Pendant que Bachar tue en Syrie avec ses moukhabarates et salit la révolution par ses barbouzes et pendant que Ali Salah dit que le Yémen c'est son lavabo et que Kadhafi dit que la Libye c'est sa zengua, Ouyahia a parlé. Tellement depuis une semaine qu'on se met un peu à regretter le silence presque plaisant de Bouteflika. Qu'a dit le 1er ministre, patron du RND ? Un peu de tout et de rien. On peut spéculer sur ses conjugaisons et s'amuser sur ses métaphores, genre l'Algérie est une mère qui gâte ses enfants mais sans les envoyer à Londres faire des études toutefois. L'essentiel n'est pas cependant dans ce que dit Ouyahia mais dans le fait qu'il le dise : on sent déjà la reprise de confiance du Pouvoir, sa peur dépassée, sa reprise du terrain perdu depuis un mois et sa nouvelle confiance. On sent la force d'une entité qui vient «d'acheter» un match et qui est confiante dans les résultats. Que s'est-il passé donc pour que le Pouvoir passe de l'inquiétude à la sérénité sans transiter par le bouddhisme ? Un processus. En janvier, le Pouvoir a eu peur. Fin janvier avec la fuite de Benali, il a eu encore plus peur. Fin février, avec le départ de Moubarak, il a commencé à payer les matchs et les chômeurs, les joueurs, les retraités et les faux barrages. Fin mars, il s'est dit que l'orage est passé. Avec le cas dissuasif de la Libye et le plomb du RCD local, le Pouvoir a définitivement repris confiance : un inaudible «je vous ai compris !» traversa son esprit. Pour lui, c'est simple : chaque révolution est convertible en dinars ou en euros. Il suffit seulement de connaître le combien pour désamorcer le pourquoi. Le Pouvoir a donc payé, promis, distribué, affirmé, reçu, écouté, ouvert le robinet et apporté de l'eau. A la fin, son isolement est devenu celui de ses opposants et sa peur a fini par être un mauvais souvenir. Le Pouvoir se dit aujourd'hui que c'est lui le Pouvoir quand même ! Il suffit seulement de bien payer et de bien frapper pour bien gagner.
Une loi se dégage donc : quand une dictature a du pétrole, elle a du temps. Quand elle n'en a pas, elle a un avion.
Convaincu que les révolutionnaires algériens sont morts avant 62 et que les descendants sont des photocopies mal faites, le Pouvoir a donc agi comme une sorte de De Gaulle arabe, plus proche de l'instinct de tous que de l'idéal de quelques-uns. Il a payé et grassement, et jusqu'à Tamanrasset. Dépassant le cap du danger, il a fini par reprendre confiance. C'est cette confiance nouvelle qui explique un peu les explications surréalistes d'Ouyahia et ses analyses presque amusantes du réel. A quoi bon réformer quand on peut rassasier ? se dit-il, lui ou d'autres par son biais. C'est cette confiance qui explique le retour du Pouvoir au Pouvoir alors qu'il était presque tenté par l'avion il y a quelques semaines. Gageons qu'on en verra beaucoup du genre, de retour de l'effroi, ces jours-ci, avocats «spontanés» de la particularité algérienne, amuseurs publics et soutiens opportuns. Pendant presque trois mois, personne n'a rien dit de ces gens-là et tous attendaient que leur chef prenne le risque de le faire. Aujourd'hui que la vague est passée, tous vont nous revenir pour nous convaincre que l'Etat est stable, c'est-à-dire eux. Pour de bon ? Non. Seulement pour des mois. Derrière les assurances, paysans soupçonneux que nous sommes, intuitifs ruraux que nous restons, on sent bien que la cible de ces prêches, ce ne sont pas uniquement nous : ces gens-là veulent vraiment se convaincre d'abord. Une entreprise vraiment difficile. Le rire du soulagement est là, mais il est jaune. Une couleur visible, même masquée par de grosses moustaches.
Kamel Daoud, Le Quotidien d'Oran
Une loi se dégage donc : quand une dictature a du pétrole, elle a du temps. Quand elle n'en a pas, elle a un avion.
Convaincu que les révolutionnaires algériens sont morts avant 62 et que les descendants sont des photocopies mal faites, le Pouvoir a donc agi comme une sorte de De Gaulle arabe, plus proche de l'instinct de tous que de l'idéal de quelques-uns. Il a payé et grassement, et jusqu'à Tamanrasset. Dépassant le cap du danger, il a fini par reprendre confiance. C'est cette confiance nouvelle qui explique un peu les explications surréalistes d'Ouyahia et ses analyses presque amusantes du réel. A quoi bon réformer quand on peut rassasier ? se dit-il, lui ou d'autres par son biais. C'est cette confiance qui explique le retour du Pouvoir au Pouvoir alors qu'il était presque tenté par l'avion il y a quelques semaines. Gageons qu'on en verra beaucoup du genre, de retour de l'effroi, ces jours-ci, avocats «spontanés» de la particularité algérienne, amuseurs publics et soutiens opportuns. Pendant presque trois mois, personne n'a rien dit de ces gens-là et tous attendaient que leur chef prenne le risque de le faire. Aujourd'hui que la vague est passée, tous vont nous revenir pour nous convaincre que l'Etat est stable, c'est-à-dire eux. Pour de bon ? Non. Seulement pour des mois. Derrière les assurances, paysans soupçonneux que nous sommes, intuitifs ruraux que nous restons, on sent bien que la cible de ces prêches, ce ne sont pas uniquement nous : ces gens-là veulent vraiment se convaincre d'abord. Une entreprise vraiment difficile. Le rire du soulagement est là, mais il est jaune. Une couleur visible, même masquée par de grosses moustaches.
Kamel Daoud, Le Quotidien d'Oran
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