Le printemps s'est miraculeusement arrêté à Oum Teboul !

C'est au fond la démarche qui a cours depuis le début, dans l'émeute, de l'année 2011. Le pouvoir a décidé de ne pas discuter et de ne pas débattre du contenu de la réforme. Il mène les choses en solitaire. Même la perche tendue par certains partis alliés au Président de mettre sur le dos du FLN la faible portée des changements introduits n'a pas été saisie. Ce qui relève de la pure franchise, le FLN ne pouvant s'opposer à rien.
En matière de changement homéopathique ou purement sémantique, on peut relever, avec une certaine ironie, que les régimes algérien et marocain ont adopté la même démarche. Au Maroc, le Roi n'a aucun doute que la crise politique n'existe pas dans son pays et que ses sujets l'aiment et le soutiennent. Il y a juste quelques «trublions» du Mouvement du 20 février «infiltrés» par les islamistes et les gauchistes qui essaient de donner mauvaise presse au Maroc. Pour le reste, le peuple est satisfait et le monarque, visionnaire, prend de lui-même l'initiative de la réforme. Il a créé pour cela une commission pour amender la Constitution et lui a fixé les contours ou les lignes à ne pas dépasser. L'expertise de la commission du Roi a consisté à faire dans le glissement sémantique pour donner une apparence de changement sans le changement. Démarche gérée avec le soutien médiatique de Paris, qui n'était pas loin de présenter ce changement des mots par des synonymes comme une quasi-révolution.
On attendra, pour la suite, la commission algérienne de révision de la Constitution, mais nous avons eu droit à une commission de dialogue dont le rôle a consisté à faire le greffe pour une liste de personnes et de partis invités par le pouvoir. Et qui sont censés incarner une majorité sur la base de laquelle les «réformes» ont été faites.
Pour l'onction extérieure, de passage à Alger, le ministre français de l'Intérieur s'est fendu à son tour d'une appréciation sur le processus algérien en se disant «impressionné» par les textes adoptés. Il n'y aura sans doute pas autant de «chaleur» française pour approuver les «réformes» algériennes que pour les marocaines, mais l'essentiel y est.
La similitude algéro-marocaine est telle qu'on se demande pourquoi les deux pays ne parviennent pas à résoudre leurs problèmes bilatéraux. Il faut ajouter que le Maroc officiel sait mieux «vendre» sa réforme immobile que l'Algérie officielle. Il peut aller jusqu'à s'offrir un Premier ministre BCBG. Cela n'empêche pas qu'en dépit de «l'image», l'immobilisme politique, qui peut se permettre de modifier des textes fondamentaux sans aucune conséquence, est un trait commun entre les deux pays. «L'Occident» géographique du monde arabe que sont l'Algérie et le Maroc croit pouvoir rester en marge du «printemps», dont les effets s'arrêteraient, miraculeusement, à Oum Teboul. Or, justement, les Algériens et les Marocains observent avec attention ce qui se passe au-delà d'Oum Teboul.
par K. Selim
Le Quotidien d'Oran
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