L’Europe plus chère pour les Algériens..
L’augmentation des frais de visa de court séjour (trois mois maximum) pour les pays européens de l’espace Schengen, qui és passe de 35 à 60 euros depuis le 1er janvier, impliquera-t-elle une réduction des mouvements de personnes ? La question est pertinente mais ne fait pas l’unanimité. Certains pensent que rien ne va changer, car les gens paieront ce précieux sésame : la difficulté dans le fond a toujours été de l’obtenir et non de le payer. D’autres pensent que cette décision va dissuader certains de voyager dans l’espace européen.
D’autres destinations profiteront ainsi de cette mesure pour faire le plein. En fait, les postulants protestent contre le non-remboursement des frais. Dans ce contexte, le sentiment de frustration domine. Elle est vécue comme « une injustice », un mot qui revient souvent sur les lèvres. La Trésorerie de France remplit ainsi son escarcelle et laisse un goût amer à tous ceux qui n’ont pas pu avoir le droit de fouler le sol européen. Les autorités consulaires françaises ne sont pas tenues de communiquer les motifs du refus du visa Schengen sauf si celui-ci concerne une personne qui est membre de la famille de ressortissants de l’Union européenne ou quelqu’un qui fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission au sein du Système d’information Schengen (SIS). Il faut distinguer entre plusieurs types de visas. Le visa de court séjour pour des visiteurs venant pour convenances personnelles, les visas de circulation, d’une durée d’un à cinq ans, permettent à des catégories de personnes ne présentant pas de risque migratoire de circuler plus librement et plus facilement (universitaires, journalistes, hommes d’affaires, commerciaux). Etant donné qu’un dispositif trop rigide empêchait beaucoup de ces personnes de partir en France, une ouverture à leur égard a été amorcée dès 1992 afin de favoriser les échanges et la francophonie (des instructions « ciblées » ont été données à l’égard de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne). La durée de validité d’usage des visas a été allongée et le visa de circulation est devenu la norme pour les « élites » auxquelles on le propose même si elles ne le demandent pas. Leur durée ne peut excéder cinq ans, car on ne peut pas donner aux visas une durée supérieure à celle d’un passeport. Les pays du Maghreb constituent le quart des demandeurs de ces visas, précédés par le Liban. Il y a aussi les visas de long séjour. Les délais d’obtention sont plus longs et ces visas sont valables pour un seul pays d’accueil. La décision a été prise par le conseil de l’Union européenne le 1er juin 2006. Ses frais ne sont pas remboursables quelle que soit la décision : octroi ou non d’un visa d’entrée sur le territoire des pays européens de l’espace Schengen. La France a délivré, en 2005, aux Algériens quelque 145 000 visas sur un total de 250 000 demandes. Il faut savoir que 80% des visas pour l’espace Schengen sont délivrés par les autorités françaises. Les demandes de visa seront désormais traitées en Algérie au lieu de Nantes. Francis Heude, consul général de France en Algérie, avait précisé lors d’une rencontre avec la presse que « le nombre de demandes a baissé puisque, en 2001, il était environ de 800 000. Plusieurs explications sont fournies, comme, par exemple, la majoration des tarifs de visa, l’amélioration de la situation sécuritaire et économique en Algérie ou la délivrance de visas selon la formule long séjour ». Cependant, du côté de l’ambassade de France, une source nous rappelle la démarche générale qui vise à ce qu’il y ait « moins de visas pour une meilleure délivrance », tout en soulignant : « La suppression de la consultation préalable des pays européens permet d’avoir le visa en 5 ou 6 jours au lieu de trois semaines. » L’assouplissement des mesures de délivrance est une revendication de longue date des autorités algériennes. Aujourd’hui, tout se fait par correspondance et sur rendez-vous. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur français, en visite en Algérie le 14 novembre 2006, avait annoncé l’assouplissement, plus une manière de relancer le traité d’amitié franco-algérien, toujours au point mort, plutôt que de faciliter réellement la circulation des Algériens dans l’espace Schengen. La consultation préalable, qui ne concernait pas les Tunisiens ou les Marocains, avait été mise en place pour « éviter l’infiltration de terroristes algériens ». Mais Alger la jugeait discriminatoire et a demandé sa suppression.
Prix exorbitants pour une petite évasion
En fait, pour amortir le choc et mieux faire passer la pilule, l’ambassade de France met en avant un argument : le visa Schengen est valable pour plusieurs entrées et dans plusieurs pays alors que si vous voulez aller aux USA, il faut reformuler à chaque déplacement la demande. Ainsi, elle tente d’accréditer la thèse : « Moins de visas ne veut pas dire moins de flux. » Les autres destinations sont aussi chères. Pour aller au Canada, le pays au drapeau à la feuille d’érable, il faut débourser 4750 DA pour une entrée simple, 9500 DA pour des entrées multiples et 8000 DA pour le permis d’études (visa d’études). Les frais sont non remboursables pour ne pas déroger à la règle européenne. Selon les données de l’ambassade du Canada à Alger en 2005, il a été délivré 3500 visas touristiques et 1500 visas d’immigration. Constatant qu’il est important pour les milieux d’affaires américains de faciliter les procédures d’obtention de visas pour leurs employés, partenaires et clients étrangers, le ministère de la Sécurité intérieure et le département d’Etat des USA proposent déjà de nouvelles procédures — elles consistent par exemple à faire participer les entreprises à un programme de traitement accéléré des demandes de visas — et introduiront de nouvelles mesures visant à aider les entre — prises et d’autres voyageurs à entrer aux Etats-Unis, notamment dans le cadre d’un nouveau programme pilote permettant de remplir une demande de visa et de prendre rendez-vous en ligne. Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, le département d’Etat a établi un Centre de visas d’affaires, chargé de faciliter les procédures de demande de visas pour les entreprises américaines prévoyant des déplacements, des réunions ou autres manifestations. Ce centre aide déjà, chaque mois, des centaines d’entreprises américaines et fera l’objet d’améliorations, en fonction de l’expérience des usagers, afin de mieux répondre aux besoins des milieux d’affaires. Afin de réduire le délai d’obtention de rendez-vous pour les voyageurs souhaitant obtenir un visa et de renforcer les pratiques optimales dans plusieurs postes diplomatiques, tous les consulats et ambassades des Etats-Unis ont maintenant adopté des procédures visant à accélérer le traitement des demandes de visa d’affaires et coopèrent étroitement avec les chambres de commerce américaines locales dans plus de 100 pays, afin d’accélérer le traitement des demandes de visa d’affaires émanant de personnes « de bonne foi ».
Le tour de vis de la Turquie
La moyenne d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous est d’un jour et pour l’étude du dossier, 1 à 2 jours. Il n’existe aucun processus d’appel pour le demandeur dont le visa américain lui a été refusé. Si ce demandeur de visa peut prouver un changement considérable de ses circonstances reflétant les liens solides, il pourrait demander un visa une deuxième fois et aura à payer les droits des formulaires de visa non remboursables. Les droits du formulaire de visa sont estimés à 100 dollars ou équivalent en dinars algériens. Sous d’autres cieux, les tarifs semblent moins importants : la Suisse exige 3250 DA (frais de dossier) et la Turquie 2000 DA pour aller faire une escapade du côté du Bosphore. Alors pour mettre toutes les chances de leur côté, certains ont recours à une petite astuce : les agences de voyages. Cependant, il semble que des consulats ont adopté un autre ton. Hammouche Belkacemi, président-directeur général de l’Onat, le confirme : « Le comportement a changé depuis l’été 2006 pour la Turquie. On demande à nos clients de se déplacer eux-mêmes et de faire la chaîne. Il n’y aura plus de passage par les agences. Ce comportement a poussé beaucoup à déprogrammer leur séjour dans cette destination et opter pour d’autres pays. » Parmi ces pays, citons l’Egypte moyennant 2000 DA pour le visa. Les autorités établissent même le visa pour les groupes à l’arrivée à l’aéroport du Caire. Il y a aussi le Liban (2400 DA frais de visa). Dubai reste une destination attractive pour un tourisme de luxe. Les Algériens qui s’y rendent sont souvent des hommes d’affaires ou ceux qui font une continuité vers l’Asie. Le prix du visa est de 100 dollars, valable pour un mois. L’Algérien a l’impression que les portes de l’Europe se referment un peu plus, alors il s’oriente vers d’autres destinations, plus accessibles.
- El Watan