien d'Oran
Ce n'est pas parce que les marches organisées par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie n'ont pas attiré grand monde qu'il faut décréter que l'Algérie n'est pas mûre pour un scénario de révolte à la tunisienne ou à l'égyptienne. Si le pouvoir n'a retenu de ces marches avortées que le refus de la population à y prendre part et qu'il en tire la conclusion que tout va bien dans le meilleur des mondes en Algérie et que, par conséquent, il peut sans crainte poursuivre dans la voie de l'autoritarisme et de l'autisme, pour sûr qu'il se tromperait lourdement.
Au-delà de leur échec en terme de mobilisation populaire, les marches de la CNCD ont lancé des messages à destination de ce pouvoir qui ont l'assentiment de la majorité des Algériens. Les ignorer purement et simplement parce qu'ils ont émané de partis et d'organisations sociales ne pouvant, pour de multiples raisons, agglomérer grand monde derrière eux, équivaudrait de la part de ce pouvoir à défier toute cette population qui partage eux leurs revendications.
L'intelligence politique voudrait que le pouvoir prenne en compte les revendications de démocratisation et de changement dans le mode de gestion des affaires du pays, tant qu'il a la possibilité de le faire par lui-même. S'il attend que l'explosion populaire éclate pour s'y engager, il sera trop tard pour lui.
En annonçant la prochaine levée de l'état d'urgence et en promettant l'ouverture des médias lourds à l'opposition, Bouteflika a semblé donner l'impression qu'il est résolu à aller dans la voie du changement.
Il lui faut maintenant donner vite d'autres gages de la sincérité de ses intentions. Ce n'est pas l'absoudre d'admettre que lui bénéficie encore, à tort ou à raison, d'un capital de confiance et de popularité au sein d'une bonne partie de l'opinion. Il le dilapidera irrévocablement s'il persiste à maintenir en l'état les choses et les hommes sur lesquels il s'appuie.
Un changement de gouvernement n'est certes pas la décision primordiale que les Algériens attendent de lui, mais ce serait un signe que les citoyens pourront interpréter en tant qu'indicateur de sa détermination à conduire le changement dans le pays.
En tout cas, il est plus qu'urgent que le Président mette un terme à son silence. On a beaucoup dit que Bouteflika n'est pas personnage à réagir aux pressions qui s'exercent sur lui. Sauf que le climat politique et social dans le pays étant devenu tellement délétère, il lui faut maintenant impérativement communiquer avec la nation, lui faire part de ses intentions et ne pas la laisser dans ce flou propice à toutes les aventures.
L'Algérie est à la croisée des chemins. Un changement est inévitable. Il se produira donc et la seule question qui se pose est comment il se fera.
Le pouvoir a encore la possibilité de l'engager et de le conduire. Pas pour longtemps toutefois.