La justice algérienne ne peut pas, à en croire la défense, poursuivre pénalement le jeune Abdelmoumene Khalifa parce que les structures officielles de l’Etat ne sont en possession d’aucun document spécifiant qu’il était le président-directeur général d’El Khalifa Bank. La raison est simple : lors de la création d’El Khalifa Bank, c’est Kaci Ali qui a été nommé président de l’institution financière. Ce dernier a démissionné deux mois après sans qu’aucune autorisation de modification des statuts ni de l’actionnariat n’ait été demandée à la Banque d’Algérie. Il n’y a, par conséquent, aucun document légal prouvant ce changement. De plus, l’agrément de création de la banque El Khalifa, publié au Journal officiel, ne spécifie pas le nom du dirigeant. Par cette révélation faite hier, Me Berghel, avocat d’un des inculpés dans le procès de la caisse principale d’El Khalifa Bank, devant le tribunal criminel près la cour de Blida, a jeté un pavé dans la mare. L’avocat, en questionnant le témoin qui n’est autre que l’actuel gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Leksaci Mohamed, a conclu à une falsification au niveau du Journal officiel !
Tout commence par une simple question de Me Berghel qui demande à M. Leksaci qui occupait le poste de vice-gouverneur entre 1997 et 2001, s’il se rappelait la réunion du Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) qui avait accordé l’autorisation pour la création d’El Khalifa Bank en date du 25 mars 1998. Il demande ensuite si le témoin, membre d’office du CMC, avait vu et lu cette autorisation.
M. Leksaci déclare avoir pris connaissance de la fiche technique présentée par les demandeurs d’autorisation, précisant que le CMC se limite à vérifier si le dossier déposé contient toutes les pièces exigées par la loi et dans le respect des conditions de création d’une banque comme le stipule la loi sur la monnaie et le crédit. Me Berghel rappelle alors au témoin que les actionnaires d’El Khalifa Bank ont reçu leur agrément dans une période très courte, deux mois, et que l’agrément signé par l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelouahab Keramane, accusé dans cette affaire, devait être publié dans le Journal officiel. Il lui demande ensuite: «Est-ce que l’original de l’agrément devait être publié dans le Journal officiel ?» Le témoin se réfère à la loi pour approuver. Coup de théâtre : l’avocat tire un exemplaire du Journal officiel et se demande à haute voix «pourquoi ne retrouve-t-on pas alors l’article 2, qui existe dans l’original de l’agrément et qui stipule que M. Kaci Ali est le P-DG d’El Khalifa Bank et que celle-ci est sous sa totale responsabilité ? Pourquoi n’est-il pas fait référence à la délibération du 25 mars 1998 du CMC également ?» Le témoin ne répond pas, et pour la première fois depuis le début de la séance, il est apparu gêné. L’avocat continue à se poser des questions avant de conclure : «L’agrément a été sciemment charcuté. Je l’affirme et c’est sous ma responsabilité.» Chahut dans la salle. Mme Brahimi tente de reprendre le contrôle des débats et se retourne vers le gouverneur : «Qu’avez-vous à répondre ?» Comme M. Leksaci ne disait rien, Mme Brahimi reformule la question : «En publiant un agrément d’une banque nouvellement créée, est-ce que le nom de son P-DG apparaît ?». Et au gouverneur de répondre : «Je ne me rappelle pas.» La présidente se plonge alors dans un tas de dossiers à la recherche des lois. C’est le procureur général qui invoque l’article 138 de la loi 90/10 stipulant que le gouverneur doit tenir à jour la liste des établissements financiers et des banques et qu’il a obligation de publier les deux listes annuellement. Mais c’était sans compter avec la riposte de l’avocat qui se réfère à l’article 137 de la même loi «[…] L’agrément est accordé par décision du gouverneur qui est publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.» Un grand débat s’ouvre entre la défense et le tribunal. Pendant ce temps, M. Leksaci n’arrête pas de boire de l’eau. La présidente, qui s’est rappelé un détail, se retourne soudainement vers le témoin : «La loi dit qu’il faut avoir deux dirigeants dans une banque et que l’agrément est donné à une personne morale.» Le témoin explique alors : «Aujourd’hui et après avoir constaté certaines insuffisances, on a été amenés à séparer entre le président-directeur général d’une banque et le président de son conseil d’administration. Abdelmoumene Khalifa était président du conseil d’administration.» «Ces dirigeants doivent-ils être cités nommément lors de la publication de l’agrément ?» demande Mme Brahimi au témoin. Sans attendre la réponse, l’avocat pose de nouveau la question : «Quel est le document qui est publié au Journal officiel ?» Leksaci répond : «C’est celui qui est signé par le gouverneur.» Me Berghal se demande alors : «Avec son article 2.» La présidente se retourne vers la défense et pose une question : «Je vous demande, Maître, qui doit publier l’agrément ?» Et à l’avocat de répondre : «Le gouverneur.» «Donc, on lui posera les questions quand il sera là !» Il n’empêche qu’il est à relever que Abdelmoumene Khalifa garde le statut de président du conseil d’administration et que, selon l’article 135 de la loi 90/10 et en revenant à l’instruction n°06/96 du 22 octobre 1996 fixant les conditions de constitution de banques et d’établissements financiers et d’installation de succursales de banques et d’établissements financiers étrangers, il est clairement indiqué que dans la description du projet à présenter par les demandeurs d’agrément, il faut que soit spécifié «l’identité de deux personnes -au moins- devant assurer la détermination effective de l’activité de l’entreprise et la responsabilité de la gestion conformément à l’article 135 de la loi n° 90.10 du 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit. Les dirigeants désignés doivent fournir tous les renseignements nécessaires, dont un curriculum vitae détaillé permettant d’apprécier l’expérience professionnelle et la qualité de gestionnaire des intéressés et produire un bulletin de leur casier judiciaire». Donc, avant même l’aval du Conseil de la monnaie et du crédit, les deux dirigeants de la banque devant assurer la responsabilité de gestion sont connus. Si le nom de Abdelmoumène Khalifa figure sur les documents comme simple actionnaire, qui a été désigné avec Kaci Ali, le premier PDG d’El Khalifa Bank, pour assurer la gestion ? Et si cela n’a pas été fait, il est clair que c’est toute la délibération du 25 mars 1998 qui est caduque.
L’avocat, avant de passer à une seconde question, commente : «Cela veut dire qu’à ce jour, il n’y a aucun document au nom de Abdelmoumene Khalifa. Revenons à l’article 43 de la loi 90/10, M. Leksaci. Cet article ne vous donne-t-il pas le droit de faire des rapports au président de la République. L’avez-vous fait ?» Le procureur général intervient : «Je ne vois pas le lien avec l’affaire d’El Khalifa, l’article suscité parle du bilan de la Banque d’Algérie.» Mme Brahimi approuve le parquet : «Nous ne peuvons pas impliquer le président de la République alors que la loi est claire.» La question est refusée et l’avocat en pose une autre : «Est-ce que les dirigeants d’El Khalifa Bank ont demandé à recapitaliser leur institution financière en vendant Khalifa Airways ?» Leksaci dit : «Oui, ils ont fait une demande. Ce sont des apports en nature et la Banque d’Algérie a refusé.» A la question de savoir si la Banque d’Algérie a tenté de sauver El Khalifa Bank comme le prévoit l’article 161 de la loi sur la monnaie et le crédit, M. Leksaci relate : «J’ai demandé aux actionnaires s’ils pouvaient recapitaliser comme le prévoit la loi. Ils n’ont pas donné de suite à ma demande. La loi prévoit également la solidarité de la place mais la situation était tellement grave que j’ai décidé en mon âme et conscience de la cessation de paiement.» Me Chaabane est intervenue pour demander au témoin si la CMC prévoit une enquête d’habilité et de moralité sur les actionnaires qui demandent l’autorisation de créer une banque. Laksaci reconnaîtra encore une fois les carences des anciennes procédures : «Avant, on se suffisait du casier judiciaire. Actuellement, oui, une enquête est menée.»
Tout commence par une simple question de Me Berghel qui demande à M. Leksaci qui occupait le poste de vice-gouverneur entre 1997 et 2001, s’il se rappelait la réunion du Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) qui avait accordé l’autorisation pour la création d’El Khalifa Bank en date du 25 mars 1998. Il demande ensuite si le témoin, membre d’office du CMC, avait vu et lu cette autorisation.
M. Leksaci déclare avoir pris connaissance de la fiche technique présentée par les demandeurs d’autorisation, précisant que le CMC se limite à vérifier si le dossier déposé contient toutes les pièces exigées par la loi et dans le respect des conditions de création d’une banque comme le stipule la loi sur la monnaie et le crédit. Me Berghel rappelle alors au témoin que les actionnaires d’El Khalifa Bank ont reçu leur agrément dans une période très courte, deux mois, et que l’agrément signé par l’ex-gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelouahab Keramane, accusé dans cette affaire, devait être publié dans le Journal officiel. Il lui demande ensuite: «Est-ce que l’original de l’agrément devait être publié dans le Journal officiel ?» Le témoin se réfère à la loi pour approuver. Coup de théâtre : l’avocat tire un exemplaire du Journal officiel et se demande à haute voix «pourquoi ne retrouve-t-on pas alors l’article 2, qui existe dans l’original de l’agrément et qui stipule que M. Kaci Ali est le P-DG d’El Khalifa Bank et que celle-ci est sous sa totale responsabilité ? Pourquoi n’est-il pas fait référence à la délibération du 25 mars 1998 du CMC également ?» Le témoin ne répond pas, et pour la première fois depuis le début de la séance, il est apparu gêné. L’avocat continue à se poser des questions avant de conclure : «L’agrément a été sciemment charcuté. Je l’affirme et c’est sous ma responsabilité.» Chahut dans la salle. Mme Brahimi tente de reprendre le contrôle des débats et se retourne vers le gouverneur : «Qu’avez-vous à répondre ?» Comme M. Leksaci ne disait rien, Mme Brahimi reformule la question : «En publiant un agrément d’une banque nouvellement créée, est-ce que le nom de son P-DG apparaît ?». Et au gouverneur de répondre : «Je ne me rappelle pas.» La présidente se plonge alors dans un tas de dossiers à la recherche des lois. C’est le procureur général qui invoque l’article 138 de la loi 90/10 stipulant que le gouverneur doit tenir à jour la liste des établissements financiers et des banques et qu’il a obligation de publier les deux listes annuellement. Mais c’était sans compter avec la riposte de l’avocat qui se réfère à l’article 137 de la même loi «[…] L’agrément est accordé par décision du gouverneur qui est publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.» Un grand débat s’ouvre entre la défense et le tribunal. Pendant ce temps, M. Leksaci n’arrête pas de boire de l’eau. La présidente, qui s’est rappelé un détail, se retourne soudainement vers le témoin : «La loi dit qu’il faut avoir deux dirigeants dans une banque et que l’agrément est donné à une personne morale.» Le témoin explique alors : «Aujourd’hui et après avoir constaté certaines insuffisances, on a été amenés à séparer entre le président-directeur général d’une banque et le président de son conseil d’administration. Abdelmoumene Khalifa était président du conseil d’administration.» «Ces dirigeants doivent-ils être cités nommément lors de la publication de l’agrément ?» demande Mme Brahimi au témoin. Sans attendre la réponse, l’avocat pose de nouveau la question : «Quel est le document qui est publié au Journal officiel ?» Leksaci répond : «C’est celui qui est signé par le gouverneur.» Me Berghal se demande alors : «Avec son article 2.» La présidente se retourne vers la défense et pose une question : «Je vous demande, Maître, qui doit publier l’agrément ?» Et à l’avocat de répondre : «Le gouverneur.» «Donc, on lui posera les questions quand il sera là !» Il n’empêche qu’il est à relever que Abdelmoumene Khalifa garde le statut de président du conseil d’administration et que, selon l’article 135 de la loi 90/10 et en revenant à l’instruction n°06/96 du 22 octobre 1996 fixant les conditions de constitution de banques et d’établissements financiers et d’installation de succursales de banques et d’établissements financiers étrangers, il est clairement indiqué que dans la description du projet à présenter par les demandeurs d’agrément, il faut que soit spécifié «l’identité de deux personnes -au moins- devant assurer la détermination effective de l’activité de l’entreprise et la responsabilité de la gestion conformément à l’article 135 de la loi n° 90.10 du 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit. Les dirigeants désignés doivent fournir tous les renseignements nécessaires, dont un curriculum vitae détaillé permettant d’apprécier l’expérience professionnelle et la qualité de gestionnaire des intéressés et produire un bulletin de leur casier judiciaire». Donc, avant même l’aval du Conseil de la monnaie et du crédit, les deux dirigeants de la banque devant assurer la responsabilité de gestion sont connus. Si le nom de Abdelmoumène Khalifa figure sur les documents comme simple actionnaire, qui a été désigné avec Kaci Ali, le premier PDG d’El Khalifa Bank, pour assurer la gestion ? Et si cela n’a pas été fait, il est clair que c’est toute la délibération du 25 mars 1998 qui est caduque.
L’avocat, avant de passer à une seconde question, commente : «Cela veut dire qu’à ce jour, il n’y a aucun document au nom de Abdelmoumene Khalifa. Revenons à l’article 43 de la loi 90/10, M. Leksaci. Cet article ne vous donne-t-il pas le droit de faire des rapports au président de la République. L’avez-vous fait ?» Le procureur général intervient : «Je ne vois pas le lien avec l’affaire d’El Khalifa, l’article suscité parle du bilan de la Banque d’Algérie.» Mme Brahimi approuve le parquet : «Nous ne peuvons pas impliquer le président de la République alors que la loi est claire.» La question est refusée et l’avocat en pose une autre : «Est-ce que les dirigeants d’El Khalifa Bank ont demandé à recapitaliser leur institution financière en vendant Khalifa Airways ?» Leksaci dit : «Oui, ils ont fait une demande. Ce sont des apports en nature et la Banque d’Algérie a refusé.» A la question de savoir si la Banque d’Algérie a tenté de sauver El Khalifa Bank comme le prévoit l’article 161 de la loi sur la monnaie et le crédit, M. Leksaci relate : «J’ai demandé aux actionnaires s’ils pouvaient recapitaliser comme le prévoit la loi. Ils n’ont pas donné de suite à ma demande. La loi prévoit également la solidarité de la place mais la situation était tellement grave que j’ai décidé en mon âme et conscience de la cessation de paiement.» Me Chaabane est intervenue pour demander au témoin si la CMC prévoit une enquête d’habilité et de moralité sur les actionnaires qui demandent l’autorisation de créer une banque. Laksaci reconnaîtra encore une fois les carences des anciennes procédures : «Avant, on se suffisait du casier judiciaire. Actuellement, oui, une enquête est menée.»
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