L'Etat par lettres
par Kamel Daoud

D'ailleurs, sur la liste, tous ont parlé à leur peuple : Assad, Salah du Yémen, Mohammed VI et même le monarque malade de l'Arabie saoudite.
Le seul à correspondre avec son peuple par lettre et timbre, c'est le nôtre. Le seul qui ne nous a pas parlé, c'est le nôtre. Vingt ans aux Emirates, 12 ans dans la Présidence, à peine quelques semaines en Algérie réelle. Et dans un pays où les services de la Poste fonctionnent mal, la politique des lettres semble avoir de la bonne santé. Comme si personne ne veut voir personne. Comme si personne ne veut nous toucher la main, croiser notre regard, entendre nos sons ou avoir affaire à nos peaux et odeurs. Le peuple parle ? On lui envoie donc des lettres et de l'argent par poste. D'ailleurs, le peuple ne pourra jamais répondre: il ne connaît pas l'adresse du Pouvoir, le vrai expéditeur: on sait qu'il s'appelle Bouteflika, Zeroual,
Boudiaf, Chadli, etc., mais ce ne sont que des prénoms. Personne ne connaît le nom, l'unique.
Le Quotidien d'Oran