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Des faubourgs de Damas à Bouira...L’itinéraire d'un réfugié syrien

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  • Des faubourgs de Damas à Bouira...L’itinéraire d'un réfugié syrien

    Au moment où la France et les USA s'apprêtent à entrer en guerre contre le régime de Bechar Al Assad, pour motif de présumées attaques chimiques à l'encontre des civils syriens, nous avons décidé de nous intéresser au cas des réfugiés syriens présents sur le sol algérien.

    Selon les dernières estimations du gouvernement, leur nombre serait de 12 000 ressortissants, répartis à travers l'ensemble du territoire national. Au niveau de la wilaya de Bouira, la présence de plusieurs dizaines d'exilés syriens a été signalée, toutefois, aucun chiffre officiel ne permet de les quantifier. Très discrets, à peine qu'ils se distinguent du reste de la population, les hôtes malgré eux de Bouira, cultivent l'art de se fondre dans la masse. Qu’ils soient illégaux ou avec des papiers dûment établis, les syriens de Bouira ne veulent en aucun cas attirer l'attention sur eux et font en sorte que leur séjour soit le moins remarqué que possible.

    Du camp de Zaatari à la Place Rabiaa El Adawiya....

    El Hadj Mhamed Hcine est l'un de ces réfugiés qui ont choisi de faire « escale » à Bouira. Ce sexagénaire, à l'allure fringante et la démarche agile, peut être aisément assimilé à monsieur tout le monde et rien n'indique en lui qu'il est un enfant du Cham. Pourtant, un détail le trahit, son accent! Ce réfugié, que nous avons rencontré aux abords du quartier Zemmour Arab et plus précisément à la cité des 130 logements, a bien voulu nous raconter son périple qui l'a conduit des faubourgs de Damas jusqu'aux camps de Jordanie, en passant par l'Egypte.

    Notre interlocuteur nous fera savoir qu'il a quitté son pays il y a de cela 16 mois, après que la zone des combats s’est approchée de sa ville. « Je suis de la périphérie de Damas et plus exactement du quartier du Sayida Zineb. Au mois de janvier 2012, les combats entre El Thouar (insurgés, NDLR) et l'armée d'Al Assad ont atteint la sortie-nord de la ville, entre le boulevard des Omeyyades et le parc Tachrine », nous a-t-il déclaré d'un ton calme. Interrogé sur les conditions qui l’ont poussé à quitter son pays, M. Hcine dira d'une voix grave : « C'était la guerre de toutes parts! On entendait des obus s'écraser sur les habitations voisines et on priait Dieu, qu'il nous épargne ». Poursuivant son histoire, ce réfugié nous expliquera que devant l'intensification des combats, il prit la décision de quitter la Syrie, y laissant tout derrière lui.
    « J'ai abandonné tous ce que j'ai construis en 60 ans! J'ai tout laissé derrière moi (...) un lundi, j'ai décidé de prendre ma femme et mes deux petites filles et de quitter la Syrie. Je n'avais pas le choix, c'était ça, ou périr! », nous a-t-il confié. Ensuite, il nous raconta son long et périlleux voyage jusqu'au frontières entre la Syrie et la Jordanie. « On a loué un taxi, qui nous a transportés vers la ville de Derra, située à 200 kms au sud de Damas. Notre transporteur faisait partie de l'insurrection, mais cela on l'a appris bien plus tard. Ensuite, nous avons passé le check point (barrage de l'armée, NDLR) de la ville d'El Souwydiya, à 300 kms plus au sud », a-t-il évoqué. Abordant son passage au poste frontière avec la Jordanie, situé dans la ville d’El Mafrek, à l'extrême sud de la Syrie, notre vis-à-vis nous avouera qu'il a eu la peur de sa vie. « On a présenté nos passeports, mais les gardes frontières avaient la fiche signalétique de notre chauffeur. Il a tout de suite été embarqué et je ne l'ai plus revu.
    Moi, ma femme et mes petits enfants, on a subit un véritable interrogatoire. Ils nous ont relâchés au bout de quatre heures! C'était les plus longues heures de ma vie! ». Une fois arrivée en Jordanie, ce réfugié a été directement conduit au camp Zaatari, une ville située au nord du pays. Selon notre interlocuteur, ce camp de réfugiés compterait, pas moins de 200.000 de ces compatriotes. « Zaatari est un désert, un aride où la température grimpe jusqu’à plus de 50 degrés. Il y a en permanence des tempêtes de sable. Dans cette ville, tout est couvert d’une épaisse couche de poussière. Les gens aussi. On a vécu comme des chiens! Mais c'est toujours mieux que la mort », dira-t-il en levant les bras au ciel. Et de poursuivre son histoire: « On s'est installé dans ce camp avec d'autres compatriotes qui ont fuit les affres de la guerre. D'ailleurs, on a trouvé une aide précieuse de la part des gens de l'UNICEF. Ma femme soufrait d'une diarrhée aiguë et les petites filles commençaient à avoir des tâches sur tout le corps. Heureusement qu'il y avait les médecins de l'Unicef pour nous porter assistance », soulignera-t-il. Interrogé sur la durée de son séjour au sein de ce camp, ce réfugié nous dira que sa femme et ses filles y sont toujours. Quant à lui, il a du partir pour chercher du travail. Oui, à son âge! « Je suis un artisan forgeron.

    J'ai travaillé à Amman pendant six mois. Par la suite, j'ai dû arrêter, car les gens me regardaient d'un mauvais œil! Vous savez, être un étranger et en plus un exilé, ce n'est pas évidant! ». Continuant sur sa lancée, M. Hcine notera qu'après la capitale Amman, il tentera sa chance dans la ville de Maan, à une centaine de kilomètres au sud. Il travaillera, tour à tour, comme soudeur, puis charpentier, mécanicien et même livreur de journaux. Mais un beau jour, les autorités jordaniennes décideront de mettre fin à tout cela, en effectuant une descente dans le milieu des travailleurs clandestins. « J'ai passé deux jours dans les geôles de Maan, avant d'être relâché.

    Suite à cette mésaventure, j'ai décidé de quitter la Jordanie pour l'Egypte. Toujours en continuant d'envoyer de l'argent à ma famille dans le camp de Zaatra, par l'intermédiaire des connaissances que je me suis faite dans ce pays », racontera-t-il. Une fois arrivé en Égypte, ce réfugié de guerre, s'est établi dans la banlieue du Caire et plus exactement dans la petite bourgade de Nahya. « Depuis novembre 2012, je me trouvais à Nahya, où je travaillais dans une libraire. Les livres, c'est une grande passion chez moi! Quand j'étais enfant, je dévorais les romans d'Alexandre Dumas et Victor Hugo », nous fera-t-il savoir en esquissant un large sourire

    . Mais alors, pourquoi est-il venu en Algérie? À cette question, ce monsieur nous répondra d'un air dépité. « Comme vous devez sans doute le savoir, en Égypte comme en Syrie, c'est la guerre! Et avec les derniers événements de la place d'El Rabiaa El Adawiya, je ne me sentais plus en sécurité. De plus, entre cette place et Nahya, il doit y avoir tout au plus une dizaine de kilomètres. Très franchement, je me suis revu dans mon quartier de Damas », a-t-il fait remarquer. Et d'ajouter: « Avant d'atterrir à l'aéroport Houari Boumediene, j'avais pensé à aller me réfugier en Tunisie ou bien rentrer en Jordanie. Mais j'ai opté pour votre pays, car il est le plus stable de la région ».

    "Votre pays a recouvré la paix, le nôtre peut le faire aussi!"


    Par la suite, on lui a demandé, depuis quand il se trouvait en Algérie et plus précisément à Bouira et il nous a répondu : « Je suis arrivé à Alger au mois de mars dernier. Dès lors, les autorités algériennes se sont formidablement occupées de moi. J'ai passé plus d'un mois et demi au camp de Sidi Fredj ».

    Et à la question, pourquoi l'a-t-il quitté ? Notre interlocuteur nous dira qu'il s'est lié d'amitié avec un Bouiri, qui l'a invité chez lui pendant tout le mois de Ramadhan. « Franchement, je suis ébloui par la générosité du peuple algérien. Il est accueillant et compatissant. L'un d'eux, m'a gracieusement hébergé tout au long du mois de carême. Partout où je suis allé, on ne m’a pas réservé un tel accueil », s'est-il réjouit. Questionné sur le fait, s'il est toujours abrité chez ce citoyen, M. Hcine avouera qu'il ne souhaitait pas « s'incruster » et qu'il a décidé de louer une chambre d'hôtel. « Actuellement, je suis dans un hôtel au centre-ville, mais je compte repartir bientôt en Jordanie. Car, j'ai appris que ma femme était souffrante ».

    Enfin, interrogé sur la situation qui prévaut en Syrie et les menaces, plus que sérieuses, d'une intervention militaire, ce réfugié s'est montré assez prudent et réservé sur le sujet. « Que dire... Cela fait presque deux ans que je n'ai pas mis les pieds dans mon pays. Je suis meurtri et déchiré de le voir ainsi. Les seuls nouvelles que j'ai, ce sont celles que je vois à travers les chaînes d'informations et quelques rares entretiens téléphoniques avec mes frères restés au pays. J'espère une seule chose, que l'effusion de sang cesse et que le peuple syrien réapprenne à vivre en paix. Votre pays l'a bien fait, pourquoi pas nous? », s'est-il contenté de dire. Le cas de M. Mhamed Hcine est loin d'être isolé. Ils sont des dizaines de réfugiés à avoir fui la guerre civile dans leur pays.

    Ainsi, dans la commune d’Aïn Bessem, notamment durant le mois de Ramadhan dernier et jusqu'à présent, ces exilés occupent les trottoirs afin d'y exercer la mendicité. En effet, c'est dans un état de précarité et de dénuement avancé qu'ils occupent plusieurs places publiques et rues pour tenter de survivre de l’aide financière et matérielle que leur accordent, avec générosité, les habitants de la commune d’Aïn Bessem. Ainsi, et en l’absence de toute association à même les encadrés et de prendre en charge leurs préoccupations, ils tentent de survivre aux moyens du bord. L’unique « travail » qui leur est possible est celui de faire la manche. Pour cela, ils envahissent les abords des mosquées et les places publiques pour mendier quelques dinars, que les riverains leur offre volontiers.

    En groupe ou en famille, ses réfugiés n’ont pas de gîte où passer la nuit. Discrets, ils passent presque inaperçus, n’était le marmonnement des enfants rongés par la faim et les saletés, qui accompagnent leurs parents dans leur pérégrination. Les femmes quant à elles, se sont habituées aux mosquées, notamment celle du centre-ville. Adoptant la même stratégie de mendicité appliquée par ses jeunes compatriotes, elles présentent à tout venant leurs passeports. Elles les tiennent précieusement en main, comme pour se convaincre d’un proche retour au pays.

    Interrogée sur les conditions de vie en Algérie, une vieille dame syrienne avoue qu’elle a fui la guerre civile dans son pays pour suivre ses jeunes garçons en Algérie où ils rêvaient de s’installer depuis leur plus jeune âge. « J’ai laissé mes deux petites filles au pays. Ici le seul moyen possible pour survivre et de faire la manche », nous dira-t-elle d’une voix tremblante. Ajoutant qu’elle quitterait bientôt l’Algérie pour s’installer aux camps des réfugiés syriens en Turquie. Bon nombre de citoyens d’Aïn Bessem n’ont pas manqué d’exprimer leur étonnement quant à l’absence d’une prise en charge adéquate à ces réfugiés, victimes du conflit en Syrie et dont la présence en Algérie est imposée par les traditions séculaires de fraternité et d’amitié entre les deux peuples.

    Ramdane B. et Oussama K.- la dépêche de kabylie
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