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Juillet 1962-juillet 2018 : L’HISTOIRE, C’EST LA FONTAINE DE LA NATION

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  • Juillet 1962-juillet 2018 : L’HISTOIRE, C’EST LA FONTAINE DE LA NATION

    Écrit par Boukhalfa AMAZIT

    Juillet 1962-juillet 2018 : L’HISTOIRE, C’EST LA FONTAINE DE LA NATION
    Peu de livres, peu de documentaires, de scénarios, de pièces de théâtre, peu de peintures, peu de poésies, peu d’écrits, peu de films, peu de tout a été consacré aux événements qui ont précédé et succédé au référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962, lequel a consacré l’indépendance de l’Algérie.

    L’Algérie ! Orgueil et âme des possessions françaises, comme on le disait des Indes, pour l’empire britannique. C’est ici et nulle part ailleurs, ici, sur les pavés d’Alger, où il est né le 5 juillet 1830, que s’éteignait à jamais, l’empire de France. Or, ni la grandeur du moment ni la solennité de ces instants, la somptuosité et la joie, n’ont incité à plus d’élans créateurs. Est-ce à dire que les fruits de ce printemps finissant et de l’été naissant, en avaient la brillance et le parfum mais non la consistance et la sapidité, pour ainsi détourner le regard inventif des architectes du beau et du talent des bâtisseurs de culture. Passe encore pour l’allégresse et l’ambiance délirante d’un peuple triomphateur, qui célèbre sa propre renaissance. Mais, que diable, pas même nos historiens pour nous dire ce que nous avons, bien plus que le droit de connaître, mais le devoir citoyen de savoir d’abord, pour transmettre ensuite. Lapidaire, comme un coup de burin sur un pan de notre histoire, on a collé à cette phase, pourtant ô combien importante, un titre générique comme une étiquette pense-bête, sur laquelle on ne sait qui a inscrit et pour l’éternité : «La Crise de l’été 1962».
    Pour bien des personnes qui s’intéressent à l’Algérie d’aujourd’hui, cette période fort agitée qui a préludé de la construction de l’édifice politique algérien, en est le point de départ. Il faut en douter car les symptômes du syndrome, qui apparaîtra en 1962, sont plus anciens. Ils tiennent en partie leur origine de la naissance du mouvement national d’émancipation toutes tendances confondues. L’incubation a été longue et favorisée par les compromis entre les différents acteurs politiques, leaders ou simples militants successifs et la recherche permanente du consensus pour protéger l’objectif qui était l’indépendance nationale. Il faut ajouter à cela le fâcheux recours, devenu doctrinaire, au système de cooptation au détriment de l’élection démocratique. Un procédé qui a engendré la mentalité et les mœurs de clan, plutôt que la cohésion et l’esprit d’équipe.
    C’est à Tripoli, capitale du Royaume de Libye, dont le souverain Idriss 1er n’a jamais été avare de sa solidarité agissante avec le peuple algérien en lutte, que s’est désintégré l’agglomérat qu’était devenu le Front de libération nationale. L’unité apparente de ses rangs s’était gravement distendue au fil des épreuves que lui a imposées la guerre totale que lui avait livrée le colonialisme français.
    Lui, qui avait résisté à la quatrième puissance militaire du monde, adossée à l’Otan, avec tout son arsenal idéologico-politique, ses alliances avec les patriciens de ce monde, ses médias, ses chefs charismatiques qui faisaient la une des journaux de la planète, succombait devant ses propres démons. A Tripoli, tout est parti d’une question secondaire. Tahar Zbiri, responsable de la Wilaya I, avait-il les procurations des membres du conseil de sa wilaya pour voter en leur lieu et place ? Oui, selon lui, et non, selon Ben Khedda, président du GPRA, qui enlevait sa casquette de chef de l’Exécutif, une fois au CNRA. C’est l’incident. Ali Haroun a écrit : «Les esprits s’échauffent. Plusieurs voix se font entendre à la fois. Ben Bella intervient pour soutenir Zbiri. Après tout, dit-il, pourquoi ne pas reconnaître ces trois suffrages ? Manifestement, il venait à l’aide de celui qui allait lui en savoir gré. Le président du GPRA reproche au vice-président de briser la solidarité gouvernementale, fait d’autant plus inexcusable que quelques jours auparavant, le gouvernement avait étudié ce cas et pris une décision unanime et fondée. Le président estimait cette manœuvre inadmissible. Ben Bella se dresse interpelant le président.
    «Le plus grand manœuvrier, c’est toi, et si personne à ce jour, ne t’a déshabillé, je vais le faire, moi !
    - Tu n’as pas à t’adresser de la sorte au Président. Et, s’il faut te dénuder, nous le ferons», déclare Salah Boubnider, de l’autre côté de la salle, à Ben Bella.
    «Ben Bella, depuis un mois que tu vis parmi nous, tes manigances ont déjà semé la discorde...», intervient Bentobbal, qui bondit de sa place. «Tu n’as pas le droit de dire ça, Si Abdallah »
    - Si, et je vais le prouver à l’instant à cette assemblée.»
    Le brouhaha est à son comble. Les congressistes se lèvent...» Ce langage de charretier, gravé dans les bobines magnétiques des travaux du dernier Congrès du FLN, traduisent si besoin est la profondeur du mal qui rongeait de l’intérieur l’appareil politico-militaire de l’insurrection. Il renseigne sur l’appétit de pouvoir. Ceux qui en avaient fait le moins s’agitaient le plus. Peu d’entre les congressistes avaient pris la peine de lire et de comprendre le texte, préparé à leur intention par le groupe dit «de Hammamet». Ce comité de rédaction, qui aurait été mis en place par Ahmed Ben Bella, avait en effet élaboré ce qu’ils ont appelé : le Programme de gouvernement, document qui deviendra par la suite la Charte de Tripoli, référence absolue du «benbellisme». Du moins, jusqu’à ce qu’elle soit supplantée par la Charte d’Alger, élaborée à la commande, confectionnée sur mesure pour son régime autoritaire et sans partage entre 1962 et 1965, quand Boumediène, son allié et bras armé qui le plaça sur un piédestal, le déboulonnera pour «culte de la personnalité» aggravé.
    Dans les faits, dès après le Congrès de la Soummam d’août 1956 et les grands principes doctrinaux de la Révolution algérienne, consignés dans la plateforme qui en a sanctionné les travaux, les premières lézardes apparurent. Elles sont de taille. Ni le temps ni le travail des hommes ne les calfeutreront, bien au contraire.
    Ahmed Ben Bella, le premier, et non le seul, considérera les assises d’Ifri nulles et non avenues. Il recense plusieurs griefs.
    - Absence de la wilaya I (Aurès-Nememchas). Mostefa Ben Boulaïd étant mort au combat, son frère qui s’était autoproclamé successeur n’a pas été admis aux travaux.
    - Larbi Ben M’Hidi, membre des 22, membre du CRUA, membre du Comité six, premier chef de la Zone 5 (Oranie), n’avait pas, selon lui, la qualité de la représenter. Ben M’Hidi, avec lequel il a eu une grave dispute au Caire. Ceci pour ce qui est de l’organisation.
    - Tout comme il relevait l’absence de membres de la délégation extérieure, dont lui.
    - Ben Bella rejetait le texte de la Charte de la Soummam, trouvant celui-ci peu disert sur le caractère arabo-islamique de l’Algérie.
    - Enfin, last but not least, il considérait comme incongrue la présence de centralistes ou d’Udmistes au sein du CNRA et du CCE. Son opposition aux grands principes abaniens «primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur», énoncés comme credo doctrinal de la Révolution, fera de Ben Bella le plus farouche opposant à Abane Ramdane. Il se félicitera d’ailleurs publiquement dans une lettre au CCE de son assassinat par ses pairs en décembre 1957. De toutes les façons, la réunion du CNRA du 20 août de la même année au Caire avait caviardé les idéaux de Abane au profit d’un populisme simpliste qui mettait les militaires sur les gradins et les politiques sur les strapontins. La création de l’état-major général, en janvier 1960, à l’issue de la réunion des cent jours, qui a rassemblé dix colonels à Tunis (août à décembre 1959), va achever l’édifice martial à la tête de la Révolution et la militarisation du FLN.
    De ce bicéphalisme politique (GPRA) et militaire (EMG) naîtra une autre crise qui va ébranler l’édifice bringuebalant de l’appareil de la Révolution.
    Les manifestations de décembre 1960 avaient déjà insufflé une vigueur nouvelle à la marche de la lutte. La rupture de la ligne de masse, comme disent les marxiens, n’aura pas les effets escomptés par le colonialisme. La direction politique française, plus que toute autre, a entendu ce grondement comminatoire et a compris que rien ne s’opposera à la volonté des Algériens de vivre libres de toute tutelle étrangère. Ce qui a éclaté en 1962, c’est l’accumulation de toutes les contradictions charriées par la Révolution et tous les contentieux emmagasinés et comprimés qui ont trouvé une faille géologique pour s’échapper. Il s’agit, aujourd’hui, de s’interroger sur le pourquoi et ensuite, sur le comment de tout cela. Sereinement. L’histoire n’est ni un prétoire, encore moins une arène. C’est la fontaine de la Nation.
    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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