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L’armée en guerre contre la communication

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  • L’armée en guerre contre la communication

    Les «néo-terroristes» maîtrisent davantage que leurs aînés les nouveaux circuits de communication. Larguée, notamment sur les réseaux sociaux, l’armée algérienne n’a d’autre choix que d’entamer sa mue.

    «Le terroriste ne veut pas que beaucoup de gens meurent. Il veut que beaucoup de gens sachent.» La phrase est attribuée au philosophe français Raymond Aron, décédé au début des années 1980. Trente ans plus tard, elle résonne avec acuité au regard des outils adoptés par Jund Al Khilafah. En huit jours, les disciples de Daech ont posté trois vidéos sur internet. La première pour revendiquer l’enlèvement de l’alpiniste français Hervé Gourdel. La seconde met en scène sa sordide décapitation. La dernière en date renouvelle le serment d’allégeance à l’Etat Islamique. Les terroristes y sont une trentaine, dix fois plus nombreux que sur le premier enregistrement.

    Surtout, une quinzaine apparaît à visages découverts. Comme pour narguer le pouvoir au moment où le ministre de la Justice, Tayeb Louh, annonce qu’une partie des ravisseurs a été identifiée. Là encore, Raymond Aron l’a écrit : le terroriste recherche davantage l’impact psychologique que militaire. Les récents travaux des allemands Birgit Bräuchle, Michael Schnegg et Julia Pauli le confirment. L’image n’est plus seulement un moyen d’information, mais une arme dans le conflit pour internationaliser une situation locale et amasser des soutiens à l’extérieur.

    D’où cette question : Jund Al Khilafah a-t-il gagné la guerre de la communication ? Trop tôt pour le dire. Mais le groupe a assurément remporté la première bataille. 29 septembre. Nous tentons de joindre le ministère de la Défense nationale (MDN) pour savoir si le ratissage progresse dans le Djurdjura. Nous parlons à un premier interlocuteur, qui nous en passe un second, puis un troisième, jusqu’à atterrir à la Direction de la communication, de l’information et de l’orientation (DCIO), seule interface d’échanges entre l’armée et les journalistes. «Est-il possible de parler au porte-parole ?» Silence au bout de la ligne. «Euh… Madame, il n’y a pas de porte-parole à l’armée.» «Et le Général Boualem Madi ? Je l’ai entendu à la radio publique avant l’été.»

    Réponse immédiate : «C’est le directeur de la communication, pas le porte-parole. Mais vous ne pouvez pas avoir accès à lui comme ça.» Une procédure stricte a été établie, déclinée par notre interlocuteur : «Vous voulez des informations ? Pas de problème. Vous nous envoyez un fax ou un mail avec votre demande. On vous rappellera pour vous fixer un rendez-vous à Ben Aknoun. Vous venez au rendez-vous. Vous détaillez votre demande. On l’étudie. Et après on vous dit si c’est possible ou pas.» Inouï ? Kafkaïen ? Hors du temps ? Les qualificatifs manquent. A l’heure du web et des chaînes d’information en continu, la communication de l’Armée nationale populaire paraît en décalage avec le tempo médiatique. «Quand on a une information à donner, on envoie un communiqué par fax aux rédactions», ajoute la DCIO. Difficile de faire moins réactif.

    Réseaux

    L’instance est pourtant dotée d’instruments pour communiquer efficacement. Il y a d’abord l’Etablissement des publications militaires, qui édite depuis 1963 la revue El Djeich. Il existe aussi une Entreprise militaire de production audiovisuelle, qui fabrique les supports son et vidéo. Sur le papier, c’est suffisant pour nourrir le robinet à images et le flux continu d’information. Mais les lenteurs ne viennent pas tant des outils existants que des circuits de validation. Exemple avec la rédaction d’un communiqué de presse. A la DCIO, nous demandons qui en a l’initiative. «Je ne comprends pas votre question», élude la personne au bout du fil. Nous insistons : «Qui les écrit ? Une plume de la DCIO ?

    Le directeur de la communication lui-même ? Un membre du cabinet du ministre ? Qui tient le stylo et qui décide du contenu ?» Gêné, l’interlocuteur finit par nous faire savoir qu’il n’est pas habilité à répondre à la question. A la Défense aussi, la bureaucratie dénoncée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, fait fureur. Les conséquences sont beaucoup plus graves. Face aux terroristes, l’armée semble larguée, malgré les victoires enregistrées sur le terrain, comme l’opération menée avec succès en janvier 2013 à Tinguentourine pour mettre fin à la prise d’otages sur le site gazier.

    Le diplomate américain Richard Holbrooke se demandait en 2002 comment «un type dans une caverne» pouvait gagner la bataille de la communication contre les sociétés d’information. C’est là tout le paradoxe des groupes terroristes : réussir à s’approprier les nouvelles technologies pour faire rayonner une idéologie moyenâgeuse. Au début des années 2000, Al Qaîda envoyait ses vidéos à la chaîne qatarie Al Jazeera. Oussama Ben Laden expliquait alors au mollah Omar que 90% de la bataille a lieu dans les médias et 10% sur un champ de bataille. Aujourd’hui, Daech se sert de YouTube pour diffuser ses vidéos, Twitter pour transmettre ses messages dans plusieurs langues, et Facebook pour enrôler de jeunes recrues. En comparaison, l’armée algérienne est peu présente sur les réseaux sociaux. Certes, il existe une page facebook de l’ANP. Non certifiée, elle est en outre très peu alimentée. Les photos postées font penser aux affiches de l’ex-URSS. Un paradoxe de plus : quand les terroristes font de la communication, les autorités semblent se cantonner à la propagande.

    Crise

    Au dynamique, la DCIO préfère le statique. En témoigne l’architecture même du site web du MDN, développé en Flash. Un format inadapté aux sites de contenu. Même logique quand le communiqué est privilégié à la conférence de presse. Au lendemain de l’enlèvement d’Hervé Gourdel, une question se pose : combien d’hommes sont déployés sur le terrain ? Chaque titre de presse avance un nombre. Nous appelons une source proche de la Présidence. «Auprès de qui est-il possible d’avoir l’information ? Une cellule de crise a-t-elle été installée au ministère de la Défense ? A l’Intérieur ?»

    La personne éclate de rire : «Sans vouloir vous offenser, je ne crois pas que l’on fasse ce genre de choses.» Cela a pourtant existé par le passé. Un passé pas si lointain. En plein mois de juillet, le vol AH5017 affrété par Air Algérie s’écrase au Mali. A son bord, une centaine de personnes. Pas une ne survit. En quelques heures, les ministères du Transport, des Affaires étrangères et de la Communication se mettent en branle pour organiser la prise de parole. Amar Ghoul sera le visage médiatique de la crise. Ramtane Lamamra et Hamid Grine tiennent une conférence de presse commune avec lui pour aborder les différents volets de l’enquête. La veille, les télévisions sont autorisées à filmer le centre névralgique des opérations.

    A l’aéroport Houari Boumediène à Alger, une salle est transformée en cellule de crise. Une «war room» comme on en voit dans les séries américaines. Pourquoi ce qui est possible dans le civil semble si compliqué dans le militaire ? La communication obéit pourtant à quelques règles simples. Comme celle de la représentation et du symbole. A cet égard, «The Situation Room» est un chef d’œuvre. La célèbre photographie prise par Pete Souza au sous-sol de la Maison-Blanche montre Barack Obama au côté de l’équipe de sécurité nationale le jour de l’élimination d’Oussama Ben Laden. Les terroristes aussi se conforment à des codes. Sur leur dernière vidéo, les membres de Jund Al Khilafah sont en arc de cercle autour de l’un des chefs. A l’image, divers emblèmes : le Coran, les armes, les munitions et le drapeau de Daech. Le choix de leur victime est lui-même symbolique. Hervé Gourdel n’était pas une personnalité publique.

    A travers lui, c’est la France en tant qu’Etat qui est visée. La dimension symbolique est l’un des points faibles de la communication militaire en Algérie. Autre lacune : l’incompréhension du fonctionnement des rédactions qui engendre une méfiance réciproque dévastatrice en période de crise. Dans d’autres pays, des stages de pression médiatique sont organisés par l’armée. Hier par exemple, le ministère de la Défense français organisait une simulation de cyberattaque terroriste. Les journalistes participent à ces exercices. Le bénéfice est double. Les médias apprennent à connaître le monde militaire. Les militaires se préparent à être assaillis de questions de journalistes. On appelle cela un «mediatraining». Une pratique quasi-inexistante en Algérie. L’armée algérienne a assurément un savoir-faire. Ne reste plus qu’à le faire savoir.

    Neila Latrous- El Watan

  • #2
    Mais vous ne pouvez pas avoir accès à lui comme ça.» Une procédure stricte a été établie, déclinée par notre interlocuteur : «Vous voulez des informations ? Pas de problème. Vous nous envoyez un fax ou un mail avec votre demande. On vous rappellera
    En Algérie tout le monde est responsable et aussi personne n'est responsable quand on en a besoin.. même le président de la ripoublik vous dira je ne suis pas le 1 er responsable.. c'est ça la politique de l'anarchie.. qui favorise la corruption .. être responsable sans l'être.. ne pas être responsable et prétendre l'être..
    Pas à la tique ..

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