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«Oublier les victimes du terrorisme, c’est les tuer une deuxième fois»

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  • «Oublier les victimes du terrorisme, c’est les tuer une deuxième fois»

    C’est un livre que tout Algérien qui éprouve un minimum de respect pour la mémoire des victimes des années 1990 devrait avoir dans sa bibliothèque affective.

    Son titre : Votre fatwa ne s’applique pas ici. Histoires non-dites de la lutte contre l’intégrisme. Un ouvrage magistral signé Karima Bennoune, fille de l’éminent anthropologue Mahfoud Bennoune.


    Karima Bennoune est professeure de droit international à l’université de Davis (Californie). Elle était l’invitée, hier, du Centre d’études internationales du journal El Khabar, dirigé par le charismatique Ahmed Bédjaoui. C’est dans l’ambiance conviviale d’un restaurant de Ben Aknoun, le Rosso Nero, que la rencontre a été programmée. Transformé pour l’occasion en salle de conférences, le petit resto a vu affluer plusieurs figures du combat des familles des victimes du terrorisme pour la justice et la vérité. Citons, en l’occurrence, Cherifa Kheddar (présidente de Djazaïrouna), Adnane Bouchaïb de l’association Somoud, ou encore l’héroïque Houria Zenoune, mère de Amel Zenoune, cette jeune étudiante en droit assassinée le 26 janvier 1997 près de Sidi Moussa.

    Karima Bennoune entame sa conférence par un hommage à Omar Ourtilane, rédacteur en chef à El Khabar, assassiné le 3 octobre 1995.«J’ai présenté le livre aux Etats-Unis et en Europe, mais cette présentation au forum du journal de Omar Ourtilane revêt une signification particulière pour moi», confie l’auteure, avant de lancer : «C’est le courage des Algériens qui a inspiré mon livre.»
    L’ouvrage colossal de Karima Bennoune, paru tout récemment aux Etats-Unis, chez Norton&Company, sous le titre Your fatwa doesn’t apply here, est le fruit d’un travail de terrain extrêmement fouillé, précis et courageux. Pour les besoins de son livre, la professeure Bennoune a sillonné tous les points chauds de la planète, au péril de sa vie, pour recueillir la parole des femmes et des hommes qui résistent aux formes les plus fascisantes de l’islamisme. Elle a réalisé quelque 300 interviews dans une trentaine de pays (Afghanistan, Pakistan, Palestine, Tchétchénie, Mali, Egypte, Somalie, Soudan, Niger, Turquie, Tunisie…).

    Ce travail gigantesque était motivé, entre autres, par le désir de «changer les stéréotypes des Américains vis-à-vis des musulmans et les personnes de culture musulmane en montrant une vision différente de celle colportée par les médias ‘mainstream’ en Occident», explique l’auteure. «Tout le monde connaît Ben Laden mais on ne connaît rien de ceux qui ont parfois risqué leur vie contre les Ben Laden de leurs pays», déplore-t-elle. Considérant que «les histoires ont une puissance plus forte que l’analyse théorique», Karima Bennoune a gratifié l’assistance, moyennant data-show, d’une galerie de portraits de ces militants du quotidien qui, de Kaboul à Kidal et de Karachi à Alger, luttent quotidiennement contre tous les extrémismes en exposant leur vie. Dans sa présentation, la conférencière a réservé une place particulière aux victimes algériennes qui traversent son livre : maître Mokhtar Bouchaïb, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Médéa, enlevé le 16 décembre 1995 ; Lila et Mohamed Réda Kheddar, respectivement avocate et architecte, assassinés à Blida le 24 juin 1996 ; Amine, le fils de Nassera Dutour, disparu depuis le 30 janvier 1997 à Baraki, ou encore nos confrères du Soir d’Algérie, Mohamed Dorbane, Allaoua Aït Mebarek et Djamel Deraza, tués dans l’attentat perpétré contre la Maison de la presse le 11 février 1996.

    Karima Bennoune termine son exposé en bloquant le data-show sur la montre de Amel Zenoune, dont les aiguilles ont arrêté les battements du temps à 17h17. «C’est pour montrer qu’il n’y pas de temps à perdre pour lutter contre l’oubli», martèle Karima. «Il faut écrire, filmer, archiver, ériger des stèles», plaide énergiquement la fille de Mahfoud Bennoune. «Ceux qui n’apprennent pas l’histoire sont condamnés à la revivre», insiste-t-elle. Nous sommes bien obligés, à ce propos, de dire la violence que constitue pour les familles des victimes du terrorisme aussi bien que celles des disparitions forcées la loi sur la «moussalaha». «C’est de l’oubli codifié», s’indigne Karima Bennoune. «Pour moi, c’est comme si on tuait ces gens une deuxième fois si on oublie leur histoire, ce qu’ils ont subi.» Non, ils ne mourront pas deux fois. Merci Karima Bennoune !

    Mustapha Benfodil- El Watan

  • #2
    Ajouad fait un travail formidable sur la mémoire des morts.
    Il est important de commémorer la date macabre d’assassinat de chacune des victimes du terrorisme
    le 13.05.11 | 01h00
    [IMG]http://ajouadmemoire.files.**************/2011/11/196089_345767128826402_1675470897_n2.jpg?w=698&h=3 75[/IMG]
    A travers une nouvelle association, Ajouad Algérie Mémoires, iNTERVIEW veulent aujourd’hui rendre hommage aux victimes du terrorisme. En faisant connaître leurs œuvres, en exposant leurs photos ou en leur dédiant une journée, le 22 mars. Pour que malgré les lois, ils ne soient pas oubliés. Car pour ces deux orphelins de la décennie noire, sans passé assumé, sans parole libérée, il n’y a pas d’avenir possible.
    -Vous êtes les fondateurs de l’association Ajouad Algérie Mémoires, dont vous êtes la secrétaire et le président. Pouvez-vous nous en rappeler les objectifs ?
    Amel Ferdeheb. Notre objectif principal est de mettre en place une journée commémorative nationale en Algérie pour les victimes de l’intégrisme islamiste pendant la décennie noire. Nous nous sommes fixé la date du 22 mars. Une date symbolique, puisqu’elle fait référence aux deux marches consécutives qu’il y a eu en Algérie en 1993 et 1994. Lors de ces marches, la population a répondu spontanément pour clamer son ras-le-bol du terrorisme, des massacres et du climat de terreur qui régnait à l’époque. A travers Ajouad, nous souhaitons également nous associer à des structures qui existent déjà sur le terrain, et qui viennent en aide aux victimes du terrorisme face à leur traumatisme. Le nom Ajouad, symbolique, est un clin d’œil à Abdelkader Alloula, puisque c’est le titre de l’une de ses pièces de théâtre. La signification en arabe est tout aussi symbolique : «les généreux». Elle correspond, à mon sens, parfaitement à l’esprit que cultivaient nos disparus. Ils ont été justes et généreux, comme l’indique ce mot en arabe.
    Nazim Mekbel. Nos objectifs sont multiples, mais nous cherchons principalement à valoriser les œuvres, travaux et créations des personnalités connues assassinées durant la décennie noire, de Boucebci à Boukhobza, en passant par Hasni, Matoub, Chouaki, Sebti… A retrouver l’identité des anonymes qui ont fait les frais de l’atrocité intégriste en payant de leur vie, donner un nom à toutes ces personnes tuées dans des attentats, des corps retrouvés ici et là. A contribuer, en collaboration avec l’existant, à aider les victimes de traumatismes liés aux événements. Et comme l’a dit Amel, à créer une journée de la mémoire le 22 mars, que cette date soit reconnue et institutionnalisée.
    -Pourquoi attendre aujourd’hui pour monter une telle association ?
    Nazim Mekbel. Demandez autour de vous qui était Boukhobza ? Quelle était la profession de Belkhenchir ? De citer un livre de Djaout ? Peu de personnes sauront vous répondre. Rendez-vous compte, nous parlons là de 200 000 vies humaines laissées au bord de l’histoire de notre pays. Nous nous devons de respecter nos morts, ne serait-ce que par dignité vis-à-vis de nous-mêmes et peut-être un jour, verrons-nous s’ériger un mémorial… Et puis, il y a ces publications aussi malheureuses que maladroites sur certaines de nos personnalités assassinées, remplies d’erreurs et d’anecdotes farfelues. Une biographie édulcorée qui nous offre une histoire tronquée. Cela est dommageable autant pour leur mémoire que pour notre histoire future. En 2006, j’avais écrit un article intitulé La Liste, j’y décrivais les commémorations partisanes, selon l’affiliation politique ou l’affinité régionale ou professionnelle.
    Puis j’en ai eu assez d’écrire pour dire «Souvenez-vous !». J’ai donc pensé à réunir toutes les familles, qui comme moi, agissent de façon isolée.Amel Ferdeheb. Parce que nous voulons honorer la mémoire de nos victimes. Ce travail de mémoire est aujourd’hui un devoir. Il est important et absolument nécessaire de commémorer la date macabre d’assassinat de chacune des victimes du terrorisme islamiste afin que nul n’oublie. Les victimes connues – journalistes, médecins, professeurs, ingénieurs…- ainsi que les anonymes dont on ne parle jamais – les égorgés des faux barrages, les filles enlevées, les scouts de Mostaganem, le berger, les victimes de l’attentat de l’aéroport d’Alger… – et la liste est bien longue… De rappeler à l’ensemble de la population combien leur combat était noble, que leur lutte n’a pas été vaine, qu’elle répondait à un cheminement laborieux, précis, acharné, à un idéal de paix, de fraternité et d’ouverture au monde. Ils ont œuvré et travaillé dans ce sens. Ils ont tout donné pour leur pays, jusqu’à sacrifier leur vie. Et en faisant connaître les œuvres de chacun, nous les maintenons en vie.
    -Lors des manifestations culturelles que vous avez organisées en mars dernier à Paris et à Marseille, l’adhésion du public a été très forte. Comment expliquez-vous un tel succès?
    Amel Ferdeheb. Le 22 mars à Paris, nous avons organisé une soirée commémorative durant laquelle nous avons exposé des photos de personnes assassinées -Boudiaf, Sebti, Mekbel, Ferdeheb, Chergou, Medjoubi, Alloula…- et moins connues -Yamaha, Karima Belhadj, un policier et son épouse… Nous avons projeté un extrait de la pièce de théâtre de Abdelkader Alloula, El Ajouad, puis nous avons fini la soirée avec des lectures de textes. Le 27 mars, nous avons également organisé un concert contre l’oubli, afin de nous faire connaître et récolter des fonds. Beaucoup d’artistes ont répondu présent : Amazigh Kateb, Cheikh Sidi Bemol, Gaada Diwan Bechar, Samira Brahmia, Essi Moh… Et pour finir, une autre soirée commémorative s’est tenue à Marseille, autour du film L’arc-en-ciel éclaté, de Belkacem Hadjadj, avec la participation de la psychologue qui a travaillé avec les enfants rescapés de Raïs.
    Beaucoup de gens ont adhéré à notre association, car nous n’avons fait que concrétiser le souhait qui sommeillait en chacun de nous. Durant ces longues années dramatiques, de nombreuses personnes de bonne volonté n’ont cessé de réfléchir à la façon de rendre hommage à nos parents, frères, sœurs… Nous avons aussi été rejoints par d’autres personnes qui n’ont pas forcément vécu la décennie noire, des Algériens de France et d’ailleurs, des Français, sensibles à notre démarche, et qui nous soutiennent.
    -Honorer la mémoire des victimes du terrorisme, qu’est-ce que ça signifie ?
    Amel Ferdeheb. C’est en parler encore et toujours. Ne pas les ensevelir, ne pas les oublier, car des lois, aujourd’hui, dans notre pays, des lois infâmes tendent à les enterrer une seconde fois. Ne pas les effacer de nos esprits, de la mémoire collective, mais les faire revivre à travers nous, leurs enfants. Nous nous devons d’écrire ces lignes de notre histoire, ainsi nous construirons notre avenir.
    -Vous êtes l’un et l’autre des enfants de personnalités assassinées durant cette sombre décennie. Comment se construit-on après une telle violence ?
    Amel Ferdeheb. A travers la douleur et le désespoir, notre propre nature prend le dessus et fait des efforts que nous ignorons. Nous apprenons doucement à apprivoiser notre douleur, à vivre avec, tout en gardant en mémoire le mal enduré. Petit à petit on se reconstruit grâce au souvenir qui nous dicte qu’il ne faut pas oublier. On se reconstruit parce qu’on se doit de parler de nos victimes. Le passé, aussi douloureux soit-il, ne nous empêche en rien d’évoquer leurs parcours. Nous ne devons pas les effacer mais avancer en parallèle avec eux, et se dire avec sérénité : ils sont là…
    Nazim Mekbel. Pour toute famille, la disparition du père est une tragédie, c’est le repère, le pilier qui disparaît, surtout dans une société comme la nôtre. Pour moi, dont le père était connu, ce qui a été dur, c’est d’entendre à chaque fois cette phrase : «J’ai connu ton père.» On nous a très souvent rappelé qu’on est «fils» ou «fille» de celui qui… On a cette impression de revivre le moment fatal. On vit au quotidien avec cette journée tragique, il faut alors savoir s’en détacher, apprendre à l’écouter avec du recul. C’est long, très long comme processus. Surtout si on n’a pas d’aide psychologique ou qu’on n’en veut pas. Se reconstruire ! Peut-on réellement dire qu’on se reconstruit ? J’en doute, je dirais seulement, qu’on se cloisonne, on balise, on ferme une porte, une partie de nous. Nous connaissons dans notre entourage direct beaucoup de familles dont un membre n’a pas survécu mentalement. Personnellement, je peux dire que j’ai eu de la chance, contrairement à une partie de la société qui a vécu des moments bien plus terribles. C’est à eux qu’il faudrait poser la question.
    Bios express :
    -Amel Ferdeheb, 34 ans, enseignante, a quitté l’Algérie suite à l’assassinat de son père, docteur d’Etat en sciences économiques à l’université d’Oran -le 26 septembre 1994 en sortant de chez lui. Elle entama des études de lettres à l’université de Grenoble.
    -Nazim Mekbel, 45 ans, est journaliste, fils du défunt journaliste Saïd Mekbel, passionné de dessin, il a intégré les éditions algériennes Dalimen en 2004 et est membre du comité d’organisation du premier Festival international de BD d’Alger (FIBDA). En 2009, lors du Panaf’, Mekbel a coordonné l’exposition et la résidence des artistes. Il vit depuis 1994 à Perpignan, en France.
    Keltoum Staali
    Être ou ne pas être Telle est la question sinusoïdale De l´anachorète Hypochondriaque

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