Crânes de résistants algériens détenus au Musée de l'Homme de Paris. D. R.

Par Karim B. – Une correspondance officielle entre les ministres des Affaires étrangères français et britannique, la veille de l’invasion de l’Algérie par la France, laisse entendre que l’armée française avait reçu instruction d’exterminer les populations autochtones vivant sur le territoire de la Régence d’Alger, appelée «Etat barbaresque» par les Britanniques.

Dans une de ces correspondances relatives aux relations algéro-françaises avant 1830 et à la préparation de l’agression française en coordination avec les Etats européens, le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Aberdeen, informe son homologue français, Jules de Polignac, que Londres a été destinataire d’une «réponse à la demande d’explications» qu’il avait été «chargé de faire relativement aux vues et intentions réelles du gouvernement français dans l’expédition qui se prépare actuellement dans les ports de France contre la Régence d’Alger».

«Les explications contenues dans cette dépêche, en tant qu’elles se rapportent aux motifs et à l’objet général de la guerre, ont satisfait le gouvernement de Sa Majesté, et cette satisfaction s’est augmentée par l’offre spontanée de M. de Polignac de fournir des explications encore plus claires et précises sur les points qu’on croirait nécessaires d’éclairer», note Lord Aberdeen qui fait part de l’inquiétude de son pays quant aux visées réelles de la France en Algérie.

Il explique que «les graves outrages et les insultes réitérés que Sa Majesté très-chrétienne a eu à souffrir par la conduite du gouvernement d’Alger ont été, depuis longtemps, un sujet de peine pour Sa Majesté, et elle s’est toujours attendue à voir qu’une éclatante réparation fût demandée pour une telle conduite». Mais le ministre met en garde, en des termes diplomatiques, contre des desseins expansionnistes qui seraient cachés par la France à son allié britannique à travers cette agression dont le roi souhaite qu’elle «profite aux puissances chrétiennes en général». «Il paraît, toutefois, que l’expédition a un caractère plus qu’ordinaire car, si j’interprète exactement la dépêche de M. de Polignac, elle est entreprise moins en vue d’obtenir réparation ou d’infliger un châtiment que pour réaliser un projet qui pourrait amener peut-être une guerre d’extermination», avertit Lord Aberdeen.

«Dans ces circonstances, ajoute-t-il, nous aurions à peine à considérer comme une satisfaction, aussi complète que nous pouvons raisonnablement le prétendre, la déclaration de Sa Majesté très-chrétienne qu’au cas de l’anéantissement de l’Etat d’Alger, elle se concertera avec ses alliés sur les moyens d’assurer, de la manière la plus efficace, le but proposé de l’expédition».

Le Royaume-Uni ne demande pas à la France d’éviter une telle entreprise macabre. Il demande juste que cela se fasse en concertation avec les alliés européens. Ce qui inquiète Londres, c’est surtout le silence «absolu gardé» par le gouvernement français au sujet de ses «intentions sur les droits et intérêts» de l’empire ottoman. Autrement dit, exterminer les populations algériennes autochtones, d’accord ; toucher aux intérêts turcs, non !

K. B.
dzpat