La nécessaire présidentielle de transition vers la 2ème République
par Brahim Tazaghart
Depuis le remaniement ministériel et le réaménagement au niveau de l'institution militaire décidé le 11 septembre dernier par le président de la république, une question ne cesse de trôner sur les couvertures de plusieurs journaux nationaux : Le général de corps d'armée Mohamed Mediéne, connu sous le nom de Toufik, est-il fini ?
Face à cette interrogation qui a conditionné depuis, le débat politique national, nous nous sommes imposé un certain nombre de questions :
Y a-t-il vraiment un conflit au sommet de l'Etat entre le " clan " présidentiel dirigé M. Bouteflika et celui du DRS sous l'autorité du général Toufik ?
Pourquoi se donnent-ils en spectacle et se bagarrent-ils par journaux et personnalités politiques interposés alors qu'ils étaient les meilleurs alliés lors de la présidentielle de 2004 ?
Face à une élection présidentielle à haut risque, et dans une conjoncture régionale et internationale trouble et mouvante, peuvent-ils s'affronter sans mettre en péril l'avenir du pays ?
AU COMMENCEMENT, LES REVELATIONS SUR LA CORRUPTION
Des révélations sur l'implication des proches du président dans des affaires de corruptions ont fait les unes des journaux durant longtemps, jusqu'à récemment encore. Des noms et des documents sont divulgués, des sommes faramineuses sont avancées, des anciens responsables se sont mis de la partie à travers des entretiens et contributions médiatiques. Sur l'autre rive de la méditerranée, la justice italienne s'est mise en branle...
Ces révélations, aussi fracassantes qu'inattendues, suffisent-elles pour affirmer la vérité d'un clash entre les " clans " cités plus haut ?
Beaucoup de plumes et d'hommes politiques ont répondu par l'affirmative. Ils ont largement discouru sur " le démantèlement " du DRS et sur la victoire finale (?) du président de la république.
Le 27 juin dernier, Hicham Aboud, ancien chef de cabinet de Mohamed Betchine à la Sécurité Militaire, et comme pour préparer la scène et mettre les contours, confiait à Mustapha Benfodil sur les colonnes du journal El Watan : " Ce pays est gouverné par Saïd Bouteflika, qui fait peur au DRS. Gaa ikhafou mennou (ils ont tous peur de lui)"
Après le remaniement, des voix qui donnaient le président comme mort et enterré et exigeaient son remplacement immédiat, se réveillent troublées : " Il vient de terrasser tout le monde, même l'armée est mise au pas ! " Foudroyons coup politique en fait !
Dans une chronique intitulée : " Que cachent le nouveau gouvernement et la défaite du général Toufik ? ", Mohamed Benchicou écrivait : " Autrement dit, pour la première fois depuis l'indépendance, les services de renseignements sont marginalisés. "
A la lecture de ces affirmations et d'autres que nous ne pouvons toutes citer, une question s'impose : Peut-on croire ces honorables messieurs au fait des secrets des coulisses du pouvoir ?
Si beaucoup de personnes prennent pour vérités absolues leurs déclarations, il nous est difficile de les admettre. Leurs analyses ressemblent plus à des fables qu'à autre chose.
De notre point de vue, le maintien de M. Youcef Youcefi, natif de la ville de Batna et ancien ministre de l'énergie du président Zeroual et néanmoins successeur de M. Chakib Khellil à la tête du secteur le plus stratégique de l'Etat, signifie qu'aucun bouleversement des rapports de force entre les centres de décisions n'est à signaler, cela d'un coté.
D'un autre coté, il faut avouer que l'étonnement de certains " opposants " et analystes quant à la nomination des proches du président aux ministères de l'intérieur et de la justice nous laisse dubitatifs. Signifie-t-il que les anciens ministres de ces départements, à l'instar de M. Zerhouni, ne l'étaient pas ? Nullement. Tout le monde sait que le président n'a nommé que des hommes proches de lui et adepte de sa politique aux postes sensibles, sauf rares exceptions. " Le gouvernement est là pour exécuter le programme du président ", aiment à répéter les ministres de la république, à leur tête M Abdelmalek Sellal, et avant lui, M. Ahmed Ouhayia.
L'OCCULTE ET LA QUETE DE LA COMPREHENSION
Ces lectures que nous tentons montrent qu'il n'est pas dans les mœurs du pouvoir de rendre publique ses divergences de manière à permettre à la société de donner son avis et de participer au débat. Inondée par une avalanche d'informations aussi contradictoires qu'invraisemblables, et des lectures qui vont dans tous les sens, celle-ci est obligée de procéder par recoupements, lecture entre les lignes et déduction pour pouvoir se faire une idée de la situation politique nationale qui, normalement, la concerne en premier chef !
Dans cette quête de compréhension, il est utile de se demander :
Quelles-sont les divergences politiques entre la présidence de la république et le Département du Renseignement et de la Sécurité ?
Peut-on inventorier ces divergences afin de se faire une opinion claire sur l'identité, les valeurs politiques distinctes de chacun des supposés protagonistes ?
La réponse ne peut être qu'incomplète et inachevée.
Si nous sommes en mesure de répertorier les choix politiques et les positions de la présidence, ceux du DRS demeurent inconnus de toutes et de tous ; et ce n'est pas les déclarations d'un tel ou un tel autre ex-officier qui vont nous édifier et éclairer nos lanternes.
D'ailleurs, doit-il, en vertu des règles régissant les Etats de droit et la constitution en vigueur dans notre pays, avoir une autre politique que celle de l'institution présidentielle à laquelle il participe à l'élaboration et à l'exécution dans les domaines qui le concerne ?
Certainement pas, même si, dans la réalité, il détient d'énormes leviers de décisions politiques qui lui assurent une présence prépondérante.
INFLATION D'INITIATIVES ET CONFUSION
La société " politique d'opposition ", active médiatiquement à l'exemple de Jil El Jadid de M. Sofiane Djilali, est-elle en train de participer au débat politique national ou s'insère-t-elle simplement dans un scénario comme chœur ?
Des véritables opposants diront certains, dont les plus en vu sont Sofiane Djilali, Ahmed Ben Bitour, qui viennent d'ailleurs d'être renforcés par Abderahmane Belayat, ne peuvent que féconder le débat politique nationale de part leurs passés et leurs expériences !
Bien, dirions-nous ! Seulement, pour répondre à notre première question, posons-la autrement : Que propose-elle au fait ?
En dehors des commentaires sur la maladie du président, de la demande de l'application de l'article 88 pour l'évacuer, (une forme plus soft de Irhel - dégage !) puis, de l'opposition à toute réforme constitutionnelle avant la prochaine présidentielle, cette opposition n'a formulée aucune démarche de sortie de crise qui implique la population.
Aux moments forts de la compagne pour l'application de l'article 88, aucun candidat pouvant la représenter n'a été mis en avant pour piloter cette entreprise et partir résolument à la conquête de la présidence ; sachant que dans le cas d'une application immédiate de cet article, une élection anticipée aurait été organisée dans les 60 jours qui auraient suivis !
Cela nous pousse à se demander :
L'objectif de l'application de l'article 88 est-il le remplacement de M. Bouteflika par une personnalité apte à conduire une transition vers la démocratie, ou simplement de le faire partir ?
Dans ce cas, qui sera le nouveau locataire d'El Mouradia ?
Par qui sera-t-il choisi ?
Qui peut garantir qu'après le départ de l'actuel président avant terme, la situation serait meilleure, que le pays ne connaitrait pas une dégradation incontrôlable ?
Le retour de l'armée sur le devant de la scène en cas de dérapage, arrangerait-t-il les affaires de cette dernière et du pays ?
Poussons le questionnement plus loin :
Est-il politiquement judicieux de s'attaquer au président de la république avec virulence, sans retenue, usant d'insultes et de menaces, lorsqu'on sait que l'homme est plus que marqué par la gestion de l'après Boumediene et les années de vaches maigres qu'il a vécu suite à son évacuation du pouvoir ?
En plaçant la rancœur et la vengeance au cœur de la démarche politique, ne sont-elles pas les conditions objectives de l'éclatement et de la dérive qui sont mises en place ?
Chacun sait que la modernité politique est avant tout la capacité de prévoir, d'anticiper, de ne rien laisser au hasard tant le sort de la nation dépend des actions des acteurs publics.
Commentaire