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ENTV : Le dernier parti unique en Afrique .

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    ENTV : le dernier parti unique en Afrique

    En 1988, le régime a lâché son parti unique. En 2011, il n'arrive toujours pas à lâcher sa télévision unique. L'histoire de la fin d'un Big Brother, qui ne voit rien et que tout le monde en Algérie est obligé de regarder, est encore longue. Deux remarques sur ce parti analogique.

    1° - On peut voter mais pas zapper : dans le reste du monde, le monopole formel sur l'audiovisuel est une question réglée au XXe siècle. Les médias souffrent de lobbys, de proximité du politique, d'annonceurs ou d'excès de créateurs ou de manque d'auditeurs. Ceci est valable même pour les autres dictatures arabes, en Syrie ou ailleurs. En Algérie, cas unique dans la région, la TV est encore un parti unique, le champ audiovisuel est toujours interdit au privé et les Algériens ont le choix des partis, mais pas celui de zapper entre des chaînes algériennes. La question bloque depuis si longtemps et le Pouvoir en fait une question de vie ou de mort pour lui, que c'en est devenu une revendication de larges pans de la société. Le 15 avril 2011, premier trimestre du printemps arabe, là où des peuples demandaient la chute des régimes et le départ des dictateurs, Bouteflika a annoncé aux Algériens qu'il allait ouvrir le champ audiovisuel. Petit pas d'une étrange insignifiance pour le reste du monde, grand pas vers la liberté de regarder chez les Algériens.

    2°- Je vous donne la télécommande, mais… l'ouverture du champ audiovisuel, cadeau et effet collatéral du printemps arabe en Algérie, est cependant conditionnée, lourdement. Vue d'ailleurs, cela semble capricieux, étrange, stalinien et absolument surréaliste mais il en est ainsi : la télévision algérienne a toujours appartenu au Pouvoir, c'est sa machine de propagande, sa voix et son œil aveugle, sa «boîte magique». Conception socialiste de la TV utilitaire et de l'instrument pour éduquer les masses et première priorité dans le manuel du parfait putschiste. Avec un bon journal TV, les Algériens savaient qui était en grâce dans la hiérarchie du régime, qui était en disgrâce, qui est désormais enterré et qui dit quoi et à qui. On y retrouvait la conception de la culture par le pouvoir, la conception du sexe par le pouvoir, la conception du rire par le pouvoir. «En Algérie, il y a le français comme langue, l'arabe et la langue ENTV», dira un ancien chroniqueur. Comprendre : une langue de bois tournant dans le même champ lexical avec des métaphores staliniennes fétiches : réalisations grandioses, prévisions, dépassements, inaugurations, refus d'ingérence, complot ourdi, masse des travailleurs, amour de la patrie... Du coup, certains aiment parler des rares bugs de cette machine : un streape-tease en arrière plan durant un film mal «filtré» ou une blague sur un Président algérien racontée par un gamin lors d'une émission il y a des années (l'enfant réapparaît ensuite, cinq minutes après l'interruption des émissions, une joue rouge et des larmes aux yeux), etc.

    La télévision algérienne est donc un parti unique, unique dans la région. L'enfant unique du Pouvoir unique né du parti unique. En annonçant qu'il «ouvrira» le champ audiovisuel, le régime a exprimé presque un grand chagrin idéologique : perdre son instrument favori, signant la fin d'une époque. Cela se fera donc avec de si lourdes conditions que personne n'y croit à la fin.


    par Kamel Daoud

    Le Quotidien d'Oran

    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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