Trait d'union entre la France et l'Algérie, l'ancien champion de football a dû aussi affronter pendant son voyage les séquelles du passé.
Au Quatrième jour de son périple dans son pays d'origine, le « dieu des stades » s'est rendu, hier à Béjaïa, à 250 km à l'est d'Alger, à bord d'un hélicoptère officiel, pour inaugurer de nouvelles infrastructures sociales. Malgré le mauvais temps, des foules enthousiastes étaient encore une fois dans la rue pour acclamer leur idole. « Il a porté bonheur à son pays en ramenant avec lui des pluies salvatrices », claironne El Moudjahid, l'austère quotidien gouvernemental. De retour dans la capitale l'après-midi, Zinédine Zidane a donné le coup d'envoi d'un match de football devant 20 000 spectateurs qui scandaient « Vive Zizou ! »
« La France doit demander pardon... de nous avoir piqué Zidane ! » Cette boutade du caricaturiste Dilem révèle tout le malaise suscité par le périple de l'illustre footballeur. Comment peut-on se dire à la fois « fier d'être français, et fier d'être algérien » sans déchaîner les passions ? Les islamo-conservateurs ironisent sur « cet Algérien qui ne parle que le français et dont les enfants portent des noms chrétiens ». Comme en écho, des Français jugent qu'en tant que natif de Marseille, Zidane « est français et rien d'autre. Il n'a rien à faire avec Bouteflika ! » Ces derniers propos, relayés mardi par des chaînes françaises de télévision, ont relancé la polémique à Alger. « Pourquoi personne n'a-t-il trouvé à redire quand Chirac a reçu Zidane, au lendemain de sa victoire en Coupe du monde en 1998 ? » s'est indigné, jeudi, le quotidien El Watan, pourtant hostile au président Bouteflika.
Ce pèlerinage sur la terre de ses ancêtres, l'ex-capitaine des Bleus en rêvait depuis longtemps. Après le séisme qui a dévasté, en mai 2003, la région de Boumerdès (50 km à l'est d'Alger), il a décidé de voler au secours des sinistrés. En pleine lune de miel entre les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, la Fondation de France, chargée de l'opération, collecte 4,9 millions d'euros qui serviront à financer une cinquantaine de projets humanitaires.
Mais brusquement, les démons du passé resurgissent. À la loi française du 23 février 2004 glorifiant les « aspects positifs de la colonisation » répondent les « fours crématoires du génocide de mai 1945 » dénoncés par les dirigeants algériens. Plusieurs fois reporté, le retour de l'enfant prodigue devient, pour le président Abdelaziz Bouteflika qui a supervisé l'opération, un enjeu symbolique. Une affaire d'honneur. En lui envoyant son avion personnel pour le transporter, le chef de l'État algérien a tenu à marquer son territoire. « Zidane est français par le droit du sol ; mais il est algérien par le droit du sang, explique un juriste algérien. Le chef de l'État ne pouvait supporter l'humiliation de le voir acclamé par ses compatriotes comme un étranger. »
Une médaille pour les héros
La Fondation de France qui a préparé le voyage depuis cinq mois et l'ambassade qui l'a aidée en Algérie se retrouvent hors jeu. « La veille de l'arrivée de Zidane, raconte un diplomate, j'ai appelé la présidence algérienne et le ministère de la Communication pour m'informer des modalités d'accréditation des journalistes parisiens arrivés en force. Mes interlocuteurs m'ont répondu qu'ils n'étaient pas au courant de cette visite ! »
Mercredi, le président Bouteflika enfonce le clou. Il accroche sur le veston de Zinédine Zidane la médaille « Athir », la plus haute distinction décernée aux héros de la guerre d'indépendance. Et il fait un clin d'oeil à l'histoire en lui offrant une photo de l'équipe de football du FLN. Présents dans la salle de cérémonie, ces vétérans, qui évoluaient en 1958 dans des clubs français, avaient rallié clandestinement Tunis pour se mettre au service du gouvernement provisoire algérien. Dans la soirée, en recevant la star dans sa résidence officielle, l'ambassadeur de France tente de rétablir l'équilibre : « Je suis heureux, dit-il, d'accueillir le grand Français que vous êtes, dans cette maison où le général de Gaulle avait préparé la libération de la France ». Symbole contre symbole.
Par AREZKI AÏT-LARBI, Le figaro
Au Quatrième jour de son périple dans son pays d'origine, le « dieu des stades » s'est rendu, hier à Béjaïa, à 250 km à l'est d'Alger, à bord d'un hélicoptère officiel, pour inaugurer de nouvelles infrastructures sociales. Malgré le mauvais temps, des foules enthousiastes étaient encore une fois dans la rue pour acclamer leur idole. « Il a porté bonheur à son pays en ramenant avec lui des pluies salvatrices », claironne El Moudjahid, l'austère quotidien gouvernemental. De retour dans la capitale l'après-midi, Zinédine Zidane a donné le coup d'envoi d'un match de football devant 20 000 spectateurs qui scandaient « Vive Zizou ! »
« La France doit demander pardon... de nous avoir piqué Zidane ! » Cette boutade du caricaturiste Dilem révèle tout le malaise suscité par le périple de l'illustre footballeur. Comment peut-on se dire à la fois « fier d'être français, et fier d'être algérien » sans déchaîner les passions ? Les islamo-conservateurs ironisent sur « cet Algérien qui ne parle que le français et dont les enfants portent des noms chrétiens ». Comme en écho, des Français jugent qu'en tant que natif de Marseille, Zidane « est français et rien d'autre. Il n'a rien à faire avec Bouteflika ! » Ces derniers propos, relayés mardi par des chaînes françaises de télévision, ont relancé la polémique à Alger. « Pourquoi personne n'a-t-il trouvé à redire quand Chirac a reçu Zidane, au lendemain de sa victoire en Coupe du monde en 1998 ? » s'est indigné, jeudi, le quotidien El Watan, pourtant hostile au président Bouteflika.
Ce pèlerinage sur la terre de ses ancêtres, l'ex-capitaine des Bleus en rêvait depuis longtemps. Après le séisme qui a dévasté, en mai 2003, la région de Boumerdès (50 km à l'est d'Alger), il a décidé de voler au secours des sinistrés. En pleine lune de miel entre les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, la Fondation de France, chargée de l'opération, collecte 4,9 millions d'euros qui serviront à financer une cinquantaine de projets humanitaires.
Mais brusquement, les démons du passé resurgissent. À la loi française du 23 février 2004 glorifiant les « aspects positifs de la colonisation » répondent les « fours crématoires du génocide de mai 1945 » dénoncés par les dirigeants algériens. Plusieurs fois reporté, le retour de l'enfant prodigue devient, pour le président Abdelaziz Bouteflika qui a supervisé l'opération, un enjeu symbolique. Une affaire d'honneur. En lui envoyant son avion personnel pour le transporter, le chef de l'État algérien a tenu à marquer son territoire. « Zidane est français par le droit du sol ; mais il est algérien par le droit du sang, explique un juriste algérien. Le chef de l'État ne pouvait supporter l'humiliation de le voir acclamé par ses compatriotes comme un étranger. »
Une médaille pour les héros
La Fondation de France qui a préparé le voyage depuis cinq mois et l'ambassade qui l'a aidée en Algérie se retrouvent hors jeu. « La veille de l'arrivée de Zidane, raconte un diplomate, j'ai appelé la présidence algérienne et le ministère de la Communication pour m'informer des modalités d'accréditation des journalistes parisiens arrivés en force. Mes interlocuteurs m'ont répondu qu'ils n'étaient pas au courant de cette visite ! »
Mercredi, le président Bouteflika enfonce le clou. Il accroche sur le veston de Zinédine Zidane la médaille « Athir », la plus haute distinction décernée aux héros de la guerre d'indépendance. Et il fait un clin d'oeil à l'histoire en lui offrant une photo de l'équipe de football du FLN. Présents dans la salle de cérémonie, ces vétérans, qui évoluaient en 1958 dans des clubs français, avaient rallié clandestinement Tunis pour se mettre au service du gouvernement provisoire algérien. Dans la soirée, en recevant la star dans sa résidence officielle, l'ambassadeur de France tente de rétablir l'équilibre : « Je suis heureux, dit-il, d'accueillir le grand Français que vous êtes, dans cette maison où le général de Gaulle avait préparé la libération de la France ». Symbole contre symbole.
Par AREZKI AÏT-LARBI, Le figaro
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