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Enquète sur les oligarques algériens (1): Les maitres du jeu

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  • Enquète sur les oligarques algériens (1): Les maitres du jeu

    par La redaction de Mondafrique - 24 septembre 2017


    Tournant le dos à cette Algérie longtemps puritaine où l’argent était honteux, des oligarques décomplexés sont devenus, ces dernières années, des acteurs tout puissants de la vie politique algérienne.

    Pourquoi Abdelmajid Tebboune, ce fidèle de toujours du président Abdelaziz Bouteflika, nommé au début de l’été aux fonctions de Premier ministre, a été remercié le 15 aout 2017 après trois mois seulement d’exercice du pouvoir? Bien malin celui qui pourrait donner les raisons de ce limogeage qui révèle, dans des conditions confuses, le manque évident de maitrise du pouvoir algérien sur la vie politique.

    Mais ce vaudeville gouvernemental témoigne de l’irruption des hommes d’affaires algériens dans le jeu politique. Protégés par le pouvoir et notamment par le tout puissant Saïd Bouteflika, le frère du Président et vice roi du régime, les oligarques ont la capacité de renverser un chef de gouvernement qui leur déplait, fut-il un intime du chef de l’Etat. Ce redoutable parti de l’argent, aux multiples passerelles avec la finance internationale la plus trouble, pèse d’un poids décisif dans le processus de succession qui se met en place en Algérie.

    Lignes jaunes

    Avec la légitimité que lui donnait sa proximité avec le chef de l’Etat et alors qu’il était un Premier ministre surprise, sans allégeances claniques et donc libre de mouvement, Abdelmajid Tebboune a cru pouvoir s’imposer comme un chevalier blanc. Après avoir senti un début d’adhésion populaire, ce franc tireur accentua ses attaques contre ces oligarques qui s’impliquaient ouvertement dans les affaires du gouvernement. Notre redresseur de torts tenta même de paralyser Ali Haddad, le patron des patrons et un des plus puissants hommes d’affaires du pays. Balaya d’un revers de la main l’héritage de Bouchouareb, cet homme d’affaires devenu ministre de l’Industrie, en bloquant plusieurs projets d’usine de montage des véhicules. Pour s’en prendre enfin au très juteux secteur agroalimentaire, en ciblant la richissime famille des Benamor. “L’erreur de Tebboune est sa brutalité contre les hommes d’affaires, confie un proche de l’ancien Premier ministre. Fraîchement nommé, il a voulu démontrer qu’il est le véritable patron”.

    Ce n’est pas la première fois qu’en Algérie, les pourfendeurs des arrangements entre la politique et l’argent tombèrent au champ d’honneur. Qu’il s’agisse du boumedienniste Belaïd Abdessalam, Premier ministre en 1992 et 1993, ou de l’honnête Mohamed Bouddiaf, que le Haut Comité d’Etat (HCE) avait choisi pour diriger l’Algérie après le coup d’Etat de janvier 1992. Le premier fut vite écarté et le second froidement assassiné, le 29 juin 1992. Un espoir disparaîssait et l’Algérie s’enfonçait dans ce qui sera appelé la décennie noire.. La volonté affichée de ces deux hommes de lutter contre la corruption aura été pour beaucoup dans leur déstabilisation.

    Dérégulation et privatisation

    Ce ne sont pas des hommes d’affaires qui sont montés au créneau contre Boudiaf et Abdessalam. A l’époque, le secteur privé n’existait guère, borduré par une réglementation tatillonne qui venait d’être assouplie par le gouvernement de Mouloud Hamrouche (1989-1991). La rente pétrolière et les commissions d’attribution des licences d’importation étaient la chasse gardée des généraux algériens, notamment ceux du DRS (services secrets algériens). Des prêtes noms sans relief, à quelques exceptions près, gèraient les coquettes fortunes des patrons de l’armée et du DRS, notamment dans l’immobilier en France. Les fonds détournés n’étaient généralement pas réinvestis en Algérie. Une opinion publique désemparée dénonçait à l’aveugle une “maffia politico financière” dont elle ignorait les contours.

    La donne aujourd’hui a changé. Avec Bouteflika au pouvoir depuis 1999, on a assisté à une dérégulation de la corruption, doublée d’une privatisation des fonds détournés. et d’une médiatisation de ces hommes d’affaires Depuis une quinzaine d’années, une génération d’oligarques a pu développer d’immenses fortunes, en construisant des empires industriels. Jamais, au grand jamais, cette relation naguère secrète entre le pouvoir et l’argent n’a été aussi assumée et reconnue que dans la phase actuelle. Les oligarques s’affichent, exhibent leurs fortunes et mettent en avant leurs relations avec les politiques.

    Djilali Mehri, le pionnier

    Tout a commencé aux débuts des années 90. A l’époque, les hommes d’affaires riches et connus se comptaient sur les doigts d’une main. Il y avait bien sûr l’incontournable Djilali Mehri, ce milliardaire d’Oued Souf, du sud du pays, descendant d’une grande famille de commerçants. Sa fortune, son mode de vie dans son oasis au sud du pays, ses 400 coups à Paris où il fréquente l’entourage de François Mitterrand, dont le fils de l’ancien Président Jean Christophe, en feront une star de l’époque. Son empire connaît une certaine gloire que vers la fin des années1997-98, lorsqu’il lance la fameuse marque PEPSI en Algérie. Il se fera connaître, ensuite, avec sa bière Tango qui fera un grand tabac et incarne la joie de vivre des Algériens qui résistent au terrorisme islamiste durant la décennie noire. Mais Mehri ne fera pas long feu, car il ne réussira pas vraiment à consolider ses liens avec le monde politique algérien, après une brève expérience avec le parti islamiste “modéré” dont il sera député.

    Djilali Mehri, le seul homme d’affaires médiatisé en Algérie durant les années Chadli, va devenir très discret depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika en 1999. Et lorsque les luttes de clans éclatent entre le cercle présidentiel et le pouvoir occulte du DRS (services algériens), Djilali Mehri disparaît de la scène et transfère de nombreuses de ses affaires à l’étranger notamment en France, où il est résidera longtemps dans un superbe appartement de l’avenue Montaigne au coeur de Paris.


    “Je suis un électron libre, je n’ai rien d’un oligarque qui vit dans la dépendance du pouvoir politique, explique Rebrab, l’homme le plus riche d’Algérie, à Mondafrique.
    Issad Rebrab, une exception algérienne

    Avant le rêgne de Bouteflika, l’Algérie, minée par le combat contre les maquis du Front Islamique de Salut et par con incapacité à s’ouvrir sur un monde mondialisé, était un désert industriel. A une exception près, Issad rebrab, figure tutélaire du monde des affaires et propriétaire du journal “Liberté”, dont l’influence fut toujours ouverte et décisive. “Ne dites pas de moi que je suis un oligarque, explique-t-il à Mondafrique, et cela pour deux raisons: je suis un industriel qui ne vit pas de la rente pétrolière, je reste un électron libre qui ne doit rien à personne dans le monde politique”. L’homme le plus riche d’Algérie, Issad Rebrab, qui est aussi le second contributeur du budget du pays derrière la Sonatrach, occupe une place à part dans le monde des hommes d’affaires. Même s’il a été protégé par l’institution militaire dès le début de sa formidable réussite- ce qu’il a une fâcheuse tendance à nier-, Rebrab aura été un industriel qui investit dans son pays, contrairement à ces affairistes qui n’ont rêvé que de comptes off shore à l’étranger. Et il aura construit son empire, qui emploie des milliers d’Algériens, dès les années 1990, alors que l’Algérie vivait sur son tas d’or noir, sans se soucier d’industrialisation. Enfin Rebrab est un des seuls hommes d’affaires algérien qui a investi à l’étranger, notamment en France. A ce titre, ce capitaine d’industrie aura eu d’excellentes relations avec les deux ministres de l’économie de François Hollande, Arnaud Montebourg et un certain Emmanuel Macron, qu’il recevra à Alger pour un diner durant la campagne présidentielle

    Dans la gabegie des années 90, il bâtit dans une totale discrétion un petit empire qu’il appellera Cevital. L’homme qui se targue d’être un industriel accompli a commencé, comme beaucoup d’autres oligarques algériens, dans l’importation. Avec son usine de Metal Sider d’Ouled Moussa, dans la banlieue d’Alger, il va réaliser l’affaire de sa vie qui lui permettra de devenir l’homme riche qu’il est aujourd’hui. Rebrab bénéficie d’un énorme coup de pouce du gouvernement réformiste de Hamrouche.

    En 1991, la SACE, organisme italien de couverture des exportations, a mis à la disposition de l’Algérie une ligne de crédit de 300 millions de dollars pour l’exportation de rond à béton italien vers l’Algérie, que le gouvernement Hamrouche avait répartis sur cinq banques. Metal Sider a obtenu à elle seule deux quotas pour 100 millions de dollars. Avec ce jackpot, Rebrab entre dans la cour des Grands.

    Grace à son énergie et à ses réseaux, Rebrab a eu tout le loisir de bâtir un empire qui vaut trois milliards de dollars de chiffre d’affaires. Son complexe agro-alimentaire situé tout près du port de Béjaïa fait vivre des milliers d’algériens. Depuis le départ du général Toufik, le tout puissant patrons des services algériens entre 1990 et 2015 dont certains lieutenants le protégeaient, l’industriel s’est heurté aux tracasseries et aux campagnes de presse des amis de Said Bouteflika, du Premier ministre Abdelmalek Sellal ou du ministre de l’Industrie Bouchouareb. Exit aujourd’hui Sellal et Bouchouareb débarqués du gouvernement, il reste Saïd…et le prince des oligarques, le très discret Reda Kouninef.

    Cent autres Rebrab

    Mais la guéguerre n’est pas terminée. En cette rentrée de Septembre, le conflit entre la présidence algérienne et Rebrab a fait sortir de l’ombre le très discret Réda Kouninef, intime parmi les intimes de Saïd Bouteflik. Le journal El-Watan,bien informé, accuse de fomenter l’opération anti-Rebrab. Accusé et pointé du doigt, Réda Kouninef observe toujours un silence légendaire qui fait sa force.
    Il est clair que la réussite d’un Rebrab suscite aujourd’hui des convoitises. Ils sont dix, cent millionnaires pressés qui veulent leur place dans le monde des milliardaires. Depuis le début des années 2000, Ali Haddad, Benamor, Ahmed Mazouz, Mourad Oulmi, Mahieddine Tahkout, la famille Benhamadi, Abdelalli Blikaz et d’autres encore ont fait fortune en un temps record. De véritables petits empires se sont constitués dans le BTP comme Haddad, les transports et le commerce des voitures comme Tahkout et Mourad Oulmi, l’agroalimentaire comme Benamor ou Mazouz.
    Tous ces hommes d’affaires sont devenus une véritable force politique qui s’aligne sur les décisions d’Abdelaziz Bouteflika. Les premiers à financer le 3e et 4e mandat d’Abdelaziz
    Bouteflika, et demain, espèrent-ils, un cinquième mandat du vieil homme usé et malade.
    Chateaux de sable
    Ces oligarques font tout pour ne pas reproduire les erreurs fatales du golden boy Rafik Khalifa. Véritable machine à laver pour le régime algérien, dont le cerveau de l’époque fut le général Larbi Belkhaïr, véritable parrain du régime dans les années 1990, l’ami Rafik bénéficie de tous les avantages pour fonder en 1998 la première puissante banque privée algérienne, El Khalifa Bank. Cette banque va gérer en un temps record les intérêts de petits actionnaires d’institutionnels liés au gouvernement algérien et amassera des milliards.
    Une année plus tard, en 1999, Rafik Khalifa lance Khalifa Airways, une compagnie aérienne qui compterait dès son lancement 30 appareils pour vols commerciaux.
    Tout va au mieux dans le meilleur des mondes possibles pour Khalifa jusqu’à 2002 où sous le conseil de quelques généraux de l’armée algérienne, Khalifa est encouragé à soutenir Ali Benflis, le chef de gouvernement qui va se rebeller contre Abdelaziz Bouteflika pour tenter de le remplacer lors de l’élection présidentielle de 2004. Épaulé par une partie des généraux de l’armée, Benflis va bénéficier de l’aide financière et du soutien médiatique de Khalifa avec sa télévision privée Khalifa TV basée en France.
    Hélas pour Khalifa, Abdelaziz Bouteflika enchaîne son deuxième mandat. En effet, le DRS du général Toufik a choisi en toute dernière extrémité, le président sortant et s’est opposé au plan des généraux Larbi Belkhair et Mohamed Lamari, alors chef d’Etat Major.
    L’empire Khalifa s’effondre comme un château de sable
    Depuis, plus aucun oligarque n’ose défier Abdelaziz Bouteflika. Mais jusqu’à quand? Fondamentalement opportuniste, le parti de l’argent fera allégeance, lors de la bataille pour la succession de l’actuel Président qui s’engage …. au futur gagnant.


    Dans le deuxième volet de notre enquète sur les oligarques algériens, à paraitre demain lundi 25 Septembre, “Des as de la mondialisation financière”
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Ils ont bâti leurs fortunes avec du graissage de pattes, de la surfacturation et les produits subventionnés par l'état. Ce n'est pas de leur faute, Bouteflika avait décidé de dépenser l'argent, notre argent, à sa guise quand le peuple était sonné par 10 ans de sang et de poussière.

    Au lieu de bâtir des industries l'état s'occupait de sa clientèle.



    Mondafrique est mieux de jeter un coup d’œil sur la pourriture marocaine, dont il est le porte-parole, elle est 100 fois plus dévastatrice que l'algérienne. Cet article est pondu avec l'intention de créer la zizanie, désolé il n'y aura pas. Boutef est sur une chaise tel un idiot, Sellal a perdu son larcin aux mains d'un libanais, ... enfin, au pays des martyrs les filous finiront par payer.
    وإن هذه أمتكم أمة واحدة

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    • #3
      Enquête sur les oligarques algériens (2): Des as de la mondialisation
      par La redaction de Mondafrique - 25 septembre 2017

      Les oligarques algériens ont accompagné la mondialisation dans les paradis fiscaux les plus excentrés. A l’exemple de la Sonatrach qui, dès 1989, avait montré la voie.

      Mai 2016, Luxembourg. Une cinquantaine de personnalités du monde des affaires au sourire figé et à l’air entendu sont rassemblés dans le salon VIP du parc des expositions. Le cérémonial est soigné, digne d’un sommet bilatéral ou d’une compétition sportive. Le “ministre conseiller” de l’ambassade d’Algérie à Bruxelles, Mohamed Sofiane Berrah, a fait le déplacement depuis la capitale belge, d’autres officiels ont traversé la Méditerranée. Le drapeau national est déployé et l’ambiance, solennelle. En fond sonore, résonne un air familier, “Qassaman”, l’hymne national algérien.

      Ali Haddad, le précurseur

      Ce qui pousse cette assemblée de notables en costumes cravates à chantonner la main sur le coeur un chant révolutionnaire au coeur du Grand Duché du Luxembourg n’est pas vraiment l’amour de la patrie. Autour du puissant homme d’affaires Ali Haddad, patron des patrons dont le nom est cité dans tous les gros chantiers de BTP lancés par l’Algérie, le patronat algérien inaugure la branche internationale de FCE (Forum des chefs d’entreprise), l’équivalent du Medef en France.


      Patron des patrons algérien, Ali Haddad n’est guère bavard sur les montages financiers qu’il a initiés dans les paradis fiscaux
      Parmi les oligarques algériens, Ali Haddad fut un précurseur. Dès novembre 2004, l’actuel boss du FCE optait pour les Iles vierges britanniques pour domicilier l’une de ses sociétés offshore, Kingston Overseas Group Corporation, selon les révélations des “Panama papers” publiées au printemps 2017. L’entité était gérée par un français résident … au Luxembourg. Comme le monde est petit!

      Autant d’informations qui ont toujours été niées par le patron des patrons algérien. Contacté par Mondafrique, Ali Haddad a très aimablement botté en touche. “Je n’ai pas de temps à vous consacrer pour l’instant, mais je vous demande de ne pas vous en prendre à l’Algérie avec de fausses informations”.

      Ni ambassade, ni vols réguliers

      Sous l’impulsion d’Ali Haddad, le FCE algérien aura ouvert plusieurs antennes à l’étranger. Là où le pays cultive de solides relations économiques: la France, l’Espagne, la Suisse. Dans un premier temps, l’ouverture d’un bureau international à Genève avait été annoncée. Mais c’est, finalement au coeur du paradis fiscal européen luxembourgeois qu’ont été installés les bureaux du FCE, destinés à propulser les activités internationales du patronat algérien.“Depuis que la Suisse a renforcé ses contrôles, le Luxembourg est devenu en une dizaine d’années la nouvelle destinations des hommes d’affaires algériens.” reconnait patron algérien.

      Le Luxembourg, un bien étrange point de chute. “Curieux”, note “Le Quotidien du Luxembourg”, le 14 mai 2016, en rappelant “le montant insignifiant de 18 000 euros” des exportations luxembourgeoises “vers le plus grand pays africain”. On ne connait du reste aucune mission diplomatique algérienne, et pas plus de vols réguliers vers la place européenne du offshore.

      Optimisation fiscale

      C’est que les oligarques algériens connaissent bien le Grand Duché. Ses réjouissances fiscales, son opacité, sa grande discrétion…Et cela ne date pas d’aujourd’hui.



      Patron du FCE international et lieutenant d’Ali Haddad, le franco-algérien Ait Kaci Yala est un connaisseur en matière de paradis fiscaux. Connu pour avoir racheté en 2002 la marque de télécom Continental Edison, cet oligarque ouvrait ainsi neuf ans plus tard au Luxembourg la société Atakor. Il s’agissait de faire transiter les profits issus de brevets de sa marque d’électronique,Continental Edison. Il est vrai que le Luxembourg offre toutes sortes d’optimisations fiscales prometteuses.


      Le patron du FCE international achoisi le Luxembourg où il a domicilié une société, ATAKOR située au 52 Route d’Esch sous le registre B159605
      En 2011, comme l’indiquent les documents en possession de Mondafrique, la société luxembourgeoise de Aït Kaci Yala recevait plus de 700 000 euros de redevances liées à l’exploitation de la marque “Continental Edison”. En 2014, toujours d’après les rapports du groupe que nous avons consulté, Atakor distribuait plus de 3 millions d’euros de dividendes.

      C’est peu lorsqu’on connait le ticket d’entrée dans le club très huppé des oligarques algériens depuis que le président Bouteflika et son frère Said ont dérégulé le montant de la corruption. Soit au moins quelque 300 millions d’euros, d’après des bons connaisseurs du monde de l’argent en Algérie.

      La Sonatrach, modèle d’opacité

      S’il y a bien un secteur algérien où les billets empruntent des circuits exotiques, c’est celui du pétrole, et cela depuis les années Chadli, le président algérien entre 1979 et 1992. Bien avant les oligarques qui règnent aujourd’hui, la puissante Sonatrach avait découvert les arcanes des paradis fiscaux, mais sans s’en vanter. Face à un peuple ombrageux et nationaliste, il fallait couvrir d’un voile pudique les missions secrètes, les frasques honteuses et les petites gâteries que le pouvoir algérien, et notamment les généraux, s’offraient grâce à ce formidable coffre fort enfoui entre Panama, Hong-Kong et Lugano. C’est ainsi que la Suisse italienne avait abrité dans les années 1990 une filiale discrète entre la Sonatrach et l’ENI qui distribua de généreux bakchichs au général Belkheir, secrétaire général de la Présidence sous Chadli , puis ministre de l’Intérieur et sans doute le “parrain” du système financier algérien dans ces années troubles.



      Il fallait avoir l’oeil en 2004 pour décrypter au détour d’une phrase du rapport annuel de la Sonatrach cette petite mention au paradis fiscal en page 17, noyée entre les chiffres et les noms de jointventure, la société offshore apparaissait très discrètement sous son acronyme sans plus de précision. “SPC BVI”, comprendre: “Sonatrach petroleum corporation”, située aux “British Virgin Islands”…Hors de tout controle, cette coquille presque vide est autrement plus discrète que le compte officiel que la Sonatracg possédait à la Banque d’Algérie pour ses transferts de fonds.



      C’est le 3 mai 1989 que les cadres financiers du groupe étatique créent la “Sonatrach Petroleum Corporation” (SPC), comme l’indiquent les archives de la société consultées par Mondafrique. La nouvelle constitution adoptée après les émeutes d’octobre 1988 ouvraient la voie au multipartisme et dans le même mouvement, à la libéralisation de l’économie. La Sonatrach, premier exportateur et premier contributeur budgétaire du pays, prend sans attendre les chemins de la finance internationale la plus opaque pour y faire fructifier ses activités. La SCP aura pour adresse Road Town, un petit bout d’éden posé comme un caillou sur la mer des Caraïbes entre Porto Rico et Antigua.

      L’avantage financier est clair: il s’agit de reporter les opérations les plus juteuses sur la succursale enregistrée dans un paradis fiscal. Nulle mention de revenus liés à la vente de l’or noir dans les comptes de la SPC. Pas de bateaux, rien. Les écritures affichent en outre des sommes infiniment plus modestes que sa maison mère: 73 000 £ de frais de bureau, 26 000 £ de publicité. Les plus grosses dépenses restant les frais de voyage et les frais de bouche – 278 000 £ pour la même année- et les salaires- quatre millions de livres sterling! Autant dire, de simples leurres pour une multinationale dont le chiffre d’affaires annuel atteint 75 milliards de dollars….

      Des riches décomplexés!

      Longtemps, la loi du secret verrouillée par les puissants services de la Sécurité Militaire devenue DRS, s’est imposée aux turpitudes financières des présidents successifs. Depuis le troisième mandat de Bouteflika en 2009, l’Algérie découvre le système mis en place par les patrons successifs de la Sonatrach. En 2009, début du troisième mandat du chef de l’Etat, éclate une guerre sans merci entre les chefs du DRS (services secrets algériens) et les proches de la Présidence. L’enjeu est prendre le contrôle de la riche Sonatrach. D’où une cascade de procès où des fuites calculées et des procédures instrumentalisées qui jettent une lumière crue sur le système opaque de l’or noir en Algérie.

      L’Algérie découvre les noms des riches intermédiaires gaziers. Farid Bedjaoui, pilier du système, apparait en pleine lumière médiatique avec ses appartements sur Manhattan, ses Warhol et ses Dali, son yacht et enfin ses comptes bancaires, qui se ramassent à la pelle entre Hong Kong et Dubaï.

      Réfugié aux Etats Unis au début du scandale, celui qui fut longtemps le ministre du pétrole de Bouteflika et son plus proche conseiller, Chakib Khellil, est protégé par les Américains. Or voici deux ans, ce parrain discret a pu revenir sans être inquiété en Algérie où les procédures judiciaires se sont éteintes comme par miracle. Désormais cet oligarque avant l’heure joue un rôle décisif dans la guerre pour la succession d’un Bouteflika impotent et diminué que se livrent à Alger les principaux clans au pouvoir.

      Dans le monde décomplexé des affaires qu’ont favorisé les frères Boutefli, les voleurs sont parfois promus et la puissante Sonatrach ne se cache même plus pour “offshoriser” ses activités. Dernier né et cette fois de la façon la plus officielle qui soit, la société de réassurance “Sonatrach Ré” est créée au Luxembourg en 2007 par le géant gazier. Autant de circuits qu’en langue de bois gouvernementale l’ex premier ministre Abdelmalek Sellal appelait, au début de l’année 2017, “la stratégie nationale pour la commercialisation des hydrocarbures à l’étranger”.

      Nos oligarques façon Bouteflika ne touchent pas au pétrole, domaine réservé du pouvoir. A l’exception d’un Ali Haddad, le patron des patrons, qui s’est lancé, téméraire, dans la fourniture de service aux installations pétrolières. En revanche, ces as de la mondialisation que sont devenus les hommes d’affaires n’ont plus rien à envier aux cadres de la Sonatrach en matière de montages financiers internationaux.

      Demain mardi 26 septembre, le troisième volet de notre enquête est consacré à “Djilali Mehri, le pionnier”.



      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        Enquète sur les oligarques algériens (3), Djilali Mehri, le précurseur

        par La redaction de Mondafrique - 26 septembre 2017


        Djilali Mehri, l’homme le plus riche d’Algérie dans les années 1980, a mené une vie fastueuse entre Paris, Alger et son fief d’El Oued, aux confins de la Tunisie et de la Libye. Une sorte de légende.
        Les régimes politiques passent, les présidents algériens et français se succèdent mais les grands intermédiaires entre Paris et Alger restent en place. L’inamovible Djilali Mehri, 80 ans aujourd’hui, est le précurseur des oligarques actuels et longtemps un des passages obligés en matière d’export-import entre la France et l’Algérie. Ces marchés qui supposent des liens opaques entre les opérateurs des deux pays et qui sont un formidable terreau pour la corruption, ont toujours été florissants. C’est que l’Algérie importe l’essentiel de ses biens de consommation et de ses produits alimentaires.

        Du coup, la France officielle n’a jamais cessé de prendre au sérieux les plus “entreprenants” des Algériens, surtout quand ils avaient la classe et le panache d’un homme du désert. C’est dire si Djilali Mehri a toujours bénéficié d’un traitement de faveur à Paris, notamment sous le rêgne du président Chadli (1979-1992), ami et complice de feu le président François Mitterrand. Le fils de ce dernier, Jean-Christophe, n’a-t-il pas effectué son service militaire à El-Oued, la ville aux mille coupoles, grâce à l’hospitalité de Djilali Mehri?

        Petits arrangements entre amis

        Avant l’indépendance algérienne, Djillali Mehri entama, très jeune, sa carrière irrésistible dans le négoce en revendant à la Libye, qui n’est guère éloignée de son fief, des pneus rachetés à l’armée françaises. Puis ce Rastignac ambitieux monte à Alger et traite avec les commerçants séfarades de la rue de la Lyre. A l’époque du colonialisme français, les juifs d’Algérie tenaient l’essentiel du commerce des biens de consommation entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale et ils gardèrent ces marchés longtemps après l’indépendance, notamment le sucre, le blé et la semoule.

        En 1962, le vent tourne et Djillali se rapproche des pontes de l’Etat FLN. C’est ainsi qu’il coopère aussi bien avec le Moudjahid Slimane Hoffmane qu’avec le redoutable et redouté directeur de la sûreté, Ahmed Draya. Ses nouvelles amitiés lui garantissent un commerce florissant. L’Etat lui cède la gérance d’ateliers de bateaux et le sollicite pour réparer le vaisseau offert par le président égyptien Nacer à son homologue Ben Bella, le premier des chefs d’état de l’Algérie indépendante.

        L’horizon algérien ne suffit plus à Djilali Mehri. Plus tard, ce touche à tout gagne les bords de la Seine où il parvient à se concilier, avec un talent indéniable, l’amitié des puissants de ce monde. “Mehri a une vraie capacité d’accès, il est bien introduit en Arabie Saoudite, connait bien Khadafi, il connait tout le monde”, explique Gilles Ménage, l’ancien directeur de cabinet de François Mitterand à l’Elysée entre 1993 et 1995.

        De Jacques Chirac à Hassan II

        Durant ces années là, Djilali Mehri recevait ses visiteurs ans un superbe loft au sixième étage d’une luxueuse résidence de l’avenue Montaigne, le quartier le plus huppé de Paris à deux pas des Champs Elysées. Sur le murs de son appartement, des photos encadrées le montrait avec les grands de ce monde, aussi bien François Mitterrand à l’Elysée que Jacques Chirac à la mairie de Paris ou encore Hassan II. On le surprenait en compagnie de l’ancien recteur de la mosquée de Paris, cheikh Abbas, auquel il offrait en 1985 de superbes fontaines.

        Le clan Mehri a toujours été au mieux avec le pouvoir français. Une autre photo montre le père de l’homme d’affaires en grande discussion avec Max Lejeune, alors ministre SFIO, l’ancètre du Parti Socialiste, et partisan avéré de l’Algérie Française.

        Au mieux avec l’ensemble de la classe politique qu’il reçoit dans sa sompteuse propriété des Yvelines, Mehri soigne son image: médiation entre les belligérants dans le conflit au Tchad, galas de solidarité à l’Unesco, diner en faveur d’un Institut des Imas que veut crée le ministre français de l’Intérieur.

        Pour ses amis français, ce mécène ouvre même une galerie d’art dédiée au peintre orientaliste Etienne Dinet, le peintre préféré de Chadli. A ses hôtes comme à l’époque Jacques Attali ou Roger Hanin, ce parfait gentleman offre le tableau de cette success story à l’algérienne. La petite touche d’orientalisme, comme l’aiment les occidentaux.

        Le retour sur investissement ne se fait guère attendre. En 1986, Mehri est autorisé par la direction générale du Trésor français à investir dans la pierre avec femme, enfants et belle famille qui ne sont pourtant pas résidents en France. Depuis, la SCI familiale gère les opérations immobilières de la grande tribu Mehri.

        Chauffe-eaux et viandes avariées

        En France, Djilali Mehri s’est fait un nom en rachetant le chauffagiste Chaffoteaux et Maury en février 1985. La légende fut habilement cultivée. L’ami Mehri, un homme pieux qui devait devenir plus tard député d’une formation islamiste, aurait appr!s la vente du leader européen du chauffe eau sur le chemin de la Mecque. Hélas, quatre ans plus tard, notre “industriel” revend l’affaire avec un plan de licenciement et de fortes plus values.

        De même, l’ami Mehri n’aime guère qu’on l’interroge sur la viande avariée, comme on le fit à l’époque, qu’il vendait en 1990 aux hôpitaux et aux militaires algériens. Seul le zèle d’un vétérinaire consciencieux l’obligera à changer de cargaison en Espagne. Ce que l’intéressé, sans nier l’incident, contestait catégoriquement à l’époque: “La précédente cargaison était constituée de poisson et le transporteur avait simplement oublié de nettoyer la cale”.(2)

        Un mirage dans le désert

        Après ces débuts prometteurs, Djilali Mehri a poursuivi sa brillante carrière dans le secteur agro alimentaire mais aussi dans le tourisme. Là encore, la mondialisation financière montre le bout de son nez: le voici aujourd’hui associé au groupe français Accor dans la Société immobilière et d’exploitation hôtelière algérienne (SIEHA), une société au capital social d’un milliard de DA (125 millions USD), mise sur pied pour construire trente-six hôtels sous les marques Ibis, Novotel et Etap à travers plusieurs régions du pays.

        C’est l’ami Mehri qui fait entrer le mastodonte français de l’hôtellerie Accor Hotel dans le pays, avec le soutien de son fondateur Gérard Pélisson. Au côté de Mehri, Jean-Luc Motot, le monsieur Afrique du groupe qui gèrera les activités de la firme en Algérie, au sein de la joint venture SIEHA. Quand Motot est écarté de son poste du groupe Accor, il monte en 2010 sa “société hôtelière du grand ouest “et embarque dans ses valises… la fille de Djillali Mehri, Nacira et son mari Omar Bayazid, propulsés actionnaires. Business

        La jeunesse dorée des tchi-tchis algérois trépigne à l’idée d’une échappée belle à “la Gazelle d’or”, le nouvel hôtel du milliardaire franco-algérien Djillali Mehri. Ce n’est pas une simple pension, mais un village touristique haut de gamme posé sur les dunes sableuses de l’Oasis d’El Oued. La vidéo commerciale du site tournée au drone montre le large complexe d’en haut, ses centaines d’hectares de terrain, sa palmeraie… Pour l’inauguration le 1 er avril 2017, le millionnaire avait sorti le grand jeu- comme toujours-, fait déplacer le premier ministre d’alors, Abdelmalek Sellal , accueilli en compagnie du gratin politique du pays au son des orchestres traditionnels du sud et des coups de fusil.

        Combien de litres d’eau si précieuse pompés en plein désert pour assouvir les loisirs aquatiques de son “hôtel ressort”, son spa et ses deux piscines? “Le plus plus grand complexe touristique maghrébin” aura demandé près de dix ans de chantier et un investissement de 10 milliards de dinars selon les propres chiffres du groupe. Mehri voit grand. Toujours. Soit 200 euros la nuit sous “la Khaïma”, la tente traditionnelle, et 3000 euros “la suite royale”.“Djillali Mehri est un homme dont les origines d’El Oued ont forgé le caractère et lui ont donné le goût de l’esthétique», expliquait le ministre du tourisme algérien Chérif Rahmani lors de l’inauguration de l’Ibis Alger en 2009.

        Des trous d’air

        Tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes? Pas vraiment, car la chute du prix du baril du pétrole, des mises en cause judiciares et l’obsession affichée des partenaires occidentaux en matière de lutte contre la corruption, gâchent la fin de vie de ce pauvre multi millionnaire.

        La crise économique d’abord. L’Etat a eu beau dérouler le tapis rouge au businessman, assurer la sécurité autour du site, pousser sa compagnie nationale Air Algérie à ouvrir un vol Paris-El Oued, le carnet de commande ne se remplirait pas suffisamment. Une semaine après l’inauguration de la Gazelle d’or, le patriarche sortait de sa traditionnelle réserve pour pousser une beuglante. Affaibli par l’âge, les traits tirés, l’homme est apparu dans une vidéo de la chaîne groupe privée Ennaher TV pour critiquer la politique touristique du pouvoir: pas assez de visa pour les étrangers, mauvaises liaisons aériennes, omniprésence de l’Etat dans le secteur … On en oublierait presque que la troisième fortune algérienne s’est construite en raflant ces vingt derniers années les plus gros contrats hôtelier du pays avec le soutien tacite des autorités.

        Après la crise, les mises en cause judiciaires.En 2007, la justice suédoise enquête sur des pots de vin distribués par la firme Ericsson pour gagner des marchés étrangers, Mehri, représentant du groupe en Algérie, est cité pour la partie algérienne. Selon la radio publique suédoise, Sveriges Radio (SR), ill est soupçonné d’avoir reçu pour plus de 20 millions de couronnes seulement pour la seule année 1999.

        En 2011 le millairadaire est accusé par la presse algérienne et les associations de défense des droits de l’homme d’avoir mis arbitrairement sur le trottoir plusieurs familles d’Oran, dont celle d’un célèbre Moudjahid. L’immeuble avait été racheté par l’une de ses sociétés françaises selon un obscur montage immobilier. En 2014, la justice algérienne donne raison aux résidents expulsés.

        Plus récemment, le nom de Mehri a été cité lors des révélations sur les comptes discrets que possèdent de riches épargnants à HSBC Suisse. Djamel Mehri, fils de Djilali, associé à ce compte ouvert au nom de son père, a expliqué que leur groupe est présent aussi bien en Algérie qu’en France, aux États-Unis, à Dubaï et au Sénégal. « Je ne peux vous dire comment ce compte est alimenté, c’est privé, a-t-il déclaré à nos confrères du site Maghreb Emergent. Et d’ajouter: “Personnellement, je suis binational franco-algérien, résident à l’étranger, je ne suis ni fonctionnaire ni politique et je ne suis pas concerné par cette interdiction de se constituer des avoirs à l’étranger.”


        Disons que de père en fils, l’art de la duplicité et le talent de communication que possédait ce prince du désert qu’est Djilali Mehri n’est pas partagé par son propre fis qui apparement ne sait plus où il habite. La France? L’Algérie? Les paradis fiscaux? Allez savoir….


        La mondialisation peut avoir aussi provoquer quelques dégâts collatéraux identitaires chez les bi-nationaux, jeunes encore, qui ignorent ce qu’ils doivent à l’histoire de leur propre clan familial depuis l’oasis d’El Oued, la ville aux mille coupoles.

        (1) Djilali Mehri est également présent dans le secteur agroalimentaire à travers la société Atlas Bottling Corporation Pepsi qui détient la licence Pepsi-Cola en Algérie. un tiers des parts de cette société ont été cédées en mai 2014 au fond d’investissement Emerging Capital Partners (ECP).

        ‘2) Cette citation est extraite de “Paris, capitale arabe”, Le Seuil, Nicolas Beau, 1995.

        Dans le quatrième volet de cette enquête sur les oligarques algériens, Mondafrique s’intéresse à l’ancien ministre et homme d’affaires Andeslaam Bouchouareb, l’homme des Français
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
          Abdeslam Bouchouareb, l’homme des Français

          Enquête sur les oligarques algériens (4),
          par La redaction de Mondafrique - 27 septembre 2017


          Abdeslam Bouchouareb, l’homme d’affaires qui rêvait de devenir Premier Ministre, incarne le “Hibz França” (le “Parti de la France”) qui en Algérie, passe souvent pour une force malfaisante.

          En France, un banquier comme Emmanuel Macron peut devenir ministre de l’économie et même Président de la République. En Algérie, un homme d’affaires, Abdesslam Bouchouareb, a été plusieurs fois ministre de l’industrie ces vingt dernières années, même s’il a raté le coche pour devenir Premier ministre. Des deux cotés de la Méditerranée, le mélange des genres se porte bien.

          Détesté par les uns, adulés par les autres, Abdeslam Bouchouareb ne laisse aucun algérien indifférent. Le fis de la commune d’Aïn-Mlila située dans la Wilaya (Préfecture) d’Oum-El-Bouaghi dans le pays chaoui, a grimpé les échelons à un rythme effréné. Tout a débuté par une réussite indéniable dans le secteur agro alimentaire algérien, des marchés florissants dans une économie qui importe encore la majorité de ses produits alimentaires, notamment le blé, l’huile et le sucre.

          Durant les années 80, l’ami Bouchouareb se lance dans la fabrication des chips et pommes mousselines. Classiquement, le businessman exploite les réseaux dont il dispose au sein de l’institution militaire, qui à l’époque contrôle étroitement la distribution des marchés. Or, coup de chance, les deux frères d’Abdeslam étaient officiers dans l’Armée. Le premier, feu le colonel Slimane Bouchouareb, était directeur central du Personnel et de la Justice Militaire (DPJM) au ministère de la Défense Nationale. Le second, feu le colonel Karim Bouchouareb, était un haut cadre de la Sécurité Militaire, l’ancêtre du DRS, sous le rêgne du général Betchine.

          Du pays chaoui aux bords de la Seine

          Plusieurs fois ministres à la fin des années 90 et au début des années 20OO, Abdeslam Bouchouareb connaîtra la gloire en 2014 au début du quatrième mandat de Bouteflika. Il est parachuté ministre de l’Industrie à partir d’avril 2014 jusqu’à mai 2017. C’est que son réseau dans le pays chaoui, une région stratégique située dans l’est algérien, va le rendre incontournable aux yeux du président Bouteflika et de son frère Saïd. Ce sera lui qui défendra les intérêts du clan présidentiel dans une région qui a fourni beaucoup de ses cadres à l’institution militaire dont la Présidence cherche à limiter les prérogatives. Après avoir surfé sur ses relations dans l’armée, Bouchouareb n’hésite pas à se retourner contre ses amis d’hier pour plaire à la Présidence algérienne.

          En 2014 donc, Abdeslam Bouchouareb sera l’homme qui dirigera la nouvelle stratégie industrielle de l’Algérie. Des fonctions qui lui permettront de tisser des relations d’affaires impressionnantes au point de devenir l’interlocuteur secret des grands groupes étrangers notamment français comme Lafarge ou Renault.

          Abdessalem Bouchouareb croit tellement en l’avenir de l’Algérie qu’il a décidé de devenir résident en… France et cela depuis 1997! Ministre en Algérie et propriétaire à Paris d’un bel appartement sur les bords de la Seine, tel est le destin schizophrénique de ce Rastignac, tel qu’il a été révélé par les journalistes français Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet dans leur livre “Paris Alger, une histoire passionnelle”.

          “Le ministre requin”

          Le quatrième mandat de Bouteflika révèle la voracité illimitée d’Abdesslam Bouchouareb. Ainsi le “ministre requin” comme l’appellent de nombreux observateurs, a semé un véritable désordre dans le très délicat secteur des mines en Algérie. En effet, Bouchouareb a exercé un fort lobbying auprès des Bouteflika et leurs conseillers pour rattacher le secteur des mines à son portefeuille ministériel, à savoir celui de l’Industrie et de la Promotion des investissements, afin que son influence soit grandissante au sein du gouvernement. Naguère, les mines étaient gérées par le ministère de l’Energie.

          Il aura fallu après la réélection de Bouteflika en 2014 attendre près de six mois pour qu’un organigramme clair situe les prérogatives de la direction des mines au ministère d’Abdesslam Bouchouareb. Dans les wilayas (Préfectures), les directions des mines relèvent toujours de l’énergie et non pas de l’industrie. En l’absence de directives précises, ces fonctionnaires demeurent paralysés et de nombreux dossiers d’investissement en suspens.

          La loi du cllentélisme.

          Abdeslam Boychouareb n’oublie pas les siens. offre à sa famille un boulevard pour développer leurs affaires. Le BTP, la charpente métallique, le commerce de gros des matériaux de construction, l’importation des produits alimentaires: autant de secteurs surveillés de près par un ministre de l’Industrie devenu un des hommes les plus riches en Algérie.

          Ses amis ne sont pas oubliés. En Algérie, les frères Abdenour et Azzedine Souakri font beaucoup parler d’eux dans les affaires. Présents dans le secteur des matériaux de construction depuis des années, ils ont fait une entrée fracassante dans la cour des grands en obtenant un méga-projet en partenariat avec le très influent groupe français Lafarge. Avec ce dernier, ils ont réalisé une importante cimenterie à Djemora dans la wilaya de Biskra. Le secret de cette réussite est leur proximité avec Abdesslam Bouchouareb, largement l’artisan de ce partenariat avec le groupe francçais. C’est lui qui a activé ses réseaux à Paris pour imposer ses amis les Souakri. Il a également usé de son influence auprès des banques algériennes pour qu’elles financent une bonne partie de ce projet qui a nécessité un investissement dépassant les 300 millions d’euros.

          Des réseaux virevoltants

          Voici un an,le flamboyant ministre a commencé à s’attirer les foudres de plusieurs autres hauts responsables de l’Etat algérien. Trop riche, trop puissant, trop influent….A Alger, les business florissants de son fils, de sa fille et de son épouse dérangent agacent. Au sein du clan présidentiel, le ministre de l’Industrie ne fait plus l’unanimité. “Abdeslam est têtu et prend des décisions sans vérifier leur conformité avec l’arsenal juridique, explique-t-on chez les proches de la Présidence. Ce qui a créé des situations très inconfortables pour tout le gouvernement. L’ancien Premier ministre Sellal l’a rappelé à l’ordre à maintes reprises. Mais, lui, il fait le malin et défie son autorité en laissant entendre que son seul patron est Bouteflika”.

          Éjecté cet été du gouvernement et du bureau politique du RND, le deuxième parti gouvernemental, cet homme roublard n’a pas dit son dernier mot. Dans sa villa à Club-Des-Pins, Bouchouareb confie toujours à ses proches ses prochains projets politiques. Il a, certes, échoué à devenir Premier Ministre lors d’un conflit dur avec son adversaire Sellal. Lequel, au printemps dernier, était persuadé d’être reconduit comme Premier ministre avant d’être écarté brutalement au début de l’été. Au profit d’un nouveau Premier ministre qui, lui, ne durera que trois mois.

          Au pays des oligarques, le Capitole est proche de la Roche Tarpéienne.
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          • #6
            Les oligarques algériens (5): Réda Kouninef, le prince

            par La redaction de Mondafrique - 29 septembre 2017


            Très peu d’Algériens connaissent les Kouninef, infiniment discrets mais ô combien influent auprès de la Présidence algérienne.

            La famille Kouninef est dans les affaires en Algérie depuis les années 70. Le père fondateur de cette famille devenue l’une des plus riches en Algérie a été depuis longtemps l’un des amis les plus proches d’Abdelaziz Bouteflika. Lorsque ce dernier faisait sa traversée du désert dans les années 80, il a toujours trouvé une main tendue chez ses amis, les Kouninef, qui n’ont jamais hésité à le secourir financièrement. Et comme la gratitude et la reconnaissance sont des valeurs très chères à Bouteflika, les Kouninef ont agrandi significativement leur empire depuis 1999, date à laquelle Abdelaziz Bouteflika accède au pouvoir.

            Aujourd’hui, à la tête de l’empire Kouninef, nous retrouvons les trois frères Karim, Noah et Réda. Karim, l’homme qui figure sur la photo qui illustre notre enquête, est l’aîné et celui qui mène une véritable vie mondaine. Mais Réda Kouninef, le plus jeune, est le cerveau de cette famille d’affaires car il est celui qui vit au sein du sérail algérien avec ses relations privilégiées qu’il entretient avec la famille Bouteflika. Né en 1970 à Oran , Karim est, néanmoins, l’aîné de trois frères et une soeur. Pour apprendre le sens des affaires, son père l’oblige à découvrir les chantiers à l’âge de 12 ans. Au moment où toute sa famille s’apprêtait à partir en vacances, Karim travaillait dur.

            Le prince des oligarques

            “C’était une belle leçon de vie que je n’ai pas regrettée”, dira plus tard Réda qui préside aujourd’hui aux destinées du groupe familial, l’un des plus importants groupes privés en Algérie. Après des études à Pasteur à Oran, il part en 1989 suivre un cursus en Suisse où il obtenu la première partie de la maturité, équivalent du baccalauréat. Par la suite, il décroche un diplôme de commerce et revient au pays afin de reprendre des chantiers à Hassi Messaoud là où le groupe familial a obtenu plusieurs marchés juteux.

            La société phare du groupe familial s’appelle KOUGC. Cette entreprise concentre les activités les plus onéreuses et lucratives des Kouninef. Sous l’ère Bouteflika, elle est devenue la plus grande entreprise privée algérienne dans le secteur de l’hydraulique. “Nous avons été la première entreprise algérienne privée à avoir fait des forages pétroliers, notamment pour Mobil. Nous avons même reçu des lettres de félicitations des sociétés pour lesquelles nous avons travaillé”, se targue Karim Kouninef dans des confessions faites à son entourage.

            L’axe Kouninef-Bouteflika,

            Mais les Kouninef sont surtout connus pour leur amitié avec Saïd Bouteflika, le frère et puissant conseiller d’Abdelaziz Bouteflika. Saïd se confie à son ami Réda et n’hésite pas à lui demander conseil. Réda fait partie aussi du cercle restreint du clan présidentiel.

            Depuis des années, dans leur villa à Hydra, qui a servi de QG électoral lors des élections pour les 3e et 4e mandats de Bouteflika, les conciliabules les plus secrets sont organisés pour éplucher les dossiers politiques les plus délicats. En quelques années, les Kouninef sont devenus l’oreille des Bouteflika. Mais ils conservent cette influence dans la plus grande discrétion.

            Pas question apparaître. “Mon père m’a toujours dit : “Karim, tu dois choisir. Soit tu fais de la politique, soit tu deviens homme d’affaires. Tu ne peux pas mélanger les deux. J’ai choisi d’être homme d’affaires. D’ailleurs, tous ceux qui ont essayé de faire les deux, ont échoué dans les deux”, avait-il raconté un jour.

            Hommes d’affaires et influents lobbyistes de l’ombre. C’est le secret de la réussite étincelante des trois frères Kouninef. Une réussite qui a fait de ces trois mousquetaires les “princes des oligarques”. On ne compte plus le dossiers où ils ont été les principaux instigateurs. En 2015-2016, le stratège Réda Kouninef le déclencheur de l’offensive contre Issad Rebrab, l’homme d’affaires le plus riche d’Algérie, et héritier de l’Etat-DRS longtemps combattu par Bouteflika. Lors du conflit entre Sellal et Ali Haddad, il est celui qui négocie et impose la paix. Et lors du lancement des méga-projets, il est celui qui défend toujours les intérêts des groupes privés dans leurs associations avec les multinationales.
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            • #7
              Les oligarques algériens (6), ces “quadras” qui ne doutent de rien

              par La redaction de Mondafrique - 2 octobre 2017


              En dépit de la crise financière qui frappe de plein fouet le pays, une nouvelle génération d’hommes d’affaires s’impose. Des “quadras” décomplexés!

              Les oligarques qui grâce à leur proximité avec le pouvoir algérien se sont considérablement enrichis ont fait école. Une génération plus jeune a commencé à émerger, qui ne fait pas mystère de ses ambitions. Il faudra compter avec ces quadragénaires décomplexés qui n’ont pas eu pour s’imposer à se soumettre aux oukases du DRS (services algériens), qui a longtemps organisé une économie rentière et corrompue.Ces nouveaux venus se vivent d’abord comme des entrepreneurs.

              A l’ombre du FCE

              Parmi les hommes d’affaires les plus prometteurs, on trouve Hakim Soufi, le jeune PDG de la compagnie d’assurances privée Macir Vie. Fils d’un richissime homme d’affaires, le jeune Soufi a réussi à s’imposer tout seul dans le secteur de l’assurance, en tenant la dragée haute aux concurrents français Axa Assurances et Amana, la filiale Algérienne de la MACIF. Avec son dynamisme et son lobbying efficace auprès de plusieurs décideurs algériens, Hakim Soufi hisse sa compagnie au plus haut niveau. Le patron de Macir Vie a su également comment devenir l’un des jeunes acteurs les plus influents au sein du FCE d’Ali Haddad, le puissant patronat algérien qui regroupe pas moins de deux mille entrepreneurs à travers toute l’Algérie.

              C’est au sein même de ce FCE d’Ali Haddad que nous retrouvons un autre jeune milliardaire algérien qui fait beaucoup parler de lui en ce moment. Il s’agit de Mohamed Metidji, patron du groupe familial Metidji . A la tête de plusieurs entreprises qui produisent actuellement en moyenne plus de 500 tonnes par jour de semoule et de farine et génère un chiffre d’affaires de plus de 70 millions d’euros, ce jeune patron a fait du groupe familial qu’il avait reçu en héritage l’un des fleurons de l’industrie agro-alimentaire en Algérie. Une véritable success story qui pousse aujourd’hui le groupe Metidji à partir la conquête du marché africain.

              Sami Agli est l’autre jeune milliardaire algérien qui fera couler beaucoup d’encre dans les années. L’homme a d’ores et déjà été propulsé sur les devants de la scène médiatique lorsqu’il a été sélectionné en 2016 parmi les 100 jeunes leaders africains dans le classement établi par l’institut Choiseul 100.

              Comme ses compères Soufi et Metidji, Sami Agli a dépoussiéré un groupe familial en le modernisant pour faire de lui l’un des leaders dans le secteur de l’immobilier et l’agroalimentaire notamment dans le conditionnement de la datte et son exportation ainsi que la transformation des céréales.

              Dans la cour des grands

              Abdelmalek Sahraoui, le patron de Petroser, la marque algérienne de station-services qui tente de se frayer un chemin dans l’ombre de la Sonatrach, est lui aussi l’un des futurs poids lourds de l’oligarchie algérienne. L’homme est très discret, mais ô combien stratège. Son amitié avec Daho Ould Kablia, l’ex-ministre de l’Intérieur et l’un des anciens leaders du MALG, l’ancêtre du DRS algérien, lui permettra d’ouvrir plusieurs portes dans le monde des affaires. Il construit rapidement un petit royaume où il amassera une véritable fortune grâce à la distribution des produits pétroliers. Aujoud’hui, il fructifie ses affaires dans l’agriculture et se place sur l’échiquier politique en devenant sous la bannière du FLN. Abdelmalek Sahraoui agrandit de jour en jour son pouvoir d’influence.

              Aux côtés de ces jeunes milliardaires, nous retrouvons enfin le vieux loup Brahim Hasnaoui qui a bâti une fortune colossale grâce à son groupe Hasnaoui BTPH. Il fait une entrée fracassante dans la cour des grands oligarques algériens avec le projet de la cité Ryad, une véritable ville dans la ville, qu’il construit dans l’est d’Oran. Discret, mais très actif dans les coulisses politiques à l’ouest du pays, il va réussir à doter son groupe d’un chiffre d’affaires évalué à… 200 millions d’euros. BTP, exploitation des carrières, Hasnaoui s’agrandit sans cesse et prépare sa succession.

              Sans faire la une des médias comme les stars de l’oligarchie algérienne, les Haddad, Rebrab et consorts, ceux là construisent collectivement une force qui comptera dans l’Algérie de l’après Bouteflika.

              Dans le septième et dernier volet de notre enquête sur les oligarques algériens, nous nous pencherons sur l’optimisation fiscale: “Du bled au paradis”. Avec un article sur la famille Benhamadi saisie par le vent du grand large
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              • #8
                Les oligarques algériens (7): Du bled au paradis (fiscal)

                par La redaction de Mondafrique - 2 octobre 2017


                Des hauts plateaux algériens au Luxembourg et à Hong Kong en passant par la banlieue parisienne, on assiste à l’insolente réussite de la famille Benhamadi. A la croisée de la politique, des affaires et des fidélités claniques

                Chez les Benhamadi, ils sont cinq frères, cinq comme les doigts de la main: l’ainé Moussa, tour à tour ministre de la poste et des technologies de l’information et Pdg d’Algérie Télécom, un des artisans des campagnes électorales du président Bouteflika; Abderrahmane, l’amateur de golf et le patron de l’enseigne Condor qui commercialise électroménager et téléphones mobiles; Omar, le directeur général du groupe familial; Hocine, le responsable local du FCE, l’organisme qui représente le patronat algérien; et enfin Smail, député du RND, le deuxième parti du pouvoir en Algérie.

                Un partenariat public privé

                La réussite industrielle de cette famille s’explique d’abord par les liens étroits tissés au fil des années avec la classe politique algérienne. A peine nommé Premier ministre au mois d’août, Ahmed Ouyahia, ce vieux routier du sérail et patron du RND, confie à Smail Benhamadi qui appartient au même mouvement, une tâche de la plus haute importance. Qu’il relaie, après un été mouvementé son message d’apaisement aux forces économiques de la région de Bordj Bou Arridj.

                Les deux hommes se connaissent bien. La silhouette d’Ouyahia a été aperçue dans les locaux du groupe familial durant les élections législatives du printemps dernier. “Il y a une place qui lui est réservée quand il vient”, précise un collaborateur de Smail Benhamadi.

                Niché sur les hauts plateaux algériens, le luxueux hôtel Béni Hammad qui appartient aux Benhamadi est le coeur des affaires de cette puissante famille. L’établissement fait office de guichet où les habitants de la région déposent leurs doléances. Et un proche de raconter: “On a vu des femmes y attendre pour demander un frigo ou un climatiseur”.

                La loi du clan

                Depuis les derniers étages du bâtiment, Smail Benhamadi, l’un des plus riches députés de l’hémicycle algérien, dirige ses activités politiques, depuis un bureau sans prétention, à l’exception d’une table de jeu posée dans un coin. L’homme, dit-on, est un fondu de cartes, dont il garde plusieurs jeux sur son étagère. Pour naviguer dans les eaux mouvementées de la politique et du business en Algérie, il faut savoir, comme au poker, jouer de bluff, de chance et de doigté.

                Ainsi en ce début d’année 2017, lorsque les deux frères Moussa et Smail sont concurrents pour les législatives du mois de mai, l’un au RND et l’autre au FLN, il a fallu naviguer à vue. Une famille, deux étiquettes, une même circonscription. La candidature FLN de Moussa finira par être détournée vers Boumerdes, provoquant une levée de bouclier des militants locaux face à ce parachutage mal engagé.

                Couscous et climatiseurs

                Grâce au patriarche “El Hadj” Mohammed Tahar, la famille de Bordj Bou Arredj a réussi, à transformer la petite quincaillerie du père héritée à l’indépendance en un mastodonte. Le groupe est présent dans le bâtiment, l’agroalimentaire, l’emballage, les toiles en jute, le métal, et plus récemment l’électroménager, le mobile et le photovoltaïque. Mais la façade commerciale du groupe reste le petit bijou de technologie: Condor, l’entreprise qui estampille les écrans plasma , les téléphones portables, les tablettes et bientôt les GPS. Près de 6000 salariés sur le territoire. Ce serait la première marque certifiée “Basma Djazairia” (“made in Algeria” ). A cette réserve près que elle annonce d’ici 2022, 50 % de son chiffre d’affaires à l’export. “Une nouvelle ère” affichent les réclames, “celle de l’internationnalisation.”

                Rien de surprenant. Car la saga Condor commence à l’international.

                Le Luxembourg, forcément


                Dès 2001, une société est créée au Luxembourg par le clan Benhamadi: “Condor Trading SA”.
                C’est dans le petit paradis fiscal qu’en 2001 la marque voit le jour pour la première fois. Le groupe Benhamadi profite de la fin du monopole d’Etat sur le commerce extérieur pour importer des matériaux de construction, du cuivre, avant de se lancer dans l’assemblage de pièces électroniques.

                “Condor” n’existe pas encore officiellement en Algérie, mais une société lui est déjà créée au Luxembourg : “Condor Trading SA”. C’est par elle que passe “la vente, l’import et l’export de cuivre et de composants électroniques”, comme l’indiquent les documents de la société consultés par Mondafrique.

                Une histoire commerciale comme seule l’Algérie sait les produire.



                Un jeune de banlieue dans la boucle

                Pour mener à bien l’opération, Abdrrahmane Benhamadi fait appel à un intermédiaire français. Ali est un jeune de Clichy, domicilié dans un immeuble sans vie tenu par un marchand de sommeil en banlieue parisienne. En 2001, il est appelé à parapher les statuts de Condor Trading SA société dont il endosse le rôle d’administrateur.

                La même année, Abderrhmane, le troisième frère, injectait l’équivalent de 24000 euros dans sa société parisienne spécialisée dans l’import export “de supports musicaux”, “World Soul SARL” (voir le document ci dessus). Interrogé par Mondafrique, Ali devait répondre qu’il “ne travaille plus pour les Benhamadi”.

                L’air du large

                La société brasse surtout des sommes importantes. Elle achète dès 2001 pour 694000 euros de marchandises et elle engrange plus de 800 000 euros de chiffre d’affaires annuel, en payant même la cotisation à la chambre de commerce du Grand Duché. Une société 100% luxembourgeoise ! A ceci près qu’elle ne possède que des bureaux au Luxembourg. Ni usines, ni zone de stockage. La société luxembourgeoise se contente d’administrer discrètement la gestion financière des importations de matériel.

                Le montage luxembourgeois accompagne l’ascension fulgurante de la marque Condor , dont on ne se lasse pas de louer dans la presse “le rapport qualité-prix”

                Les belles années Boutef

                Forte d’une cinquantaine de salariés en 2002, la PME va exploser. Après la clim et la TV, Condor se lance en 2006 dans l’assemblage de téléphones portables. A mesure que les activités fleurissent en Algérie, le groupe Benhamadi se désengage petit à petit de sa société luxembourgeoise. En 2010, Abderahmane Benhamadi démissionne de son poste d’administrateur pour laisser les rênes de la société du Grand Duché à un cabinet de gestion domicilié au Panama, “Flanders Foundation”. Au cours d’une AG extraordinaire en septembre 2012, les administrateurs de “Condor Trading” décident de changer les statuts de la société. Exit l’importation de “matériel électronique” et de cuivre, “Condor Trading” se concentre sur l’investissement.


                Plusieurs sociétés du groupe sont enregistrées à Hong Kong
                Coïncidence, c’est toujours en 2012 qu’une société du groupe apparait dans une autre place offshore. En juin 2012, “Condor International Co LTD” est enregistrée par le très cabinet Panaméen Monsack Fonseca aux îles Samoa. Cette fois, c’est Omar Benhamadi, numéro 2 de Condor qui administre l’entité avec un montage encore plus folklorique. Enregistrée aux iles Samoa, “Condor International Co LTD” dispose en fait d’une boite aux lettres à Hong Kong. Là où le groupe avait déjà domicilié une autre entité du groupe en 2007, “Groupe Benhamadi Antar Trade Co”, dissoute depuis (voir le document).

                En 2015, Condor Algérie annonçait un chiffre d’affaire de près d’un milliard de dollars. Voici un groupe réputé non sans bonnes raisons pour “sa capacité d’innovation”, d’après son site internet.

                Avec une médaille en matière d’optimisation fiscale?

                Contacté à plusieurs reprises au téléphone et durant le week end, puis via des emails envoyés à la direction de la communication, les dirigeants du groupe ont souhaité lire l’article dans sa totalité. Ce que Mondafrique a refusé naturellement. Mais ils n’ont pas répondu, malgré plusieurs relances, aux interrogations que nous pouvions avoir sur l’existence et l’utilité de ces comptes situés dans des paradis fiscaux.
                The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                • #9
                  Il nous faut un autre Poutine en Algérie pour la nettoyer de ses parasites nuisibles.
                  La guerre c'est le massacre entre gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas.

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